Icône

Aidez-nous à poursuivre notre travail de recherche indépendant

Devenez membre

Ruée vers le gaz du Montney: de quoi s’agit-il et pourquoi le Québec doit s’en inquiéter

19 novembre 2021

Lecture

5min


On discute peu au Québec de la formation géologique Montney et pourtant, elle est au cœur de plusieurs conflits qui pourraient affecter la province sur les plans écologique et économique.

Montney est le nom d’une formation géologique à cheval entre l’Alberta et la Colombie-Britannique, un territoire immense situé au pied des Rocheuses de plus de 150 000 km2 (soit l’équivalent du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse réunis). Le Montney, c’est surtout un immense gisement d’hydrocarbures — principalement du gaz fossile (dit naturel) — emprisonné dans une roche mère formée de limons comprimés, soit de la « siltite ». La siltite est aux limons ce que le schiste est à l’argile, ce qui veut dire que pour extraire ces hydrocarbures, il faut fracturer la roche mère avec de nombreux produits chimiques, une extraction particulièrement dommageable pour l’environnement.

Le Montney, dont l’exploitation commence à peine, est le site d’une poussée extractive — une véritable ruée vers le gaz fossile — qui donne lieu à un boom de fracturation hydraulique qui pourrait marquer le 21e siècle au pays. Rappelons que le Canada est le 6e exportateur mondial de gaz fossile au monde. Cela explique la volonté de valoriser ces hydrocarbures sur le marché international. Aujourd’hui, cela passe par le développement du gaz naturel liquéfié (GNL), d’où les projets de gazoduc, d’usines et de ports de GNL qui ont vu le jour dans les dernières années à l’est et à l’ouest du pays. Les conflits socioécologiques qu’entraînent ces projets (pensons par exemple à GNL Québec) n’existent ainsi que parce qu’il y a une expansion de l’extraction envisagée dans le Montney.

La Révolution du Montney

Le graphique ci-dessous, qui est tiré du rapport l’Avenir énergétique 2020 de la Régie de l’énergie du Canada, illustre les prévisions du volume de gaz fossile extrait et leur provenance entre 2005 et 2040.

Graphique 1: Production de gaz naturel selon le type stable; poursuite de l’augmentation dans la formation de Montney, dans le scénario Évolution

Source : REC, Avenir énergétique du Canada en 2020, p.52

On voit en bleu pâle et en gris l’ampleur de la contribution du Montney dans l’évolution de l’extraction de gaz fossile au Canada d’ici 2040. À cela s’ajoutent les volumes des réservoirs étanches du Deep Basin (bleu foncé), qui utilisent eux aussi la fracturation hydraulique.

Ce graphique contient deux autres informations intéressantes. D’une part, il faut noter le faible taux d’exploitation de gaz de schiste dans le cocktail d’extraction de gaz fossile au Canada. Le gaz de schiste est connu et connoté dans l’opinion publique. Ainsi l’industrie se targuera de ne pas extraire, transporter, liquéfier et exporter des quantités significatives de gaz de schiste et ils auront raison. De son côté, le « gaz de réservoirs étanches » — une expression neutre, voire ennuyante —, ne génère pas les mêmes sentiments négatifs. Pourtant, les techniques d’extraction hydraulique sont similaires et ont des effets tout aussi nocifs pour l’environnement. En effet, cette méthode d’extraction gaspille et contamine l’eau de surface et souterraine avec des milliers de produits chimiques. Les sites d’extraction par fracturation hydraulique comportent aussi plusieurs sources de polluants atmosphériques qui participent à la hausse des émissions de GES.

D’autre part, on constate que la Colombie-Britannique deviendra le premier pourvoyeur de gaz fossile au Canada,  tandis que l’Alberta reculera au 2e rang à partir de 2035. En ce sens, alors que la Colombie-Britannique a souvent été l’allié du Québec lors de conflits environnementaux, elle deviendra dans la prochaine décennie le lieu d’où émane une partie significative des pressions à extraire, transporter et exporter des volumes massifs d’hydrocarbures. Cette nouvelle donne pourrait avoir des effets politiques importants sur la lutte pour la diminution des émissions de GES au Canada. Il faut donc s’attendre à ce que Montney devienne dans les prochaines années un nom aussi familier au Canada  que l’ont été les sables bitumineux au courant des années 2000.

Le Montney et le Québec 

En 2012, lorsque la technologie a permis de diminuer substantiellement le prix de l’extraction du gaz de Schiste, le principal distributeur de gaz naturel du Québec, Énergir (alors Gaz Métro) cherchait à augmenter son importation en sol québécois pour améliorer son offre concurrentielle face à l’hydroélectricité. En effet, Gaz Métro s’alimentait au terminal de Dawn, qui se trouve au cœur de la formation de Bakken, berceau de la révolution du gaz de schiste. Aujourd’hui, face à la transformation du marché, le distributeur gazier québécois se vante de diminuer son achat de gaz naturel de schiste. Or, comme la figure plus bas le démontre, dans les faits, le gaz naturel fourni aux Québécois·es provient en très grande partie de la région du Montney, qui comme on l’a vu utilise des procédés de fracturation similaire à celle de l’extraction du gaz de schiste.

Figure 1 : Estimation de provenance du gaz naturel distribué au Québec 

Source : Énergir, Profil environnemental du gaz naturel distribué au Québec : Fiche synthèse, p.5

Alors que le gouvernement caquiste perçoit le gaz naturel comme une énergie de transition et que le gouvernement Trudeau considère le GNL comme une énergie « propre », il faut s’attendre à ce que le terme « gaz de Montney » fasse partie du paysage des prochaines luttes environnementales au Canada et au Québec.

VOUS AIMEZ LES ANALYSES DE L’IRIS? SONGEZ À DEVENIR MEMBRE!

Icône

Restez au fait
des analyses de l’IRIS

Inscrivez-vous à notre infolettre

Abonnez-vous

1 comment

  1. Une énergie de transition, c’est par définition une énergie dont la quantité est limitée.
    Il faut rapidement trouver une autre source d’énergie.

    Une énergie propre est une fiction. Ça n,existe tout simplement pas.

    La cause de notre impuissance est notre inaction… L’inaction du peuple.
    La cause des causes est que les élus ont la compétence de décider tout en étant totalement disqualifiés quand vient le temps de sélectionner la meilleur décision possible.
    De plus, nos gouvernements ayant été achetés par la finance et le commerce, décident en faveur de ceux-ci et généralement au détriment du peuple.

    Quelqu’un de compétent a le pouvoir de décider.
    Quelqu’un de qualifié connaît la meilleures décision à prendre, compte tenu des paramètres posés..

Les commentaires sont désactivés