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À la lumière du budget du Québec : effets et risques d’une faible inflation

7 janvier 2014

  • LG
    Louis Gill

Dans sa mise à jour économique et financière du 28 novembre, le ministre des Finances du Québec, Nicolas Marceau, a annoncé un déficit budgétaire de 2,5 milliards pour l’année en cours, qui se termine le 31 mars 2014, et un retour à l’équilibre en 2015-2016, soit deux ans plus tard que prévu. Se réclamant d’un bon contrôle de ses dépenses, il a déploré ne pas pouvoir respecter son engagement de réaliser l’équilibre dès cette année, en raison de revenus « qui ne sont pas au rendez-vous », parce que la croissance du PIB nominal (en dollars courants), dont dépendent les revenus budgétaires, sera inférieure à celle prévue en mars 2013 (2,1 % au lieu de 3,6 % pour l’année 2013).

Il est à noter que si cette réduction s’explique en partie par une croissance du PIB réel (sans l’inflation) légèrement plus faible que celle prévue en mars 2013 (0,9 % au lieu de 1,3 %), elle est surtout le résultat de la chute du taux d’inflation : 73 % de la réduction de la croissance du PIB nominal (1,1 point de pourcentage sur 1,5) est le résultat d’une inflation inférieure à celle qui avait été prévue.

Si les revenus n’ont pas été au rendez-vous, mis à part le fait que le gouvernement ait renoncé à diverses sources comme l’augmentation des impôts des riches, c’est donc principalement à cause d’une réduction de l’inflation et non d’une détérioration de la croissance. Et il va sans dire que cette réduction de l’inflation compte aussi pour beaucoup dans l’explication du « bon contrôle des dépenses », dont le gouvernement s’attribue entièrement le crédit; une plus forte inflation aurait sans contredit compromis ses chances de réaliser ses cibles.

Il n’y a pas que les revenus budgétaires qui sont affectés par une faible inflation. La dette du gouvernement, comme les dettes privées d’ailleurs, l’est aussi. Alors que l’inflation efface progressivement une dette, dont la valeur nominale à rembourser demeure la même mais dont la valeur réelle diminue avec la hausse des prix, ce processus est ralenti en situation de baisse de l’inflation (désinflation), et s’inverse lorsqu’on aboutit à une baisse des prix, c’est-à-dire à la déflation. La valeur réelle de la dette cesse alors de diminuer et commence à augmenter.

Se réjouir ou se préoccuper d’une faible inflation?

Doit-on se réjouir ou se préoccuper d’une faible inflation. Spontanément on est porté à se réjouir, l’inflation érodant le pouvoir d’achat lorsque les revenus sont fixes, c’est-à-dire non indexés à la hausse des prix. Mais une hausse des prix permanente et contrôlée est une condition du bon fonctionnement de l’économie capitaliste.

Si une inflation modérée est vue comme un bienfait pour l’économie et que les banques centrales disposent des moyens pour y parvenir en haussant leur taux d’intérêt directeur lorsque les prix s’envolent, la déflation, au contraire, est un mal à éviter à tout prix, et une faible inflation risque toujours d’y aboutir. Les banques centrales sont alors démunies de moyens, ne pouvant réduire leur taux directeur à des niveaux négatifs pour la combattre lorsqu’elle échappe à leur contrôle.

Et le problème est d’autant plus complexe que la déflation est un processus qui s’auto-alimente dans une spirale cumulative qui confine l’économie à un cul-de-sac : les baisses de prix incitent consommateurs et entreprises à reporter leurs achats dans l’attente de nouvelles baisses de prix; ils y sont d’autant plus encouragés que le poids relatif de leur endettement augmente avec la baisse des prix; les entreprises vendent moins, font moins de revenus; elles réduisent encore davantage leurs prix pour réduire leurs stocks devenus surabondants, etc.

L’expérience du Japon qui sort à peine aujourd’hui d’une spirale déflationniste de quinze ans témoigne du piège à éviter.

Le Québec est-il menacé par une telle évolution? Il l’est au même titre que l’ensemble des pays industrialisés, qui font aujourd’hui face à des taux d’inflation historiquement faibles : le taux moyen d’inflation des pays de l’OCDE est de 1,5 % en 2013, en-deçà du taux cible de 2 % de la plupart des banques centrales et en baisse par rapport à son niveau de 2,2 % en 2012.

Et cela se produit en dépit du fait que les banques centrales, par leurs politiques d’« assouplissement quantitatif »[1], ont provoqué une hausse artificielle des prix des actifs transigés sur les marchés boursiers, aujourd’hui propulsés à des niveaux record, vers lesquels se sont réorientés des placements devenus moins rentables sur les marchés obligataires. Voilà une dimension nouvelle du développement de la crise, dont on ne parvient pas à déceler des perspectives de sortie.

Note : Des extraits de cet article ont été publiés dans La Presse du 3 décembre (page A 20) sous le titre « La déflation guette. La réduction des revenus de l’État est principalement due à la chute de l’inflation ».

[1] L’« assouplissement quantitatif » consiste dans l’achat d’obligations gouvernementales par les banques centrales par la création de monnaie ex nihilo, dont l’objectif est de stimuler, par la baisse des taux d’intérêt que cela entraîne, des économies sombrées dans la léthargie depuis la crise déclenchée en 2007-2008.
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