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Bientôt le salaire minimum à 15$ aux États-Unis ?

11 juillet 2019

  • Julia Posca

Les élus de la chambre des représentants aux États-Unis seront appelés sous peu à voter sur un projet de loi qui propose de faire passer le salaire minimum fédéral de 7,25$US (9,52$CA) à 15$US (19,69$CA) l’heure d’ici 2024, soit une hausse de plus du double. Le « Raise the Wage Act », présenté en février dernier par le sénateur indépendant du Vermont Bernie Sanders et le représentant démocrate de la Virginie Bobby Scott, prévoit en outre d’indexer le salaire minimum à la variation du salaire médian au pays ainsi que de relever les minimums salariaux pour les employé·e·s de la restauration, les adolescent·e·s et les personnes en situation de handicap.

Malgré une certaine opposition provenant du milieu des affaires, l’adhésion à cette mesure grandit aux États-Unis, où la « bataille pour le 15$ » a déjà conduit certaines villes et États à augmenter le salaire minimum dans leur juridiction. Le mouvement Fight for $15 est né en 2012 lorsque des employé·e·s du secteur de la restauration rapide se sont mis en grève pour exiger des hausses salariales, une amélioration de leurs conditions de travail et le droit à la négociation collective.

Il faut dire que la dernière hausse du salaire minimum fédéral remonte à 2009, ce qui signifie, comme le montre le Economic Policy Institute, que les travailleuses et les travailleurs au bas de l’échelle ont depuis subi un recul de leurs revenus annuels d’environ 3000$. L’institut a par ailleurs calculé que la hausse proposée profiterait à environ 40 millions de personnes aux États-Unis.

Le Congressional Budget Office (CBO) s’est également penché sur la question et, dans une étude parue cette semaine, il concluait pour sa part qu’au moins 17 millions de personnes bénéficieraient d’une hausse de leurs revenus et que 10 millions de personnes gagnant présentement 15$US l’heure verraient elles aussi leur salaire augmenter. Le nombre de personnes touchant des revenus inférieurs au seuil de la pauvreté diminuerait aussi de 1,3 million en 2025.

Les auteur·e·s de l’étude estiment en outre qu’une telle mesure entraînerait la disparition de 1,3 million d’emplois dans le pays. Plus précisément, le CBO avance qu’il y a 66,6% de chances que la perte se situe entre 0 et 3,7 millions d’emplois. Alors qu’ il y avait près de 163 millions de personnes en emploi en juin 2019 aux États-Unis (162 981 000 pour être plus exact), la perte estimée de 1,3 million d’emplois équivaudrait en somme à une contraction de l’ordre de 0,8 %.

Or, selon plusieurs, les retombées positives de la hausse compenserait largement pour ses effets négatifs (dont l’ampleur est cela dit contestée par certains experts). À ce propos, un article du Washington Post a recensé diverses études mettant en évidence les bénéfices sociaux associés à une hausse substantielle du salaire minimum : hausse des dépenses des ménages, hausse de la productivité du travail, diminution de la pauvreté, baisse des taux de suicide, baisse des récidives chez les personnes ayant commis des actes criminels, meilleure rétention du personnel (y compris des travailleuses et des travailleurs âgés) etc.

Au Québec, le salaire minimum est passé à 12,50$ l’heure le 1er mai dernier. Le ministre du Travail Jean Boulet a affirmé que, à ce niveau, le salaire minimum atteignait ainsi le ratio de 50% du salaire horaire moyen, un objectif que s’était fixé le gouvernement libéral de Philippe Couillard.

Le porter à 15$ représenterait une hausse de 20% par rapport au taux horaire actuel, mais cela permettrait aux salarié·e·s au bas de l’échelle de toucher un salaire viable les engageant vers une sortie de la pauvreté. Dans le passé, l’IRIS a analysé à plusieurs reprises l’impact d’une telle hausse au Québec. Nous avons entre autres montré qu’il en résulterait une hausse du revenu disponible (en majorité pour les femmes), une hausse consécutive des revenus de l’État, ainsi qu’ une hausse de la consommation avec des retombées économiques dans toutes les régions. Nos travaux ont aussi montré que les effets négatifs escomptés (poussée de l’inflation, pertes d’emplois massives, fermeture d’entreprises, etc.) seraient minimes. L’exemple récent de l’Ontario nous a d’ailleurs permis de valider ces hypothèses. Reste à voir si les États-Unis nous en donneront bientôt l’occasion eux aussi.

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