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L’inflation et les frais de scolarité : quelle juste part?

27 avril 2012


Un des arguments majeur du gouvernement tient sur la question de l’inflation. Rappelons-le, le gouvernement affirme la chose suivante : les frais de scolarité, après la hausse, atteindrons, peu ou prou, le montant exigé en 1968 corrigé pour l’inflation.

La question qui m’a toujours turlupinée c’est : pourquoi 1968? Lors du dépôt du budget le ministre des finances nous disait que c’est parce qu’il fréquentait l’université à cette époque. Ça semble un peu mince pour justifier une politique publique.

Mon collègue Eric Martin et moi, avons déjà défendu ailleurs que c’était un mauvais choix d’année parce que le système universitaire d’État n’était pas développé. Nous avons aussi souligné qu’en 1978 un étudiant devait travailler 4 semaines à temps plein au salaire minimum pour payer ses frais de scolarité, alors qu’après la hausse il faudra en travailler 9, plus que le double. Tout cela est bel et bon, mais ça n’expliquait pas pourquoi le gouvernement avait choisi 1968 en particulier.

La hausse et l’inflation

Je me suis livré à l’activité passionnante de voir quelles autres années que 1968 affichaient des frais de scolarité au niveau de celui prévu en 2017 dans les 45 dernières années. Réponse : aucune. Donc, sauf ceux et celles qui ont fait l’ensemble de leurs études universitaires avant 1968 (ceux qui ont moins d’environ 62 ans aujourd’hui, soit 80% de la population et probablement un pourcentage bien plus élevé des universitaires comme les taux de fréquentation ont augmenté), tout le monde aura payé moins que les étudiant-es de 2017. Voilà donc la vraie raison du choix de l’année 1968, c’est que c’est l’année la plus proche jusqu’à laquelle pouvait reculer le gouvernement pour justifier sa mesure.

Mais, vous vous demandez alors : comment les frais de scolarité d’aujourd’hui se comparent-ils aux années précédentes? Qu’en est-il du fameux rattrapage de l’inflation dont tout le monde parle? Les frais de scolarité sont bien dans un creux historique, n’est-ce pas? Ne faudrait-il pas les remonter pour que les étudiant-es fassent, enfin, leur juste part?

J’ai fait le graphique suivant. Tout simple. Il présente combien coûtaient de plus ou de moins les frais de scolarité des 45 dernières années comparée à aujourd’hui en tenant compte de l’inflation.

Graphique 1 : Différence entre les droits de scolarité de 2012 et ceux de 1968 à 2012 (en dollars constant de 2012)

Que nous indique ce graphique? Que dans les 45 dernières années, les frais de scolarité de 2012 sont plus bas pendant seulement 12 ans, soit le quart de la période étudiée. En moyenne, durant toute cette période les frais de scolarité de 2012 sont plus élevé de 170$ que ceux des années précédentes. Qu’en est-il si on fait le même graphique après la hausse?

Graphique 2 : Différence entre les droits de scolarité de 2017 et ceux de 1968 à 2012 (en dollars constant de 2012)

Si la hausse advenait, les étudiants paieraient, en moyenne, 1800$ de plus par année que ce que les étudiant-es ont payé pendant les 45 dernières années.

Line et Jean à l’école de la hausse

On sait que Raymond Bachand a donc payé plus cher pour sont bac en droit que les étudiant-es d’aujourd’hui. Mais qu’en est-il de notre ministre de l’Éducation et de notre Premier ministre qui nous chantent tous deux l’hymne de la juste part? Sans vouloir personnaliser le débat, voyons ce qu’il en est si on suit l’inflation.

Line Beauchamp a diplômé en 1985 d’un bac en psychologie. Aujourd’hui ces bac durent 4 ans, supposons que c’était la même chose à l’époque. Eh bien, en tenant compte de l’inflation, si elle avait fait son bac en 2012, Mme Beauchamp aurait payé 4300$ de plus qu’à l’époque. Si elle l’avait fait après sa hausse? C’est plus de 10 000$ supplémentaires qu’elle aurait dû payer pour son bac.

Notre bon premier ministre qui a fini son droit en 1980 s’en serait mieux tiré. En 2012 il aurait payé 1900$ de plus pour son bac. S’il l’avait fait en 2017 suivant la hausse qu’il défend becs et ongles, c’est toutefois 8300$ de plus qu’il aurait dû débourser.

L’argument de la juste part prend alors une drôle de teinte. Les étudiant-es devraient faire leur juste part, mais cette part correspond à payer presque 1800$ de plus en moyenne que ce qu’a payé la génération précédente pour aller à l’université. Quelle conception de la justice permet d’affirmer qu’il est plus juste que les étudiant-es de 2017 paient beaucoup plus qu’au moins 80% des universitaires précédents pour aller à l’université? De la même manière, quelle justice permet d’affirmer que les étudiant-es d’aujourd’hui ne paient pas assez en ce moment alors qu’ils paient déjà plus que la majeure partie des diplômés n’ont payé pour faire leurs études?

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