Fiscalité municipale : une réforme nécessaire pour une transition juste
2 juin 2021
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Dans quelques mois auront lieu des élections municipales au Québec. Bien plus que le moment de choisir le nouveau ou la nouvelle porte-parole de sa ville, ce sera une occasion de choisir un gouvernement de proximité qui pourra répondre aux défis contemporains du vivre-ensemble. Même si les villes du Québec ne sont pas responsables des services publics (santé, éducation, services sociaux, etc.), les décisions qui sont prises dans chaque hôtel de ville ont pour effet d’améliorer ou de freiner la lutte aux inégalités sociales et aux changements climatiques. Ces deux luttes ne peuvent être séparées : on ne peut sacrifier l’une au bénéfice de l’autre et en sortir gagnant·e·s. Mais dispose-t-on de tous les outils nécessaires pour arriver à les concilier?
Pour répondre à ces préoccupations, nous proposons de comparer différents modèles de fiscalité locale. Le Québec mise essentiellement sur la taxe foncière, mais d’autres choix sont possibles. Après avoir posé un regard sur les tendances en la matière au sein des pays de l’OCDE, nous nous pencherons plus spécifiquement sur les cas de trois États : le Québec, l’Allemagne et la Suède. Nous verrons pour chacun de quelle manière les recettes fiscales sont perçues puis distribuées, mais également à quoi elles servent au niveau local, puisque le rôle des municipalités varie considérablement d’un pays à l’autre. Nous terminerons en explorant la notion d’écofiscalité locale.
Table des matières
Qu’est-ce que la fiscalité municipale ?
Cette note porte sur la « fiscalité locale ». Au Québec et au Canada, celle-ci correspond au régime fiscal des municipalités, mais la définition du niveau local diffère considérablement d’un pays à l’autre. En effet, la fiscalité locale de chaque pays varie selon divers paramètres – système centralisé ou décentralisé, juridictions et responsabilités différentes, niveau plus ou moins élevé d’autonomie –, et cette variété rend plus ardues les comparaisons internationales. Il faut donc circonscrire chaque modèle en fonction de ces différences.
Bien qu’abordée différemment dans chaque État, la fiscalité locale requiert un minimum de décentralisation du pouvoir et des responsabilités. Dans la forte majorité des cas, le pouvoir de taxation est d’abord une prérogative du gouvernement central, qu’il délègue en partie, accordant de ce fait plus ou moins d’autonomie aux instances locales. Au Canada, la Constitution répartit les compétences fédérales et provinciales, et c’est aux provinces que revient la responsabilité de déterminer quels pouvoirs sont délégués aux municipalités. C’est pourquoi on affirme parfois qu’au Canada, les municipalités sont « des créatures des provinces[1] ». Il serait donc plus facile de revoir les responsabilités des muncipalités que d’obtenir un nouveau partage des compétences entre le gouvernement fédéral et les provinces, puisque cela ne requièrerait pas d’amendements constitutionnels. Cette plus grande facilité à modifier les responsabilités et les pouvoirs au niveau local s’observe un peu partout dans le monde, à des degrés divers.
Pour qu’une fiscalité soit efficace, elle doit répondre à plusieurs critères[2]. Tout d’abord, elle doit être socialement acceptable, c’est-à-dire que les personnes qui y sont soumises reconnaissent son utilité et acceptent d’y contribuer. Ensuite, elle doit servir à financer des services qui ont une réelle importance pour la population. L’efficacité de la fiscalité locale repose également sur un certain degré d’autonomie de l’instance locale. Celle-ci devrait, idéalement, pouvoir changer des paramètres de sa fiscalité sans devoir s’adresser à un palier supérieur. Ce faisant, elle gagne la flexibilité nécessaire pour ajuster ses revenus (et ses dépenses) en fonction des besoins locaux. Finalement, le rôle de tout gouvernement, qu’il soit local ou non, est d’assurer une certaine équité entre les citoyen·ne·s. Pour ce faire, les outils fiscaux sont essentiels pour la mise en place de politiques redistributives visant à réduire les inégalités économiques ou sociales.
Comparaisons internationales
Tendances de l’OCDE
Chaque année, l’OCDE recueille un ensemble de données auprès de ses États membres. Dans cette section, nous examinerons quelques paramètres liés à la fiscalité locale, à l’ampleur des responsabilités des gouvernements locaux et à leurs champs d’action. Les budgets des municipalités comprennent généralement une large part de fiscalité que complètent des transferts des paliers supérieurs, des tarifs pour les services rendus et d’autres types de revenus.
Nous nous intéresserons ici aux revenus fiscaux des gouvernements locaux. Ils sont répartis en six grandes catégories, dont les principales sont l’impôt sur le revenu, l’impôt sur le patrimoine (incluant les taxes foncières) et les taxes sur les biens et services[3].
Au tableau 1, nous présentons les plus récentes données mises en ligne par l’OCDE, qui datent de 2018.
