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Rapports du GIEC : comment ça marche et que nous apprend celui de février 2022 ?

3 mars 2022

Lecture

6min

  • Bertrand Schepper

Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) publiait le 28 février dernier son plus récent rapport qui porte sur les stratégies d’adaptation aux changements climatiques. Rappelons que le GIEC est composé de scientifiques de partout à travers la planète et sa mission est d’évaluer les causes, les impacts et les solutions aux changements climatiques. Avant de parler du rapport, tentons de mieux comprendre ce qu’est le GIEC et comment il arrive à ses conclusions.

Créé en 1988 par les Nations unies, le GIEC a pour objectif « d’évaluer, sans parti pris et de manière méthodique et objective, l’information scientifique, technique et socio-économique disponible en rapport avec la question du changement du climat ». Il a donc pour rôle d’évaluer les milliers de publications scientifiques annuelles qui portent sur le climat et de les synthétiser afin de dégager le portrait qui en ressort. 

Le fruit de cette synthèse, qui représente l’aboutissement d’un cycle de recherche sur le climat, est présenté dans des rapports publiés sur une période de 5 à 7 ans. Jusqu’ici, 5 rapports ont été publiés (en 1990, 1995, 2001, 2007 et 2014). Le 6e rapport est en cours d’élaboration et devrait être publié au mois d’octobre 2022.

Les Groupes de travail

Pour produire ces rapports, le GIEC partage le travail entre 3 groupes qui analysent chacun différents aspects du réchauffement climatique et qui publient leurs conclusions. Ces « pré-rapports » mènent à un rapport synthèse qui conclut le cycle de connaissance en cours. Notons aussi qu’il existe un groupe spécial qui travaille à l’amélioration de la méthodologie employée pour calculer les émissions de gaz à effet de serre (GES) sur la planète.

Le groupe de travail 1 évalue principalement l’évolution des composantes qui interagissent sur le climat. Il mesure à quelle vitesse le climat se réchauffe et tente d’estimer des scénarios réalistes de réchauffement climatique d’ici 2100. 

Ce groupe, qui a publié son rapport en août 2021, est arrivé à la conclusion que le réchauffement climatique était quasi assurément causé par l’activité humaine et qu’entre 2021 et 2040, la planète risque de connaître une hausse de température de 1,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle (1850-1900). Comme le montre le graphique ci-bas publié par l’Agence France Presse, le groupe conclut aussi que si rien n’est fait, la planète pourrait se réchauffer de 4,4 °C d’ici 2100. Si, au contraire, l’ensemble des mesures visant à diminuer et absorber le carbone sont mises en place, ce réchauffement peut être limité à 1,4 °C. Le rapport indique toutefois que le réchauffement climatique atteindra vraisemblablement 2,7 °C d’ici 2100. Rappelons que l’accord de Paris conclu en 2015 misait sur une hausse de 1,5 °C à 2 °C pour éviter une recrudescence des événements climatiques extrêmes et leurs conséquences graves sur la population mondiale. 

Le groupe de travail 2 se penche sur la vulnérabilité des systèmes socio-économiques et naturels aux changements climatiques. Il analyse les conséquences négatives et positives de ces changements et les possibilités d’adaptation. C’est ce rapport qui a été publié le 28 février 2022

Le rapport évalue les risques climatiques qui pèsent sur les êtres humains, à savoir les conséquences que les changements climatiques pourraient avoir sur eux (par exemple, le fait d’habiter dans une zone inondable ou l’effet de la baisse du rendement agricole liée à la sécheresse). Les mesures d’adaptation visent à limiter les effets des risques climatiques, comme déplacer des populations hors de zones inondables, modifier des infrastructures existantes ou développer de nouvelles politiques publiques pour faciliter la vie des gens (par exemple, ajouter des climatiseurs dans des centres de soins pour faire face à l’augmentation de la fréquence des canicules).

Ce groupe estime que l’ampleur des effets climatiques est plus importante que prévu et que des dommages substantiels et irréversibles ont déjà été causés aux écosystèmes terrestres, d’eau douce et marine. Le rapport souligne qu’environ 3,5 milliards d’êtres humains vivent dans un contexte de vulnérabilité. Alors que le Canada a connu des températures records en 2021 ainsi que d’importantes inondations et feux de forêt, le GIEC prévient que ce type d’événement deviendra récurrent. De plus, comme on l’observe déjà, il faut s’attendre à une baisse de la production alimentaire liée aux sécheresses, mais aussi à une diminution des stocks de pêche. Selon ce rapport, le phénomène s’amplifiera dans les années à venir, particulièrement si les inégalités persistent et que la consommation non durable continue d’augmenter. 

Le groupe de travail 2 tente de rester positif en soulignant que de plus en plus d’acteurs agissent pour lutter contre les changements climatiques et qu’il existe du financement pour mieux faire face aux effets de celui-ci. Par contre, pour maintenir l’intégrité des écosystèmes terrestres, il devient urgent de réduire drastiquement les émissions de GES à l’échelle de la planète. 

En mars 2022, le groupe de travail 3 évaluera les moyens de limiter les émissions de gaz à effet de serre ou d’atténuer les changements climatiques. La préparation de ce rapport devrait mener à d’importants débats que nous avons déjà évoqués ailleurs, notamment l’importance de la diminution de la consommation en général, mais plus particulièrement celle de l’énergie. 

Le rapport synthèse et la fin du cycle

Le document synthèse qui sera présenté en octobre 2022 est destiné aux dirigeant·e·s politiques et vise à les informer de l’état de la situation. Ceux-ci sont bien entendu libres d’adopter ensuite la stratégie de leur choix pour faire face aux changements climatiques. Le GIEC amorcera quant à lui son 7e cycle qui devrait se conclure par la publication d’un rapport d’ici 2030.

Les connaissances accumulées depuis 1988, en raffinant le portrait des bouleversements climatiques que subit la planète, permettent à plusieurs de tirer la sonnette d’alarme. Compte tenu des centaines de milliers de recherches synthétisées, il est improbable qu’une nouvelle découverte change drastiquement la donne. Dans ce contexte, la nécessité de transformer de fond en comble notre mode de vie et de production de sorte à limiter le réchauffement climatique apparaît comme évidente. Le GIEC peut bien nous avertir, ce sera aux dirigeant·e·s – et donc, ultimement à la population – d’accepter ses mises en garde et d’agir à travers des politiques qui marquent un changement de paradigme vis-à-vis de l’économie à haute émission en carbone. 

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2 comments

  1. Au Canada nous sommes loin d’être aussi conscient qu’en Europe où on réfléchit à ce problème depuis plus longtemps. Quoique les élus sont aussi léthargiques qu’ici. L’avenir s’annonce sombre pour l’humanité.

    Nous devrions prendre exemple sur le Shift Project en France et le plan de transition du groupe. https://ilnousfautunplan.fr/le-plan/

  2. La planète est un organisme qui possède une inertie incroyablement élevée.
    Ainsi, peu importe ce que l’on fait, la tendance climatique actuelle continuera pour environ les 20 prochaines années. Autrement dit, ce que l’on commence à faire maintenant pour corriger le climat n’aura d’effets que dans 20 ans.

    Les plus gros effets sur le climat viennent de notre consommation insatiable d’énergie. Or la production d’énergie est supportée à plus de 80% par l’exploitation de charbon, de pétrole et de gaz.
    Selon la science actuelle, il est carrément impossible de se libérer des carburants fossiles d,ici les 30 prochaines années.

    Conclusion: il va nous falloir s’adapter aux changements à venir.

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