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Le virage vert kaki du gouvernement fédéral

4 février 2014

  • Philippe Hurteau

Dans moins d’une semaine, le gouvernement fédéral dévoilera son budget pour l’année à venir. Avec des prédictions tablant sur l’atteinte d’un surplus de 3,7 milliards $ en 2015-2016, tout porte à croire que le gouvernement Harper pourra se présenter devant l’électorat le torse bien bombé. Il aura les poches pleines et sera en position de mettre de l’avant ses priorités, sans compromis. Si le passé est garant de l’avenir, parions que lors de la prochaine campagne électorale, en plus des enjeux liés à l’économie, il sera beaucoup question de « l’urgence » d’investir massivement dans la sécurité intérieure et extérieure.

Sur ce dernier point, une note de recherche que j’ai publiée ce matin avec mon collègue Guillaume Hébert incite à reconsidérer certains lieux communs. Certes, l’héritage que lèguera Stephan Harper et ses troupes sera teinté de vert kaki. Toutefois, la tendance à prioriser les dépenses de « sécurité » avant les dépenses « sociales » est ancrée dans les dynamiques fondamentales de l’État fédéral, et ce, depuis le milieu des années 1990.

Escalade sécuritaire

En scrutant attentivement les documents budgétaires en provenance d’Ottawa, l’explosion des dépenses destinées à satisfaire les exigences des corps policiers, des organismes de renseignement ou militaires saute aux yeux. En accumulant l’évolution des crédits alloués à la Défense nationale, à Service correctionnel du Canada, au Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) et à la Gendarmerie royale du Canada (GRC); les résultats parlent d’eux-mêmes. En 16 ans, il est question d’une augmentation de  56 % correspondant à 9,4 milliards $, en dollars constants de 2013.

À titre comparatif, la hausse de l’ensemble des dépenses du gouvernement fédéral fut, pour la même période, limitée à 29 %. Si les dépenses sécuritaires avaient été limitées à ce niveau, Ottawa aurait cette année 4,5 milliards $ dans ses coffres.

C’est donc dire qu’à une époque d’hystérie budgétaire, l’appel à gérer les finances de l’État comme un bon père de famille ne semble pas s’appliquer à l’achat d’avions de chasse, aux prisons et aux autres organes chargés des missions répressives. Au même moment qu’est exigé des chômeurs et chômeuses de faire des sacrifices, l’État affirme, sans aucune gêne, que le rehaussement des capacités opérationnelles de nos forces armées est une priorité nationale!

Regardons-y de plus près. En 16 ans, les crédits alloués à la Défense nationale ont grimpé de 6,5 milliards $ (48 %). Durant la même période, les fonds dédiés à notre service correctionnel ont explosé de 1,5 milliard $ (95 %), ceux de la GRC de 1,1 milliard $ (70 %) et ceux du SCRS de 308 millions $ (141 %). Bref, quand vient le temps de surveiller et punir, les finances publiques vivent un état d’abondance.

Canada, plus meilleur pays au monde?

L’imaginaire canadien est relativement simple. Le « Nous » est facile à décrire : nos soldats sont de sympathiques casques bleus, notre système de santé est public coast to coast et quand vient le temps de gagner un tournoi international de hockey masculin, c’est la médaille d’or ou rien!

Sous ce portrait d’un pays où il fait bon vivre, se cache pourtant un autre visage. Un visage qui fait la promotion de la répression et de la force. Il est pertinent de rappeler qu’en laissant le champ libre aux politiques de type « loi et ordre », en plus de transformer le Canada en une sorte d’États-Unis où il fait plus froid, on rend nécessaire les coupures dans les dépenses sociales. Dans un contexte d’élargissement des inégalités au sein du Dominion canadien, il s’agit d’une bien malheureuse hiérarchisation des priorités budgétaires du fédéral.

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