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Au-delà des mythes du 1% sur la crise climatique

2 novembre 2021

Lecture

4min

  • Anne Plourde

Dans un ouvrage qui paraît ces jours-ci chez Écosociété, Frédéric Legault, Arnaud Theurillat-Cloutier et Alain Savard réalisent un véritable coup de force. Dans une écriture accessible et pédagogique, Pour une écologie du 99% parvient tout à la fois : 1) à démolir méthodiquement chacune de nos illusions sur la possibilité de contrer la crise climatique sans transformer radicalement la société; 2) à proposer des solutions de rechange crédibles à l’économie capitaliste qui est à la source de cette crise; et 3) à nous redonner espoir dans notre capacité collective à accomplir ces changements nécessaires par des moyens concrets d’organisation et de mobilisation. Recension d’un livre essentiel.

Dans leur ouvrage, les trois auteurs prennent à bras-le-corps l’affirmation selon laquelle les idées dominantes d’une époque sont en fait celles de la classe dominante. Cette classe dominante, c’est le « 1% » ou la « classe capitaliste », soit cette petite minorité de propriétaires et de dirigeants de grandes entreprises, banques et autres institutions financières qui, dans la société capitaliste, concentrent entre leurs mains le pouvoir de prendre les grandes décisions concernant les investissements financiers, la production économique et la distribution des marchandises.

Parce que son pouvoir économique lui confère aussi la capacité de répandre largement sa vision du monde dans la société, les idées dominantes sur la crise climatique véhiculées par cette classe et ses alliés idéologiques sont aussi celles qui sont le mieux parvenues à s’imposer dans l’imaginaire collectif, y compris dans les milieux de gauche et écologistes. Cet imaginaire se retrouve donc pollué par toute une série de « mythes » que le livre déboulonne de manière limpide et systématique.

Ainsi, les idées reçues sur les causes de la crise climatique se font retourner comme un gant pour qu’apparaisse la source véritable du problème : non, ce ne sont pas la surconsommation, la surpopulation, la « religion de la croissance infinie », l’individualisme ou la Chine qui sont les principaux responsables de la catastrophe annoncée, ce sont plutôt les capitalistes, leurs entreprises et les contraintes systémiques que leur impose l’impératif d’accumulation qui nous entraînent au bord du gouffre. Comme l’argumentent les auteurs de manière si convaincante : « La culpabilité environnementale doit changer de camp. Les gloutons, ce sont d’abord les grandes entreprises. »

De même, les fausses solutions et les sorties de crise illusoires que laissent miroiter les différentes manifestations du « capitalisme vert » trouvent dans ce livre une critique implacable : le marché du carbone et les nouvelles technologies ne vont pas nous sauver, et il ne sera pas suffisant d’opérer une transition énergétique pour éviter la catastrophe. Les auteurs font la démonstration lucide et sans complaisance que la seule issue acceptable se trouve par-delà le capitalisme.

Heureusement, l’ouvrage ne s’arrête pas à ce constat impitoyable qui pourrait sembler pessimiste et démobilisant à celles et ceux qui ne croient plus qu’un autre monde est possible. Et c’est peut-être là le « mythe » le plus toxique que parvient à détruire ce livre. Un de ses grands mérites est en effet d’attaquer frontalement le fatalisme généralisé provoqué par 40 ans de néolibéralisme et de défaire l’idée – renforcée par l’échec de l’expérience soviétique – que la « nature humaine égoïste » et l’absence d’alternative empêchent toute sortie du capitalisme.

Comme antidote à cette attitude résignée, ou encore à la conviction qu’il est déjà trop tard et qu’« il n’y a plus rien à faire », les auteurs ne se contentent pas de proposer un autre modèle d’organisation sociale pour remplacer le capitalisme. Ils exposent également des pistes stratégiques concrètes et des moyens lucides et pragmatiques pour parvenir à accomplir cette transition majeure vers la seule manière viable et socialement juste d’affronter la crise climatique : la planification démocratique de l’économie.

Ici aussi, plusieurs mythes sont déboulonnés, à commencer par ceux qui laissent croire qu’un leader charismatique, l’élection d’un parti écologiste ou encore les possibilités de mobilisation offertes par les médias sociaux nous permettraient de parvenir à nos fins. C’est plutôt la « convergence des fronts » économique (coopératives et autres « espaces économiques autonomes »), social (mouvements sociaux) et politique (partis de gauche) qui est mise de l’avant en conclusion de l’ouvrage, avec en prime quelques « conseils pratiques pour s’engager dès maintenant ».

Bref, on sort de ce livre avec une conscience claire des problèmes, de leurs causes, des solutions possibles et des forces en jeu. On en sort également armé·e·s d’arguments solides et de moyens d’organisation éprouvés pour y faire face. Devant l’urgence climatique, le découragement ambiant et l’inaction de nos dirigeant·e·s, il s’agit-là d’un ouvrage à lire absolument!

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