Feux de forêt, smog et tarification du transport en commun
5 juillet 2023
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Chaque catastrophe écologique rappelle la grande vulnérabilité de nos sociétés, qui dépendent d’un environnement sain pour exister. Or, le constat de notre fragilité ne doit pas être confondu avec celui de l’impuissance politique. Dans un contexte où l’occurrence des feux de forêt sont appelés à croître dans les décennies à venir, il devient d’autant plus urgent pour les pouvoirs publics d’intervenir là où ils peuvent pour diminuer le plus possible les épisodes de smog et protéger la santé de la population. Les politiques publiques en matière de transport en commun sont à ce titre cruciales pour y parvenir et la hausse récente des titres de transport en commun de l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM) n’a rien pour améliorer la qualité de l’air. Depuis le 1er juillet, le billet de transport en commun de Montréal est le plus cher au pays.
Le cas de Beijing en 2008
Dans la foulée de la préparation aux Jeux olympiques de Beijing de 2008, la capitale chinoise a diminué d’environ 80 % les tarifs de transport en commun. Cette mesure avait pour objectif premier d’améliorer la qualité de l’air de la ville en incitant les Beijingois et Beijingoises à délaisser la voiture. En 2014, les tarifs de transport ont subi une hausse draconienne en doublant le coût moyen du trajet de métro.
En 2018, des chercheurs chinois ont publié un article scientifique qui a mesuré l’effet de la hausse drastique des tarifs de transport en commun beijingois sur la qualité de l’air de la capitale. Les résultats à court terme sont stupéfiants: la qualité de l’air des 60 jours suivants la hausse des titres de transport a été en moyenne 16,28 % moins bonne que les 60 jours précédant l’augmentation des titres de transport en commun. Au lendemain de l’entrée en vigueur des nouveaux tarifs, les auteurs de l’article rapportent que le nombre de voitures louées a augmenté de 30 %, en plus d’une croissance du recours aux taxis, ce qui explique en partie la détérioration significative de la qualité de l’air.
Les données sur une période de deux ans ne montrent toutefois pas une différence prononcée de la qualité de l’air entre les périodes. À ce sujet, les auteurs précisent que ce retour à des niveaux comparables à ceux où prévalait des tarifs plus bas pouvaient s’expliquer en partie par les multiples mesures restreignant l’usage de la voiture à Beijing: quota et loterie pour le droit d’immatriculer un véhicule, interdiction de conduire certains jours selon un système basé sur les numéros de plaques d’immatriculation, etc.
Moins de voitures et plus de transport en commun: une urgence écologique et sanitaire
Bien que le cas de Beijing soit spécifique et se prête mal à des comparaisons pour des raisons d’échelle, il soulève néanmoins une question importante: quels seraient les effets d’une baisse substantielle des tarifs de transport en commun sur l’usage de la voiture et ce faisant, sur la qualité de l’air? À ce titre, la Société de transport de Laval (STL) baisse depuis 2008 ses tarifs à 1$ durant les journées de smog pour inciter la population à délaisser leur voiture. En matière de mobilité, le coût économique est une des variables qui influencent les modes de transport adoptés. Afin d’opérer un transfert modal de la voiture vers le transport en commun, toute baisse tarifaire devrait être accompagnée d’une augmentation de l’offre. Le « coût temporel », soit la différence de temps entre les modes de transport, est en effet un élément déterminant dans les choix de mode de transport.
Au Québec, les contributions tarifaires consolidées des usagères et usagers des réseaux de transport en commun urbains ont été de 721 millions $ en 2022. C’est donc dire que le coût maximal de la gratuité du transport en commun urbain avoisinerait cette somme, qui représente par ailleurs 40% de la baisse d’impôt de la CAQ de 1,8 milliard $. Considérant que chaque kilomètre parcouru en voiture occasionne des coûts assumés par la société 28 fois plus grand que le même kilomètre parcouru en autobus, la gratuité du transport en commun diminuerait les coûts externes de la voiture et se rembourserait en partie d’elle-même en raison d’une baisse des frais associés aux accidents de voiture, à la congestion, à l’entretien des routes, au smog, etc.
En somme, la tarification du transport en commun est un choix politique de moins en moins justifiable dans un contexte où les épisodes de smog sont appelés à croître, en plus de toutes les catastrophes liées au bouleversement des écosystèmes. Des politiques publiques robustes favorisant le transport en commun représentent des mesures toutes désignées de lutte aux crises écologiques, d’adaptation aux changements climatiques et d’amélioration de la qualité de l’air. Chaque trajet en automobile en lieu et place du transport en commun est un luxe hérité de l’insouciance environnementale du XXe siècle que nos sociétés ne peuvent plus se permettre.
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C’est un dogme bien encré que c’est par le porte-feuille que l’on contrôle les gens et les entreprises.
Tant que polluer coûte moins cher que de ne pas polluer, l’écologie est une cause perdue.