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Éducation décentralisée: Idéal inatteignable ou réalité pratique?

8 novembre 2015


On entend souvent parler des coupes en éducation de manière très spécifique. On nous parle de budgets distincts dédiés à l’aide aux devoirs, aux investissements en infrastructures, au programme pour enfants en troubles d’apprentissage, etc. Cette réalité est le reflet d’un système d’éducation très centralisé, où les réalités locales ne peuvent être prises en compte dans les priorités globales.

Un système d’éducation décentralisé serait un modèle dans lequel les décisions se prennent en fonction des jeunes et de leur réalité, par ceux et celles qui évoluent autour d’eux, soit l’environnement direct de l’école, ou le « school community », comme les experts l’identifient en Finlande. Évidemment, pour arriver à un tel modèle, un changement majeur doit s’opérer dans la structure du système, dans la mesure où l’on redonne le pouvoir de décision aux instances locales, avec les moyens qui l’accompagnent.

Mais comment s’assurer d’une éducation de qualité et d’une structure égalitaire si le pouvoir central n’exerce pas un contrôle sur la gestion et l’application des mesures visant justement à prodiguer ces services sur l’ensemble de son territoire? Est-il raisonnable de penser que les acteurs locaux puissent être responsables sur les plans décisionnel et structurel d’aspects décisifs pour la réussite scolaire de tous et de toutes? Où se trouve vraiment l’expertise en éducation? Qui est en mesure de prendre les décisions les plus éclairées?

Au Québec, il ne fait aucun doute que la réponse à ces questions privilégie une approche très top-down, dans laquelle la confiance en l’expertise des acteurs locaux, principalement le personnel enseignant, est très réduite. En effet, on impose une série de mesures et de ressources, sans considérer l’apport précieux des expertes et experts du terrain dans le cadre du processus décisionnel. Cela ne veut pas dire que ces mesures sont mauvaises. Cependant, il est irréaliste de penser, dans le contexte de l’éducation, au-delà des objectifs, valeurs et règles générales, que chaque mesure spécifique puisse s’appliquer de la même manière partout, sans être influencée par la réalité locale.

Un modèle d’éducation décentralisé doit être transcendé dans son ensemble par un sentiment de confiance envers la diversité d’acteurs présents au sein du système. Les acteurs centraux doivent faire confiance en la capacité des acteurs locaux de prendre des décisions éclairées quant à la manière d’organiser les infrastructures et d’appliquer le curriculum. Les acteurs locaux, quant à eux, doivent faire confiance au pouvoir central et au bienfondé de ses décisions et des changements qu’il apporte au curriculum ainsi qu’aux diverses législations. Mais un tel système est-il réaliste?

Le modèle finlandais est un bon exemple de ce type de système décentralisé, dans la mesure où les villes et les écoles sont les maîtres d’œuvre du modèle d’éducation finlandais. En effet, alors que le ministère de l’Éducation et ses diverses instances centrales sont responsables de façonner un curriculum national, d’évaluer les performances scolaires et de distribuer un budget général aux villes, les instances locales sont responsables de distribuer le budget en fonction des priorités (infrastructures, recherches, formation, personnel, projet de développement, etc.), de façonner leur propre curriculum détaillé (le curriculum national est plutôt considéré comme des lignes directrices) et de développer les approches pédagogiques mises en pratique. Les villes sont responsables d’engager les enseignants, de construire ou de réparer les écoles et d’organiser le système en général. Les écoles, quant à elles, sont libres d’organiser leur temps d’enseignement et surtout de décider de l’approche et du matériel pédagogique priorisés.

Les enseignantes et enseignants possèdent tous des maîtrises et participent tous à trois heures de développement professionnel par semaine, qui prend la forme de réunions, formations, discussions, participation à des projets pédagogiques, à des conférences, etc. Les écoles et les villes travaillent en étroite collaboration pour solutionner les problématiques et créer de nouveaux projets éducatifs. La liberté de ces acteurs locaux est quasi-totale, et ils n’ont pas de compte à rendre au ministère. Cela crée un sens des responsabilités et du dévouement sans précédent à l’intérieur des sphères locales. Le personnel enseignant est très investi dans la mission de son école, car il en est l’acteur principal. Les parents de même que les élèves sont également des participants actifs.

Quel est le résultat de cette approche décentralisée? Il est d’abord intéressant de signaler que les villes ne font pas de déficit, car elles pratiquent une gestion des ressources extrêmement minutieuse, malgré leur responsabilité financière complète en matière d’infrastructures, d’intégration des personnes immigrantes, d’éducation spécialisée, de la formation continue du personnel, etc. Les enseignantes et enseignants ont un statut social très respecté et sont considérés, tant par la société que par le pouvoir central, comme étant les experts en éducation. Finalement, la Finlande investit moins en éducation en fonction de son PIB que le Québec (5,7 % du PIB finlandais est dédié à l’éducation, incluant l’université, alors qu’on y investit 7,8 % au Québec), et le rendement scolaire des jeunes finlandais se classe parmi les meilleurs au monde.

Le concept d’un système d’éducation décentralisé n’est donc pas un idéal loufoque, et peut apporter des solutions à des problèmes qui nous semblent impossible à résoudre lorsqu’on considère seulement une approche centralisatrice. En ces temps de réformes structurelles et de besoin d’ajustement financier, peut-être aurions-nous tout à gagner à repenser notre modèle structurel et s’inspirer de ceux qui démontrent une efficacité dont on n’ose rêver.

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