La Formule 1 ou le financement public des ultra-riches
10 juin 2025
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L’odieux de la Formule 1 est moins de continuer d’exister en dépit de la crise écologique, que de reposer sur un modèle d’affaires dont la rentabilité suppose l’injection massive de fonds publics.
Au moins 1 milliard $ de fonds publics par année
Les droits de course que versent l’ensemble des pays hôtes au circuit pour obtenir le droit d’accueillir un grand prix représentent environ 1 milliard de dollars par année, issus de fonds publics. Au Canada, les trois ordres de gouvernement auront versé entre 2009 et 2031 environ 400 millions de dollars aux propriétaires du circuit. En plus de ce montant faramineux, la construction et l’entretien du principal actif de la Formule 1, les pistes de course sont aux frais des pays hôtes. À Montréal, environ 100 millions de dollars ont été dépensés depuis 2017 pour l’entretien du circuit Gilles-Villeneuve.
En retour, les propriétaires de la Formule 1 répètent ad nauseam et souvent à partir d’études qu’elles commanditent que le circuit génère d’importantes retombées économiques. Or, un article scientifique, le plus exhaustif à ce jour, parvient à une conclusion inverse et établit sur la base des courses tenues en sol européen entre 1990 et 2017 que les retombées économiques de celles-ci sont inférieures aux fonds publics injectés.
À qui bénéficient ces fonds publics?
L’entreprise propriétaire du circuit de la Formule 1, Liberty Media, parvient à dégager des profits à la condition que le circuit soit soutenu en bonne partie par les impôts des contribuables du monde entier. Cela n’empêche toutefois pas cette entreprise de transférer ses profits dans des paradis fiscaux. Depuis 2021, elle a en effet déclaré 755 millions de dollars de profits nets au Luxembourg, sur lesquels elle s’est acquittée de 91 000$ d’impôts, soit un taux d’imposition estimé de 0,0001%.
Le tableau suivant présente l’ensemble des propriétaires des écuries de Formule 1, sans égard à la part relative détenue. On y retrouve tous les types d’investisseurs possibles.
Le tableau précédent renferme un éventail d’investisseurs: des milliardaires, des athlètes professionnels, des fonds d’investissement souverains et privés, des entreprises manufacturières, une société pétrochimique, etc. Il est stupéfiant de constater que leur enrichissement respectif dans le cadre de la détention d’une écurie de Formule 1 repose en bonne partie sur des fonds publics issus des droits de course et de l’entretien des infrastructures du circuit. À titre indicatif, l’écurie Ferrari est par exemple évaluée à 4,78 milliards de dollars US. Si les écuries étaient sevrées des fonds publics qui rendent possibles les courses, elles ne pourraient probablement pas exister, et encore moins dégager des bénéfices.
Certains des propriétaires des écuries sont déjà habitués aux controverses. La société pétrochimique INEOS, co-propriétaire de l’écurie Mercedes, est par exemple pointée du doigt par la Première nation Aamjiwnaang en raison des émissions de benzène, un puissant agent cancérigène, qui émanent d’un de ses établissements et qui ont forcé une évacuation partielle de la communauté en octobre 2024. La non-conformité des installations de Sarnia, en Ontario, a d’ailleurs participé à sa fermeture complète l’année dernière. Le propriétaire de Haas Automation, Gene Haas, a pour sa part été arrêté pour fraude fiscale par les autorités américaines en 2006, ce qui lui a valu une condamnation de deux ans de prison.
Une activité appelée à disparaître tôt ou tard
Le circuit de la Formule 1, présent dans 21 pays, figure parmi toutes ces activités excessives qui supposent des émissions de gaz à effet de serre débridées et un déni des limites écologiques planétaires. En outre, la F1 profite avant tout à de grandes fortunes qui, jouissant du privilège de posséder une « écurie » qui performe pour leur compte, en tirent un bénéfice financier grâce à l’apport de fonds publics. Le divertissement que ces courses sont censées procurer ne revêt au fond qu’une utilité sociale marginale qui pourrait disparaître sans grandes conséquences pour la population en général, outre le deuil d’un monde délesté de toutes limites écologiques.