Le tableau montre qu’il existe une grande variété de dosage des revenus fiscaux. Dans 12 pays, l’impôt sur le revenu est la principale source de revenus fiscaux des autorités locales. Il s’agit en majorité des pays scandinaves (Suède, Norvège, Danemark, etc.), mais on trouve également dans cette catégorie le Japon, la Pologne et la Lettonie. L’impôt sur le patrimoine, qui comprend notamment les taxes foncières, compte pour plus de la moitié des revenus fiscaux de 16 pays. Pour six d’entre eux, la part de cette source dépasse 90 %. Cette proportion atteint 100 % au Royaume-Uni et en Australie, où il s’agit de la seule entrée fiscale des localités. On retrouve également dans ce groupe plusieurs pays anglo-saxons (Canada, Irlande, Nouvelle-Zélande, États-Unis, etc.), quelques pays de l’ex-URSS (Lituanie, République tchèque, Estonie, etc.) ainsi que la France, les Pays-Bas, Israël et le Mexique. Par ailleurs, la taxe sur les biens et services est utilisée dans la plupart des pays sous une forme ou une autre, mais très peu d’entre eux comptent essentiellement sur cette source de revenus fiscaux. Au total, elle est la catégorie fiscale majoritaire pour seulement deux pays, soit la Hongrie et le Chili. Finalement, pour sept pays, aucune forme fiscale ne représente plus de la moitié de leurs revenus provenant des impôts et des taxes. On trouve dans cette catégorie plusieurs pays du sud de l’Europe (Espagne, Portugal et Italie), ainsi que la Turquie, l’Autriche, la Colombie et la Corée. Par contre, pour une bonne partie des pays de l’OCDE, même ceux qui s’appuient principalement sur une source fiscale, plusieurs types de taxation sont utilisés de façon complémentaire.
Le graphique 1 illustre la répartition des dépenses publiques effectuées par les gouvernements locaux des pays de l’OCDE. Les pays sont regroupés en fonction
de leur principale source de revenus fiscaux. Ainsi, les
12 premiers pays utilisent surtout l’impôt sur le revenu, les 12 suivants misent principalement sur l’impôt sur
le patrimoine, et les derniers ont un régime fiscal plus mixte, c’est-à-dire qu’aucun type de fiscalité n’assure plus de la moitié des revenus fiscaux. À la droite du graphique, nous avons ajouté les moyennes par type de fiscalité. Il apparaît ainsi clairement que les pays dont la fiscalité (locale) mise davantage sur l’impôt sur le revenu sont également ceux qui ont une enveloppe fiscale globale plus importante. Dans le cas du Danemark (65,5 %) et de la Suède (50,8 %), la majeure partie des dépenses publiques sont locales. Ces pays ont généralement la responsabilité de certaines dépenses sociales, notamment la santé ou l’éducation. À l’inverse, les pays dont la fiscalité repose principalement sur l’impôt foncier et sur d’autres impôts appliqués au patrimoine accordent un rôle beaucoup plus important aux gouvernements centraux et régionaux où sont effectuées la plupart des dépenses publiques. Certains pays, comme l’Australie (7,4 %), la Grèce (7,6 %) ou l’Irlande (9,4 %), effectuent très peu de dépenses à l’échelon local en comparaison des paliers supérieurs.
Un élément supplémentaire à prendre en considération est la part de la fiscalité locale dans les revenus des municipalités. En effet, les gouvernements locaux reçoivent également des transferts des paliers supérieurs et facturent généralement des frais aux usagers pour différents services (transport, collecte des déchets, service d’aqueduc, etc.)[4]. Les proportions varient de pays en pays, mais en moyenne, ces « autres formes de financement » comptent pour un peu plus de la moitié des revenus locaux. On trouve dans cette catégorie les transferts provenant des paliers supérieurs, les tarifs imposés pour accéder à des services (par exemple l’émission de permis et de droits), etc.
Le Royaume-Uni (12,7 %) et l’Irlande (13,4 %) sont les deux pays qui comptent le plus sur d’autres formes de revenus que les taxes pour boucler leurs revenus, alors que l’Autriche (62,0 %) reçoit la majorité de son financement de la fiscalité locale. De son côté, la Finlande (21,4 %) est le pays qui mise le plus sur les frais d’usager, mais cela demeure une part marginale de son budget[5].
