Combien rapportera la hausse des frais de scolarité au gouvernement suite aux mesures annoncées aujourd’hui?
5 avril 2012
Aujourd’hui, la ministre de l’Éducation Line Beauchamp et le ministre des Finances Raymond Bachand ont annoncé de nouvelles mesures pour améliorer l’accessibilité aux études dans le cadre de la hausse des frais de scolarité.
En somme ils annoncent une augmentation des prêts pour certaines familles et la mise en place d’un éventuel remboursement proportionnel au revenu (RPR).
Combien coûtent ces mesures? Difficile à dire car les deux ministres offrent des chiffres pour seulement une partie de la mesure soit la bonification des prêts et laisse la définition du RPR (et de ses coûts) à plus tard. Nous allons tenter ici d’évaluer le coût de tout cela.
Combien rapportait la hausse déjà?
Selon le plan de financement des université du gouvernement, la hausse des droits de scolarité représentait un montant de 332 M$. Le gouvernement réduisait ensuite ce montant afin de financer l’aide financière aux études, ce qui portait le montant qui revenait au gouvernement à 265 M$ selon le plan même du gouvernement.
Or, une étude de l’IREC publiée récemment montre que le gouvernement évaluait mal les effectifs qui bénéficieraient de l’aide financière aux études et du crédit d’impôt pour les frais de scolarité. L’IREC affirme que le gouvernement sous-estime ses coûts de 76 M$. Donc, le montant que lui rapporte la hausse passe à 189 M$.
Le coût des nouvelles mesures pour le gouvernement
Le gouvernement annonce maintenant que la hausse des prêts qu’il propose représente 21 M$ de moins dans les coffres de l’État (il espère qu’elle sera compensé par plus de dons aux universités, mais admettons ensemble qu’il s’agit là d’un souhait plus que d’une réalité – cela dit cette réalité ne serait pas sans effet pervers si elle advenait). Donc nous voici, à 168 M$ de revenus supplémentaire causés par la hausse des droits.
Maintenant, la question difficile : combien coûtera le RPR. Comme les termes de la mesure ne sont pas clairs, il est très difficile de l’évaluer.
Le gouvernement offre déjà un Programme de remboursement différé (PRD) qui permet aux étudiant·e·s qui ont de la difficulté à rembourser leurs prêts « de reporter de quelques mois le remboursement de leur dette sans accumuler d’intérêts pendant cette période ». En 2009-2010 ce programme était attribué à 13 296 étudiant·e·s qui voyaient leurs intérêts moyens de 335$ payés par le gouvernement, un coût total de 4,5 M$.
Bon, pour évaluer les coûts de cette mesure qui n’existe pas encore, il s’agit de savoir comment le gouvernement va appuyer ceux et celles qui rembourseront leurs prêts. En s’inspirant d’expériences étrangères on peut supposer le scénario suivant :
1) Le gouvernement appui les détenteurs de prêts faisant moins de 35 000$ de revenu (soit près du revenu moyen) pour leur offrir une période de remboursement plus longue et avec des intérêts bas (autrement, le RPR servirait simplement à faire payer plus d’intérêts aux plus pauvres).
2) Le reste des détenteurs de prêts voient leurs paiements suivre leurs revenus sans que le gouvernement ne les appuie avec les intérêts.
3) On postule ici que le gouvernement n’appliquera pas la proposition de Luc Godbout qui proposait de voir l’ensemble des prêts remboursé après 10 ou 12 ans de paiement (le gouvernement n’en a pas parlé et les données manquent pour en faire l’évaluation).
Si cette logique est retenue, nous pouvons : utiliser l’aide moyenne actuellement accordé aux étudiant·e·s grâce au PRD et l’appliquer à l’ensemble des étudiant·e·s qui feront moins de 35 000$ et qui auront des prêts à payer (c’est donc comme si le gouvernement payait pour tous ces gens la moitié de leurs intérêts par années). C’est évidemment une hypothèse fragile… mais pour l’instant le gouvernement ne nous offre rien de mieux pour évaluer sa mesure.
Les statistiques fiscales nous apprennent que 39% des gens qui ont droit au crédit d’impôt pour les intérêts payés sur un prêt étudiant font moins de 35 000$. Il s’agit en ce moment de 61 331 personnes. Évidemment le RPR ne s’appliquera qu’aux nouveaux prêts, donc le coût de cette mesure est reporté au moment où les étudiant·e·s commenceront à payer ce prêt.
Si, et c’est une grosse hypothèse, le même nombre d’étudiant·e·s est au même niveau de revenu quand il sera temps d’appliquer le RPR et qu’on leur verse le 355$ du programme actuel de prêt différé, alors le RPR coûterait 22 M$.
Ceci rapporterait la valeur de la hausse pour le gouvernement à 146 M$, alors qu’on va chercher 332 M$ dans la poche des étudiant·e·s. Que représente ce montant? Même pas 1% (0,97%) du budget total du ministère de l’Éducation. Bien sûr ce chiffre est très hypothétique : le petit calcul effectué ici est improvisé et certains montants ne vont pas aux mêmes endroits (les droits de scolarité vont aux universités alors que le crédit d’impôts est donné par le gouvernement), mais n’empêche, pour un si maigre montant c’est à se demander si nous sommes encore dans un débat de finances publiques ou uniquement dans un affrontement politique.