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Regards sur la CAQ: François Legault à l’université – chronique d’un échec annoncé

21 octobre 2011

  • Philippe Hurteau

En avril dernier, François Legault lançait la plate-forme de sa Coalition pour l’avenir du Québec (CAQ) en matière d’éducation. La troisième initiative de ce « manifeste » porte sur le domaine universitaire et vise à augmenter la performance du réseau et à créer des pôles de recherche d’excellence. L’objectif de M. Legault est de, sans surprise, faire des universités québécoises des moteurs de la croissance économique à l’époque de l’économie du savoir.

Pour y arriver, les documents de la CAQ proposent l’introduction d’une forme de modulation des droits de scolarité en fonction de la « rentabilité » des programmes d’études et d’instaurer des contrats de performance fixant des objectifs d’efficacité aux universités. Le but de ces mesures est assez simple : révéler, par un mécanisme de prix, la vraie valeur de l’éducation et lutter contre une bureaucratie universitaire jugée inefficace et trop nombreuse. Le problème c’est que les solutions « Legault » existent déjà, sont déjà mises en œuvre – soit au Québec ou ailleurs dans le monde – et qu’elles ne règlent rien du tout, bien au contraire.

La modulation des droits de scolarité en fonction de la rentabilité future des diplômes n’améliorera en rien la qualité de l’enseignement offert aux étudiants ou la situation financière des universités. Le résultat concret d’une politique de modulation sont bien connus. D’abord la mixité sociale des programmes plus dispendieux sera remise en cause. Comme on le constate au Canada avec le programme de médecine, l’augmentation ciblée des droits de scolarité à eue comme impact de rompre l’équilibre en ce qui a trait à la provenance sociales des étudiant-es.

Part des étudiant-es canadien·ne·s en médecine par revenus familiaux (en %)

Catégorie de revenus Étudiant-es inscrit-es en médecine, 2001 Étudiant-es inscrit-es en médecine, 2007
Moins de 80 000 $ 50,4 % 40,1 %
Plus de 80 000 $ 49,6 % 59,9 %

Source : Source: Shaheed MERANI, Sonya ABDULLA, Jeffrey C. KWONG et collab., Increasing tuition fees in a country with two different models of medical education, 2010.

Rappelons également qu’une une telle politique ne constitue en rien une option de refinancement du monde universitaire, mais correspond essentiellement à un moyen d’accélérer la diminution du financement de l’État dans le budget des universités.

Variation de 1988 à 2009 des sources de financement, en point de % dans le budget global des universités québécoises

Revenu de provenance publique – 21,2
Revenu de provenance privée + 14,5
Revenu de provenance individuelle + 6,8

Sources :https://www.iris-recherche.qc.ca/publications/faut-il_vraiment_augmenter_les_frais_de_scolarite

Les contrats de performance proposés ne seront pas plus efficaces. Au lieu de diminuer la bureaucratie universitaire, ils l’alourdiront. Il faudra ajouter des employé-es au ministère de l’éducation afin de fixer des objectifs correspondant à la réalité des universités et pour en vérifier l’atteinte. Il faudra également  augmenter le nombre des salarié-es administratifs à l’intérieur des universités pour que celles-ci fassent la vérification de leurs activités en fonction des objectifs ministériels. Bref, tant au ministère que dans les établissements, le personnel administratif gonflera et sera plus préoccupé par le suivi des contrats de performance que par l’organisation de services répondant aux besoins  des communautés universitaires. Cette situation reflète déjà la réalité des universités québécoises comme le montre l’évolution du personnel à l’Université de Montréal :

Comparaison de la répartition du personnel de l’UdeM entre 2000 et 2008

Sources : www.recteur.umontreal.ca/documents/

En fait, les propositions Legault s’inscrivent pleinement dans la dérive du monde universitaire observable depuis une trentaine d’années. Avec le soutien des élites financières, l’éducation supérieure est vidée de son contenu critique et de son rôle de transmission culturelle et scientifique au profit d’une logique strictement économique : les étudiant-es y trouvent un moyen de valoriser leur propre capital-humain tandis que les entreprises visent un accès sans entraves à des possibilités de réaliser en sous-traitance et à faible coût leurs projets de recherche industriels.

La CAQ ne propose donc rien de novateur. Au contraire, elle souhaite que le Québec s’inscrive encore plus directement dans l’ère du temps néolibéral.

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