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Le Canada de Justin Trudeau ne sera pas vert

26 mai 2017

  • Bertrand Schepper

Soyons francs, les expressions « développement durable », « transition écologique » et « économie faible en carbone » sont généralement édulcorées et vides de sens dans la bouche des élites politiques canadiennes. Pour s’en convaincre, il suffit d’écouter l’argumentation de Justin Trudeau, qui espère financer la transition écologique grâce à des pipelines qui transportent du pétrole sale. C’est tout simplement risible.

Pourtant, ces élites, grâce à diverses manœuvres allant de la bourse au carbone à la subvention pour voiture électrique, semblent convaincues que leurs objectifs environnementaux seront atteints. Dans les faits, rien n’est moins sûr. C’est ce que montre la plus récente étude du Centre canadien de politiques alternatives (CCPA), Tracking progress: Evaluating government plans and actions to reduce greenhouse gas emissions in Canada. Examinons trois graphiques tirés de cette étude.

L’auteur, Hadrian Mertins-Kirkwood, y fait d’abord une présentation des projections d’émission de gaz à effet de serre (GES). Malgré les belles promesses de Justin Trudeau, et à l’image des conservateurs avant lui, le Canada ne sera pas en mesure d’atteindre ses propres objectifs environnementaux pour 2020, et encore moins ceux des accords de Paris pour 2030, comme le montre le graphique suivant.

Graphique 1 : Émissions annuelles canadiennes de GES, en mégatonnes d’équivalent en CO2

Source : CCPA

Les émissions de GES par habitant·e au Canada sont très élevées : 20,1 tonnes d’équivalents en CO2, soit plus de quatre fois la moyenne mondiale de 4,9 tonnes d’équivalents en CO2. Sans surprise, cela s’explique principalement par le fait que l’économie canadienne tourne autour de l’exploitation pétrolière.

En effet, l’extraction et l’exploitation d’hydrocarbures comptaient pour 26 % des émissions canadiennes en 2015. Le transport arrive deuxième, responsable de 24 % des émissions. Bref, comme le Canada encourage l’exportation du pétrole le plus polluant de l’Amérique grâce à ses divers projets de pipelines, tout semble indiquer que les belles promesses du gouvernement Trudeau ne seront que du vent (mais pas du genre à alimenter des éoliennes).

Le Québec : le meilleur parmi les cancres

Au Québec, nous sommes plus chanceux qu’intelligents. Contrairement à la vaste majorité des États d’Amérique, nous pouvons compter sur l’hydroélectricité. Notre province a donc le plus faible taux d’émissions de GES par habitant·e au Canada. Cependant, nos émissions restent deux fois plus élevées que la moyenne mondiale, comme le montre le graphique suivant :

Graphique 2 : Émissions de GES par habitant·e en 2015, en tonnes d’équivalents en CO2

Source : CCPA

Malgré tout, le Québec risque de se trouver dans l’impossibilité d’atteindre ses propres objectifs environnementaux. Cela s’explique en grande partie par l’importance du pétrole dans ses transports, qui comptent pour 39 % des émissions.

Graphique 3 : Émissions annuelles québécoises de GES, en mégatonnes d’équivalent en CO2

Source : CCPA

En fait, selon le rapport, le Québec a en main tous les outils nécessaires pour atteindre ses objectifs : il suffirait de les utiliser. Cependant, il semble manquer une véritable volonté politique. Réussir impliquerait de favoriser l’efficacité énergétique et de transformer les moyens de production pour diminuer l’apport des hydrocarbures (principalement le gaz naturel) dans les industries lourdes (industrie minière, aluminerie, etc.).

Bien évidemment, ce type de rapport est décourageant. Il montre bien que, sans une transformation réelle de l’économie et de la consommation, les objectifs environnementaux établis par la classe politique ne sont qu’un coup d’épée dans l’eau (mais pas du genre à faire tourner des turbines hydro-électriques).

Dans le cas du Canada, le fait que les objectifs ne soient que des promesses vides est assez clair depuis l’ère Harper. Tout indique, par ailleurs, que la politique de développement économique et industriel de Trudeau est calquée sur la précédente. En effet, les solutions de Trudeau misent surtout sur l’extractivisme et la recherche et développement de pointe. Quant au Québec, il semble de plus en plus évident que les stratégies gouvernementales telle que le Fonds vert et le système de plafonnement et d’échange de droits d’émission (SPEDE) —le fameux cap and trade— ne sont que des réformes mineures qui ne font qu’ajuster les prix pour tenter d’intégrer les externalités.

La réalité est dans les faits assez claire : si on veut réellement atteindre les objectifs environnementaux que nous nous sommes fixés en tant qu’État, il faudra questionner de manière plus profonde notre perception de la transition écologique. Présentement, les élites politiques tentent de ménager la chèvre et le chou (mais sans que ce soit pour miser sur les biogaz). Malheureusement cette solution est en voie d’échouer et sans la volonté d’établir une réforme majeure de l’activité économique le Canada (et le Québec) est voué à rester un cancre, et ce, malgré les beaux discours verts de Justin Trudeau.

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