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Savoirs ancestraux: pourquoi les revisiter à l’ère de la multiplication des feux de forêt?

21 juin 2023

Lecture

4min

  • Eve-Lyne Couturier

On se souviendra de l’année 2023 comme celle des feux de forêt. Que ce soit au Québec, en Ontario, dans les Maritimes, en Colombie-Britannique ou dans les Territoires du Nord du Canada, les feux ont été plus nombreux, plus grands et plus intenses, alors que la saison estivale n’est même pas commencée. Ces territoires qui brûlent ne sont pas que des forêts. Plusieurs communautés ont été délogées, ne sachant pas si elles retrouveraient leurs maisons intactes. Des entreprises ont fermé alors que les ressources dont elles dépendent partaient en fumée et la flore et la faune ont subi des dommages qui pourraient être irréversibles.

Au confluent de ces trois groupes se retrouvent plusieurs communautés autochtones dont la vie et la culture sont enracinées dans le territoire aussi profondément que les arbres. Alors que les personnes issues des Premiers Peuples représentent 5% de la population du Canada, elles comptent pour 42 % des personnes évacuées. Ce sont de ces communautés qui sont à l’avant-scène de cette catastrophe naturelle. Mais pas que celle-là. Pensons notamment à la fonte des glaciers, la pollution de l’eau, l’érosion des sols… Ces phénomènes affectent les nations autochtones de plein fouet. L’enjeu est bien plus important que la disparition d’un mode de vie traditionnel: ces populations sont en quelque sorte le canari dans la mine des catastrophes environnementales.

Il est particulièrement déplorable, de réaliser que le savoir traditionnel des peuples autochtones aurait permis de prévenir certains brasiers. En effet, depuis des millénaires, des Gardiens du feu pratiquent des feux contrôlés et des feux culturels pour réduire les combustibles naturels lorsque la terre est trop sèche et dégager de l’espace, afin que les forêts puissent se développer sainement. Ce savoir, transmis de génération en génération, permet de faire des feux de surface bien contrôlés tout en renforçant la résilience des arbres

Pour leur part, les stratégies gouvernementales ont plutôt, pendant des années, pris le parti de la suppression totale des feux. Jusqu’à la fin du XXe siècle, le rôle positif du feu était difficile à faire accepter et il n’était vu que comme un ennemi à combattre. Si cette approche a contribué à donner un faux sentiment de sécurité aux villes et villages avoisinant les forêts, elle a également créé des conditions propices aux brasiers dévastateurs tels que ceux que nous connaissons présentement.

Depuis quelques années, les recommandations ont changé et des feux contrôlés ou dirigés ont fait un retour parmi les outils des organismes responsables de gérer les risques d’incendie dans les forêts. Une transmission des savoirs traditionnels du soin de la forêt s’est également entamée, mais à pas de tortue, au gré des méandres bureaucratiques. En effet, bien que plusieurs personnes sur le terrain souhaitent travailler en partenariat avec les Nations autochtones concernées par le soin des forêts, les politiques nationales demeurent lourdes et peu flexibles. En temps de crise, l’urgence prend le pas sur l’écoute. Et les résultats peuvent être désastreux.

Bien entendu, les priorités des autorités ne sont pas toujours alignées avec celles des communautés autochtones. Selon l’agence de sécurité publique de la Saskatchewan, les efforts de protection commencent d’abord par les vies humaines et les communautés, suivi par les infrastructures publiques critiques, les infrastructures industrielles, le bois commercial puis les autres ressources naturelles. Les territoires ancestraux arrivent donc en queue de peloton puisqu’ils sont généralement peu habités au sens colonial du terme, bien qu’ils constituent la résidence principale identitaire de nombreuses communautés.

Plusieurs travaux de recherche démontrent que les terres gérées par les autochtones à travers le monde sont généralement plus saines, dynamiques et riches en biodiversité. Les savoirs ancestraux font d’ailleurs de plus en plus leurs chemins dans les corridors académiques, permettant de rendre visible et audible ce que les membres des Premiers Peuples répètent depuis fort longtemps: les savoirs traditionnels sont des savoirs importants et scientifiques tout comme ceux développés dans les laboratoires.

Espérons maintenant que 2023 sera également l’année où ces savoirs seront enfin pris au sérieux et que ces feux demeurent une exception plutôt qu’un phénomène d’un été normal.

 

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2 comments

  1. Ça fait bien 260 ans que les autochtones subissent l’assimilation et le génocide.

    Il est for probable que les envahisseurs européens vont continuer dans la même direction.

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