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COMMUNIQUÉ | Financement de la police au Québec: un modèle à réinventer

6 avril 2022


Montréal et Québec, le 6 avril 2022Le budget des services de police a fortement augmenté dans les dernières décennies, dépassant le rythme d’évolution des autres dépenses publiques. Alors que le financement des corps de police fait débat au Québec comme ailleurs, l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS) et l’Observatoire des inégalités raciales au Québec (OIRQ) dévoilent aujourd’hui l’étude Réinventer le financement de la police au Québec. Le rapport présente l’évolution de la criminalité, les grandes tendances en matière de financement des services policiers, les obstacles à leur réforme efficace et les principes qui doivent guider une telle réforme.

Consensus autour d’une refondation

Il existe désormais un consensus selon lequel il faut repenser le financement des services de police. Même les autorités et les services de police adhèrent à cette idée. « Une partie de la population a perdu confiance dans les services policiers. Le cadre financier actuel est mésadapté aux nouveaux besoins de sécurité de la population, notamment ceux qui concernent les personnes en situation d’itinérance, les personnes toxicomanes ou aux prises avec des enjeux de santé mentale et les personnes racisées ou autochtones », énumère Roberson Edouard, chercheur associé à l’IRIS et co-auteur de l’étude. Il ajoute que « les policiers et policières sont constamment aux prises avec des problèmes sociaux pour lesquels ils ne sont pas formés, ce qui mène parfois à des drames. C’est de cette impasse qu’il faut sortir ».

Financement et sécurité

Il est impossible d’établir un lien causal entre le niveau de dépenses dans les services de police et la sécurité de la population. « Investir dans la police n’entraîne pas nécessairement un plus haut niveau de sécurité au sein de la population », souligne M. Edouard. Le chercheur met en lumière la forte tendance à la baisse du taux global de criminalité dans les régions métropolitaines de recensement (RMR) de Montréal et de Québec (respectivement -56 % et -46 %) malgré le fait que le financement des services de police des deux principales villes de ces RMR ait eu des tendances différentes.

Un niveau de financement variable selon les villes

L’étude analyse les sommes allouées aux services de police des villes de Montréal (SPVM) et de Québec (SPVQ) et leur proportion dans le budget de leurs villes respectives (voir données ci-bas). Les données montrent que les budgets destinés à la sécurité publique et à la police sont proportionnellement moins importants à Québec qu’à Montréal, et ce, sans que cela compromette la sécurité des vies et des biens de la population de la capitale nationale.

Évolution du financement en sécurité publique et des corps de police

Ville de Montréal : 

  • La sécurité publique est le 1er poste de dépense sauf à partir de 2020 en raison de la pandémie ;
  • Police : 429 M$ à 724 M$ entre 2002 et 2022 (+169 %) ;
  • Toujours plus de 60 % des dépenses en sécurité publique alloués à la police (66,6 % prévu en 2022).

Ville de Québec : 

  • La sécurité publique est le 2e ou 3e poste de dépense selon les années ; 
  • Police : 87,1 M$ à 154,9 M$ entre 2002 et 2020 (+178 %) ;
  • La part des dépenses de sécurité publique attribuée à la police a diminué, passant de 67,9 % à 61,5 %.

Un financement à revoir

Pour Roberson Edouard, « il faut rediriger une partie des ressources de sécurité publique vers des programmes de services sociaux et communautaires tels que le logement social, l’éducation à la petite enfance et les services communautaires afin de prévenir la criminalité et diminuer les risques de dérapages lors d’interventions policières inopportunes ».

Le rapport de l’IRIS cite aussi en exemple la ville de Seattle aux États-Unis, qui évolue vers l’intervention psychosociale et les services communautaires. La ville, qui a analysé les appels faits au service d’urgence 911, a conclu que près de 50 % des appels dirigés vers le service de police auraient reçu une réponse plus appropriée si elle avait été offerte par d’autres services publics ou communautaires. « Il serait fortement instructif de reproduire ce type d’analyse ici pour vérifier si l’on obtient des résultats similaires. Les appels sont déjà enregistrés, il suffit de s’en servir », conclut le chercheur.

Pour lire la note : https://bit.ly/financement-police.

À propos de l’OIRQ

L’Observatoire des inégalités raciales au Québec (OIRQ) est un groupe de réflexion, d’action et de production du savoir, combinant plusieurs acteurs issus principalement du milieu de la recherche et du milieu de l’action communautaire et syndicale, en se donnant pour mission de veiller au suivi des enjeux sous-jacents au phénomène du racisme au Québec en vue de faire avancer la lutte contre le racisme systémique.

Faits saillants

« Une partie de la population a perdu confiance dans les services policiers. Le cadre financier actuel est mésadapté aux nouveaux besoins de sécurité de la population, notamment ceux qui concernent les personnes en situation d’itinérance, les personnes toxicomanes ou aux prises avec des enjeux de santé mentale et les personnes racisées ou autochtones »

Roberson Edouard, co-auteur de l’étude et chercheur associé à l’IRIS