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Le prochain budget du Québec : vérité ou mensonge?

2 juin 2014

  • Philippe Hurteau

Mercredi prochain, le gouvernement Couillard déposera son premier budget. Avec son tout nouveau ministre des Finances, le premier ministre tentera de réaliser un tour de magie. À la fois faire adopter des coupures de 3,7 milliards $ tout en se défendant de proposer un plan budgétaire centré sur l’austérité. Avec un budget total de 73,7 milliards $, un tel serrement de ceinture représentera des compressions, pour une seule année, de l’ordre de 5 %.

Il y a là quelque chose de perturbant. Un premier ministre s’apprête à mettre de l’avant des coupes drastiques, mais refuse de le faire de manière franche et transparente. Le Parti libéral du Québec (PLQ), pour se défaire de l’étiquette de l’austérité, est même allé jusqu’à présenter son orientation comme étant la « vérité », rien de moins. Un peu à la manière des débats qui ont enflammé le Québec au printemps 2012, le parti de M. Couillard préfère utiliser une formule creuse plutôt que d’affirmer clairement ses choix. Il y a deux ans, il était question de « juste part », cette année de vérité. Chaque fois, des mesures qui minent le maintien des capacités de l’État à faire son travail de garant du bien commun sont ainsi emballées dans le joli petit paquet aseptisé des relations publiques.

Les demi-vérités

Bien entendu, l’intention de couper dans les dépenses de l’État n’est pas en soit farfelue, ou du moins nous ne devons pas nécessairement nous en surprendre. Le PLQ étant un allié traditionnel du monde des affaires, le fait qu’il reprenne mot pour mot les orientations du Conseil du patronat du Québec (CPQ) va presque de soi.

Le prochain budget ne sera donc pas celui de la vérité, mais d’une vérité. Une vérité bien limitée et surtout bien en phase avec les intérêts corporatistes du patronat québécois. Pour s’en convaincre, il suffit de jeter un œil au document publié par le CPQ en mai, Un Québec prospère qui vit selon ses moyens.

Quelles sont les priorités budgétaires pour 2014-2015 du patronat québécois? Cinq cibles arrivent en tête de liste : le resserrement des dépenses du gouvernement, la révision des structures de l’appareil d’État, la participation du privé en santé, les prochaines négociations du secteur public et l’enjeu des régimes de retraite.

Le CPQ parvient, pour chacun de ces objectifs, à camoufler sous de fausses prétentions à l’objectivité ce qui relève en fait d’une vision idéologique étroite, soit la volonté du monde des affaires de voir se réduire au maximum les outils de solidarité sociale. Les solutions sont toutes trouvées : il faut couper dans les dépenses de l’État, faire plus de place à la sous-traitance, privatiser le système de santé, continuer d’appauvrir les employé.e.s du secteur public et précariser les conditions de vie des retraité.e.s.

Heureusement pour nous, le PDG de Couche-Tard, Alain Bouchard (pour lire une réplique sensée des arguments de M. Bouchard, lire le blogue de Gérald Fillion), a eu la maladresse de dire clairement de quoi il en retourne la semaine dernière. Ce qui préoccupe le milieu des affaires, ce n’est pas vraiment de créer des conditions gagnantes pour une prospérité durable et partagée, c’est d’en finir avec le Québec des « BS », soit ce Québec qui a le désavantage de ne pas être composé uniquement d’entrepreneurs prospères.

Nous verrons bien mercredi de quoi il en retourne effectivement. Malheureusement, il est à prévoir que la majorité de la population québécoise sortira de cet exercice non pas avec la vérité, mais avec un filet de sécurité sociale encore amoindri.

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