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Le Grand Prix du déni écologique

13 juin 2023

Lecture

4min

  • Colin Pratte

Alors que des feux de forêt font rage d’un océan à l’autre au pays, l’urgence écologique ne semble pas encore suffisamment brûlante pour en finir avec le financement public d’événements tel que le Grand prix de Formule 1 du Canada, qui se tiendra cette fin de semaine à Montréal. Tôt ou tard, cet événement disparaîtra, au côté d’un ensemble d’éléments anti-écologiques de notre quotidien, tout simplement parce que les limites planétaires auront été franchies et que les conditions écologiques ne permettront plus de faire rouler des voitures en rond à haute vitesse. En attendant, on reproduit coûte que coûte des pratiques qui ont inspiré ce terme au physicien José Halloy: les technologies zombies. 

Un Grand prix zombie

Le terme « technologie zombie » décrit tout bien ou service dont les conditions de production à large échelle ne sont pas durables dans le temps. Elles deviennent de facto des zombies, puisque leur existence n’est que temporaire et vouée à disparaître un jour ou l’autre. L’image de l’étoile morte traduit aussi cette idée: bien que nous continuions de faire l’expérience par télescope de la lumière d’étoiles éteintes il y a des millions d’années, elles sont néanmoins mortes. Il en est de même avec le Grand Prix, mais aussi les téléphones intelligents non réparables (la durée de vie moyenne de ces téléphones est d’environ deux ans) les produits à usage unique, la massification des trajets en avion, les déplacements illimités en voiture énergivore, etc. Toutes ces technologies existent encore, mais sont de facto mortes puisque non durables sur le plan écologique. 

Un spectacle zombie qui coûte cher

Les technologies zombies, en plus de leur coût environnemental, ont souvent un coût socioéconomique très élevé. Le Grand Prix du Canada ne fait pas exception. Uniquement pour les droits versés aux propriétaires du circuit et sans compter les frais d’entretien de la piste et des installations, les trois paliers de gouvernement auront déboursé près de 400 millions de dollars entre 2009 et 2031. Une étude universitaire ayant recensé les Grand prix tenus en Europe entre 1991 et 2017, la plus exhaustive à ce jour, a par ailleurs conclu que leurs retombées économiques étaient négatives et ne justifiaient pas les fonds publics déboursés. Cette étude indépendante contraste avec les chiffres brandis par les promoteurs, issus de méthodologies par ailleurs critiquées et invalidées par les auteurs de l’article scientifique cité.

En plus de dilapider des fonds publics, l’entreprise propriétaire du circuit de la F1, Liberty média, est composée de 225 sociétés établies notamment à Jersey, au Luxembourg et aux Îles Caïmans, des paradis fiscaux qui expliquent pourquoi l’entreprise multiplie les controverses fiscales à travers le monde. Est-il opportun de financer avec taxes et impôts une entreprise qui en paie le moins possible aux moyens de stratagèmes qui saignent à blanc les trésors publics à travers le monde?

En finir avec des pratiques héritées du XXe siècle

Face à la crise climatique, la tenue d’événements tels que le Grand prix de Formule 1 devient un luxe que la saturation de l’atmosphère en GES ne permet plus. Cette célébration superflue de la culture de l’automobile compte logiquement parmi les premiers secteurs à qui imposer des limites et interdits, sur la base de la crise écologique qui se déploie sous de multiples facettes. L’insouciance environnementale du XXe siècle, que la publication en 1972 du rapport Les limites à la croissance avait eu tôt fait de dénoncer, se perpétue au XXIe siècle notamment par le biais d’un certain techno-optimiste, visible par exemple dans la promesse des propriétaires de la Formule 1 de rendre le circuit carboneutre d’ici 2030. Rendre carboneutre tous les excès fossiles du siècle dernier est non seulement une mauvaise idée, mais revient à croire erronément que la transition pourra se dérouler tout en maintenant le statu quo.

Le 18 juin prochain au circuit Gilles-Villeneuve, un 43e champion sera couronné, au prix de milliers de tonnes de GES, de fonds publics gaspillés et probablement d’une contribution à l’exploitation sexuelle. Ce spectacle zombie se tiendra minimalement jusqu’en 2031, qu’on peut espérer être la dernière année de cette énième forme de déni écologique. 

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1 comment

  1. Comparer les g P F 1 d’Europe à celui de Montréal , le seul dans le nord est où il y a plus de 100 millions de spectateurs possibles, c’est ignorer la réalité des faits .
    Analyser, et bien connaitre le sujet sur lequel on veut commenter avant de commenter est un prérequis

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