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Télétravail et environnement font-ils bon ménage?

26 avril 2021

  • Julia Posca

À l’occasion de la journée de la Terre, Statistique Canada publiait une nouvelle étude portant sur les répercussions possibles du télétravail, que plusieurs Canadien·ne·s ont adopté en raison des mesures de confinement, sur le transport en commun et les émissions de gaz à effet de serre.

En 2015, « environ 10 % […] des employés travaillaient habituellement à domicile, mais ne le faisaient pas la plupart du temps », alors que 43,1 % des employés au Canada occupaient des emplois qui pouvaient être exercés à domicile. L’étude prend pour point de départ l’idée que si le travail à distance devient la norme pour tous ceux et celles qui peuvent en faire, il y aura forcément des répercussions sur les déplacements, notamment ceux effectués en voiture, et donc sur les GES attribuables à ce secteur. Ce serait donc une bonne nouvelle d’un point de vue environnemental, le transport étant responsable de 25% des émissions canadiennes de GES en 2019. Il s’agit du 2e secteur en importance après celui de l’exploitation pétrolière et gazière, qui a pour sa part engendré 26% des émissions du pays.

L’étude de Statistique Canada arrive à 3 conclusions principales :

  1. L’adoption du télétravail par toutes les personnes en mesure de le faire réduirait de près d’une heure (55,3 minutes) leur temps de déplacement moyen.
  2. L’utilisation du transport en commun par ceux et celles qui utilisaient ce mode de transport pour se rendre au travail diminuerait de moitié.
  3. La baisse attendue des GES serait de l’ordre de 86 mt éq. CO2, soit « 6,0 % des émissions directes de GES des ménages canadiens en 2015 et 11,0 % de leurs émissions attribuables au transport cette année-là. »

Les auteurs prennent soin de spécifier « qu’il y a plusieurs limites inhérentes au calcul de ces chiffres, il vaut mieux interpréter ces constatations comme un point de départ utile pour quantifier les répercussions de la transition vers une économie à distance, plutôt que comme une source d’estimations définitives et sans incertitude de ces répercussions. »

Ils soulignent par exemple que toutes les personnes qui sont en mesure de faire du télétravail ne le feront pas nécessairement. À ce propos, une autre étude de Statistique Canada permet effectivement de croire que toutes celles et ceux qui ont été forcés par la pandémie de travailler de la maison ne garderont pas cette habitude lorsque le confinement sera levé. On y apprend ainsi que « 41 % [des répondants] préféreraient travailler environ la moitié de leurs heures à la maison et l’autre moitié en dehors de la maison, tandis que 39 % préféreraient travailler la plupart (24 %) ou la totalité (15 %) de leurs heures à la maison. Les 20 % restants préféreraient travailler la plupart (11 %) ou la totalité (9 %) de leurs heures à l’extérieur du domicile. »

Par ailleurs, les auteurs mentionnent que leurs analyses ne tiennent pas compte du fait que les personnes en télétravail devront malgré tout effectuer des déplacements, que la réduction de la congestion pourrait inciter d’autres usager·e·s de la route à utiliser davantage leur véhicule, ou encore que certains, influencés par le contexte sanitaire, pourraient décider de troquer les transports en commun pour la voiture par crainte d’être infecté. Ces effets rebonds auraient tous pour conséquence de minimiser les impacts positifs de l’adoption du télétravail.

D’autres chercheurs ont souligné que l’utilisation accrue d’outils numériques dans le cadre du travail à distance pourrait représenter un autre de ces effets rebonds, car leur impact environnemental est loin d’être neutre. Le numérique serait responsable de 4% des émissions de GES mondiales selon le Shift Project, dont 80% résultent des vidéos en ligne.

Enfin, l’adoption du télétravail pourrait aussi amener plus de ménages à choisir de s’établir en banlieue, où la possession d’une voiture demeure incontournable, et à opter pour des maisons plus grandes dont la dépense énergétique est aussi plus importante.

Une fois tous ces scénarios envisagés, il devient difficile de considérer le télétravail comme une solution à la crise climatique. À la manière des technologies « vertes » qui sont présentées comme la clé pour renverser la tendance au réchauffement planétaire, l’espoir que certains fondent dans le télétravail ne sert peut-être qu’à repousser le moment où ce sont nos modes de production et, incidemment, l’organisation du travail dans nos sociétés qui devront être remis en question de manière fondamentale.

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