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Les logiciels libres, un an plus tard

25 septembre 2014


Cette semaine, c’est la Semaine québécoise du logiciel libre et plusieurs ateliers et conférences sont organisés sur ce thème un peu partout au Québec. J’en profite pour faire un retour sur la note de recherche sur les logiciels libres que nous avons publiée il y a environ un an. Nous avions alors soutenu que le choix des logiciels libres pour le gouvernement du Québec pourrait contribuer à réduire significativement les coûts et à accroître son autonomie technologique. Que s’est-il passé depuis?

Tout d’abord, le jour même de la publication de notre note (et peut-être en réaction à celle-ci?), le gouvernement péquiste a présenté un bilan de ses réalisations en matière de logiciels libres. Quelques jours plus tard, une motion unanime a été adoptée à l’Assemblée nationale encourageant les initiatives en logiciels libres. Cette motion a été saluée par plusieurs acteurs des logiciels libres comme un pas important pour leur reconnaissance au Québec. Force est toutefois de constater qu’une résistance importante et persistante subsiste au sein de l’appareil gouvernemental. Dans une entrevue accordée au Courrier parlementaire (et à laquelle j’ai moi-même contribué), le professeur Daniel Pascot déplorait ainsi l’existence d’une « couche administrative qui est figée » et qui résiste au changement, malgré un intérêt politique effectif pour le logiciel libre. Plus récemment, les organisateurs du Salon du logiciel libre faisaient un constat similaire en notant l’absence des décideurs gouvernementaux qui étaient pourtant parmi les principaux publics cibles de cette conférence.

Par ailleurs, dans notre note de recherche, nous avions limité notre analyse aux économies que pourrait permettre l’adoption d’une suite bureautique libre plutôt que propriétaire (LibreOffice ou OpenOffice plutôt que Microsoft Office). Nous avions évalué qu’il s’agirait là d’économies annuelles situées entre 25 et 50 millions annuellement. Or, les dépenses informatiques ne se limitent évidemment pas à l’acquisition de licences bureautiques. Au mois de mai de cette année, lors d’une rencontre de la Commission sur les finances publiques, le plus haut responsable de l’informatique au sein du gouvernement du Québec évaluait à environ 2,5 milliards les dépenses en technologies de l’information au sein de l’administration publique et dans le réseau de la santé. Il était toutefois incapable d’évaluer les montant alloués en TI au sein du ministère de l’Éducation, incapacité qui lui a d’ailleurs valu les foudres des élu.e.s des différentes formations politiques (ce responsable a d’ailleurs été récemment remplacé).

Un des projets particulièrement coûteux des dernières années – que ne nous n’avons pas abordé dans notre note – est le système informatique SAGIR, dont l’objectif est d’être utilisé pour la gestion des ressources, par exemple l’acquisition de matériel ou la compatibilité des salaires (l’acronyme SAGIR signifie Solutions d’affaires en gestion intégrée des ressources). Initialement estimé à 83 millions de dollars, le coût du projet est désormais évalué à environ 620 millions et pourrait atteindre le cap du milliard, selon le journaliste Jean-Nicolas Blanchet. Qui plus est, le système est encore loin d’être au point et certaines de ses parties doivent être mises à jour à fort prix, alors même qu’elles ne sont pas encore tout à fait en service. Les dépenses informatiques au sein du gouvernement semblent donc beaucoup plus élevées que ce que nous avions au départ analysé. Elles semblent même hors de contrôle…

Certain.e.s soutiennent que le choix des logiciels libres auraient dû être une évidence pour le projet SAGIR et qu’ils devraient l’être s’il fallait reconstruire certaines de ses parties à partir de zéro. Pour bien comprendre ces affirmations, soulignons tout d’abord que SAGIR n’est pas un logiciel clé en main (comme le serait par exemple Microsoft Word ou Firefox), mais plutôt un projet informatique complexe, regroupant différentes composantes logicielles. Il n’existe donc évidemment pas un logiciel libre qui pourrait constituer une alternative clé en main. En revanche, les différentes composantes qui forment ce projet informatique auraient pu être des logiciels libres, plutôt que des logiciels propriétaires qu’il faut renouveler à fort coût et selon des échéances arbitraires imposées par les fournisseurs (c’est le cas par exemple du cœur du projet, qui est un logiciel propriétaire édité par l’entreprise américaine Oracle). De l’avis de leurs défenseur.e.s, les logiciels libres permettraient notamment une approche de perfectionnement continuelle des projets informatiques complexes – comme SAGIR – approche qui serait plus appropriée et moins coûteuse pour le long terme.

En résumé, si les logiciels libres occupent effectivement une certaine place sur le plan du discours politique, beaucoup de travail reste encore à faire pour que les décideurs et décideuses au sein de l’administration publique québécoise considèrent sérieusement les logiciels libres dans leurs choix technologiques.

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