Icône

Aidez-nous à poursuivre notre travail de recherche indépendant

Devenez membre

De la transition écologique au duplessisme énergétique  

27 avril 2024

Lecture

4min

  • Maxim Fortin

Depuis les grèves contre le climat et les journées mondiales d’action climatique lancées en 2019, le Jour de la Terre est devenu un important moment de mobilisation citoyenne centré sur les questions climatique et environnementale. Ces initiatives ont notamment permis d’inscrire à l’agenda plusieurs questions liées à l’environnement, dont celle de la « transition écologique ». Les expert·e·s du climat et les mouvements écologistes sont parvenus à susciter des inquiétudes suffisamment grandes et un intérêt assez fort à l’égard de cette notion pour que celle-ci se taille une place parmi les solutions envisagées pour faire face à la crise climatique. Or, comme on peut le voir au Québec avec le gouvernement caquiste, la transition écologique n’est pas à l’abri d’une tentative d’instrumentalisation et de détournement par les acteurs politiques.

L’heure est grave. Le 55e Jour de la Terre a été célébré lors de l’année la plus chaude jamais enregistrée. Pire, la décennie 2013-2024 a été la plus chaude jamais observée, dépassant la moyenne pour 1850-1900 (soit le début de l’ère de l’industrialisation) de 1,20 °C. Les perturbations et le réchauffement du climat sont entre autres liés aux émissions de gaz à effet de serre (GES). Les concentrations de GES s’accumulent dans l’atmosphère et emprisonnent de la chaleur, ce qui a une incidence sur le climat et la température. Au Québec, 43% des émissions de GES sont causées par le secteur des transports. Le transport routier à lui seul cause 34% des émissions totales de GES de la province. Le consensus scientifique international quant à l’urgence d’une action pour le climat et les mobilisations citoyennes ont permis à différentes populations du globe de mettre de la pression sur leurs gouvernements. Or, la réponse du gouvernement québécois s’avère jusqu’à maintenant des plus singulières.

D’un côté, le gouvernement caquiste a reconnu « l’urgence climatique » et s’est rallié à l’idée d’une action climatique. C’est pourquoi Benoit Charette, ministre de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs et ministre responsable de la région des Laurentides, peut affirmer que «[l]’urgence climatique implique que nous soyons toutes et tous en action pour accélérer la transition vers un Québec plus résilient et sobre en carbone ». De l’autre, le gouvernement de François Legault a vu dans la crise climatique et la transition énergétique une opportunité d’affaires pour le Québec, une occasion d’appliquer un modèle de développement économique qu’on peut qualifier de « duplessisme énergétique ». 

En effet, comme le mentionne Éric Pineault, professeur en environnement et chercheur à la Chaire de recherche sur la transition écologique de l’UQAM, le projet Northvolt « donne le ton » et nous offre un exemple frappant de l’approche duplessiste de la CAQ en environnement et en énergie : « accueil de grandes entreprises industrielles étrangères à l’affût d’intrants à bas prix, environnement réglementaire allégé et prévisible, allégements fiscaux. Il fut un temps où c’était la main-d’œuvre et le minerai de fer, aujourd’hui les multinationales viennent chercher de l’énergie verte sous son coût marginal de production ». Rappelons que le projet Northvolt consiste à implanter un complexe de fabrication de batteries pour véhicules électriques sur un site à proximité des municipalités de Saint-Basile-le-Grand et de McMasterville.

Ce projet incarne parfaitement l’approche de la CAQ en environnement et illustre sa perception de la transition énergétique. Grosso modo, le gouvernement de François Legault tente de maintenir le règne de l’automobile en électrifiant les voitures et en créant des emplois permettant à celles et ceux qui les occuperont de se procurer une voiture électrique. S’il adhère désormais du bout des lèvres à un discours reconnaissant « l’urgence climatique », il oriente son action et tente de canaliser les efforts vers une « transition technologique » compatible avec le statu quo. Et bien que le projet Northvolt ait des effets potentiellement néfastes sur la biodiversité et les milieux humides, la production de batteries électriques justifie selon la CAQ une révision des règles encadrant le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) . Voilà comment on permet à l’un des plus gros projets industriels de l’histoire récente du Québec de se dérober à une évaluation environnementale rigoureuse. 

Bref, l’approche de la CAQ en environnement a de quoi inquiéter. Non pas parce qu’elle nie ou refuse la notion d’urgence climatique ou d’action climatique, mais bien parce qu’elle tente d’en détourner le sens. Opportuniste et affairiste, cette approche propose des changements essentiellement technologiques, non pas dans une optique de changement social, mais de préservation du statu quo. Elle n’amène pas une transition écologique, mais prépare plutôt le règne de l’automobile électrique.

Icône

Restez au fait
des analyses de l’IRIS

Inscrivez-vous à notre infolettre

Abonnez-vous

Commenter la publication

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Les renseignements collectés à travers ce formulaire sont nécessaires à l’IRIS pour traiter votre demande et y donner suite. Vous disposez d’un droit d’accès et de rectification à l’égard de vos renseignements personnels et vous pouvez retirer votre consentement à tout moment. En fournissant vos renseignements dans ce formulaire, vous reconnaissez avoir consulté notre Politique de protection des renseignements personnels et politique de confidentialité.

1 comment

  1. C’est une honte que quelqu’un puisse impunément endetter le peuple sans son consentement.

    L’électrification du transport en commun est une bonne idée si elle est accompagnée de l’ubiquité de ce dernier. Il faut arriver à réduire le nombre de véhicules privés sur les routes.

    L’isolation améliorée des habitations créerait plus d’économie énergétique que plusieurs nouveaux barrages.