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Le billet vert : cinq statistiques sur la pollution des ultra-riches

23 février 2023

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4min

  • Colin Pratte

La pertinence sociale des politiques de réduction des inégalités socioéconomiques n’est plus à démontrer. Dans un contexte de crise climatique, l’enjeu de la répartition de la richesse obtient une justification supplémentaire, de type écologique. Non seulement les grandes fortunes de ce monde accaparent une part démesurée de la richesse, mais elles s’approprient une portion non négligeable du budget carbone de la planète, qui ne doit pas dépasser 400 gigatonnes si l’on souhaite limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré Celsius. 

Une approche responsable de la transition écologique empêcherait les émissions de GES dites de « luxe », soit des émissions de carbone qui sont le fait de pratiques de consommation et d’investissements irresponsables. Ce billet présente cinq statistiques qui montrent pourquoi la question de la transition écologique doit être envisagée de concert avec celle des inégalités socioéconomiques.

  1. Selon la trajectoire économique et écologique actuelle, l’ensemble des millionnaires et milliardaires du monde entier ainsi que leur patrimoine émettront 286 gigatonnes de CO2 d’ici 2050, soit 72% du budget carbone résiduel à respecter pour limiter la hausse des températures à 1,5 degré Celsius. Or, ces individus ne représentent que 1% de la population mondiale. Ainsi, pour espérer atteindre nos objectifs climatiques, 99% de la population, soit près de 8 milliards de personnes, devront se partager 28% du budget carbone, ce qui est hautement improbable et démontre l’importance de mieux répartir la richesse à l’échelle mondiale, sans quoi nous raterons nos cibles climatiques.
  2. L’empreinte carbone de la consommation des ultra-riches équivaut plus ou moins aux émissions annuelles de 1000 à 2000 Canadiennes et Canadiens de la classe moyenne, ou 10 000 à 20 000 personnes appartenant au 10% le plus pauvre de la planète. Le tableau suivant montre une estimation conservatrice des émissions de GES annuelles attribuables aux habitations, habitudes de transport et yachts de certains des plus riches de la planète.

3. En considérant l’empreinte carbone de leurs habitudes de consommation et de leurs investissements financiers, 125 milliardaires parmi les plus riches de la planète participent à l’émission annuelle de 393 millions de tonnes de GES, soit près de cinq fois le bilan carbone du Québec.

4. Selon une étude analysant sur vingt ans la relation entre les émissions de GES des 22 pays les plus riches de la planète et la variation des inégalités sociales au sein de ces mêmes pays, il existe un lien positif entre l’augmentation des inégalités sociales et la hausse d’émissions de GES qui s’explique par trois facteurs : 1) une augmentation de la capacité de consommation des plus riches; 2) une prolongation de la moyenne sociale des heures de travail, qui est associée à une augmentation des émissions de GES; 3) des entraves économiques à la diffusion de pratiques de consommation écoresponsables, souvent plus onéreuses.

5. Si l’ensemble de la population mondiale émettait le taux moyen de GES par habitant du Canada, le budget carbone pour limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré Celsius serait dépassé en 2 ans et demi. Cette dynamique donne à voir que les inégalités internationales sont tout aussi préoccupantes que les inégalités intranationales.

Une anomie écologique

Toutes les sociétés disposent de régimes de contraintes qui viennent limiter, culturellement ou juridiquement, les actions des individus. Lorsqu’il y a absence de contraintes ou de normes, la situation est dite « anomique ». On peut à juste titre considérer que les ultra-riches jouissent d’une anomie écologique, puisque pratiquement aucune norme écologique n’empêche la pollution indue dont ils sont responsables. Or, ces grandes fortunes sont synonymes de grands pouvoirs, dont l’utilisation permet de résister à l’imposition de contraintes politiques. C’est ce qui explique en partie pourquoi malgré l’urgence écologique actuelle, les ultra-riches sont en mesure de continuer de pratiquer leur mode de vie délétère, que d’aucuns qualifient de crime contre le vivant.

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2 comments

  1. Merci pour cette sélection de statistiques très pertinente. Une nuance que j’aimerais ajouter porte sur les 0,1% des plus riches, voire les 0,01% des plus riches, que l’on pourrait isoler au sein de ce groupe des 1%. Il y a en effet de grandes variations parmi les 1%, en termes tant de richesse que d’émissions. Ainsi, beaucoup de Canadiens font partie des 1% les plus riches mais leur niveau d’émission, bien qu’indécent, est tout de même plus proche de la moyenne mondiale que de la moyenne des 0,1% ou des 0,01% des plus riches. En écrivant cela, je ne veux donc surtout pas atténuer leur responsabilité dans le réchauffement climatique, mais plutôt souligner plus encore celle des “ultra-ultra-riches”.

  2. SI on rajoute le fait que l’émission de GES est solidement harnachée au train de vie dans les pays riches, on constate qu’une importante partie de la pollution des pays pauvres origine en fait des pays riches.
    La dichotomie entre pays riche et pays pauvre en ce qui touche la production de GES devient absolument scandaleuse.
    L’humanité serait responsable de la production de 42 gigatonnes de CO2 pour l’année 2019 seulement. Sur 27 ans , avec un résiduel de 400 gigatonnes, ça donne une marge de manoeuvre de 16 gigatonne par année… C’est le niveau d’émission d’avant 1990,,, Il y a 33 ans!
    Le combat ne doit pas se faire avec le but de combattre les changements climatiques, mais bien de s’y adapter. Entre temps, tant que polluer coûtera moins cher que de ne pas polluer, la pollution va continuer.
    On attend quoi pour mettre une consigne de 1$ sur tout contenant?
    On attend quoi pour charger une surtaxe sur les emballages?
    On attend quoi pour taxer les véhicules par niveau de pollution?
    L’heure de l’apocalypse a été dévoilée à 23:58:30…
    Selon moi, on en est déjà à 52 ans passé minuit!
    Un retour en arrière, à l’équilibre que la nature avait avant 1970 est maintenant impossible!

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