Par ailleurs, le degré d’autonomie des gouvernements locaux varie considérablement selon les pays. L’OCDE définit 10 niveaux d’autonomie, allant de l’autonomie complète (le gouvernement local peut choisir le niveau de la taxation et donner des exemptions sans consulter d’autres niveaux gouvernementaux) à une autonomie quasi inexistante (le gouvernement central détermine le taux et la base de taxation). Pour les pays dont les données sont disponibles[6], il est possible d’évaluer le niveau d’autonomie de chaque catégorie fiscale. Chaque cas est unique, mais il est néanmoins possible de dégager certaines tendances. Précisons d’abord que le niveau d’indépendance s’applique seulement aux portions déléguées. Dans le cas de l’impôt local sur le revenu, le niveau d’autonomie le plus commun concédé aux gouvernements locaux consiste à laisser ceux-ci choisir les taux d’imposition, mais à l’intérieur de balises prédéterminées par un palier de gouvernement supérieur. Cela est également vrai pour l’impôt sur le patrimoine. Quant aux taxes sur les biens et services, le portrait est plus nuancé. D’une part, la base taxable au niveau local varie considérablement d’un pays à l’autre. En effet, si un État permet que les municipalités utilisent les taxes sur les biens et services pour se financer, cela ne veut pas dire que les gouvernements locaux peuvent taxer tous les biens et services. On leur permet généralement de taxer ce qui ne l’est pas déjà par les paliers supérieurs, ce qui leur laisse une marge de manœuvre réduite, peu importe leur niveau d’autonomie. Certains pays donnent un contrôle total et complet sur la majorité des taxes sur les biens et services dont ils délèguent la responsabilité (Autriche, Belgique, Canada, Italie, Suisse), d’autres fixent des balises dans lesquelles les gouvernements locaux doivent opérer (République tchèque, Hongrie, Pays-Bas, Portugal, Slovaquie) et d’autres encore déterminent les taux que les municipalités pourront percevoir (Grèce, Japon, Corée, Norvège, Slovénie). Dans la majorité des cas, plusieurs niveaux d’autonomie cohabitent, s’appliquant à des bases différentes.
En plus de l’autonomie, il est important de rappeler que les responsabilités des gouvernements locaux diffèrent d’un pays à l’autre. Au tableau 2, nous présentons la part des dépenses locales pour différents champs d’intervention des pays de l’OCDE. Il s’agit d’une illustration supplémentaire de la forte diversité des modèles à travers le monde. Nous avons classé les pays en fonction de leur fiscalité principale pour voir s’il existe des liens entre la provenance des fonds autonomes et les responsabilités des gouvernements locaux. Outre les nombreuses variations que fait apparaître ce classement, on note trois faits saillants : 1) les gouvernements locaux qui reçoivent une forte proportion de leurs revenus fiscaux de l’impôt sur le revenu font généralement d’importantes dépenses dans les domaines sociaux (santé, éducation et protection sociale) ; 2) la part du budget consacrée à la santé est beaucoup plus faible en moyenne au niveau local dans les pays qui utilisent principalement l’impôt sur le patrimoine ; 3) toutefois, ces pays consacrent souvent une plus grande proportion de leur budget local à la protection environnementale.
Ces constats ne sont pas tout à fait étonnants. Il semble en effet logique que l’impôt sur le revenu finance des services publics accessibles à l’ensemble de la population. Ces services, tout comme le revenu, ne sont pas liés directement au territoire. Cependant, les taxes foncières le sont, elles, directement. Il y a donc un intérêt particulier à protéger l’environnement : non seulement leur base fiscale y est liée, mais, comme nous le verrons plus bas, certaines décisions prises afin d’améliorer cette base vont à l’encontre d’impératifs environnementaux.
Les données que nous avons vues concernent les revenus fiscaux des entités locales. Rappelons qu’il ne s’agit que d’une partie de leur financement. L’autonomie de ces sources de revenus est un principe important d’indépendance, mais à condition que les sommes reçues puissent être prévisibles et relativement stables. Les transferts des paliers gouvernementaux supérieurs doivent répondre à cette même logique. C’est grâce à un financement adéquat provenant de toutes ces sources que les gouvernements locaux peuvent offrir les meilleurs services et les meilleures conditions de vie à leur population locale.
Regard sur trois modèles différents
Les données de l’OCDE offrent un portrait général des tendances ailleurs dans le monde et elles permettent de constater que plusieurs modèles coexistent, souvent côte à côte. Toutefois, comme il ne s’agit que de données statiques, cet exercice de comparaison a certaines limites. En effet, les régimes fiscaux sont ancrés dans la réalité sociohistorique de chaque communauté et évoluent en parallèle des besoins, des valeurs et des rapports de force avec la population. Dans cette section, nous allons comparer trois modèles de fiscalité locale pour mieux comprendre leurs particularités. Nous les évaluerons selon les critères énoncés plus haut, c’est-à-dire leur acceptabilité sociale, les responsabilités locales qui les justifient, leur autonomie par rapport aux paliers gouvernementaux supérieurs et leur capacité à réduire les inégalités.
Québec
Nous nous référerons au modèle québécois comme base de comparaison. Cette approche fera ressortir les distinctions et particularités de notre propre régime.
Au Québec, les municipalités dépendent de l’Assemblée nationale pour l’attribution de leurs responsabilités et de leurs pouvoirs de taxation. Le modèle s’inscrit dans la tradition anglo-saxonne ; la fiscalité locale repose donc en grande partie sur la fiscalité foncière. Tous les cinq ans, un pacte fiscal est négocié entre les villes et Québec afin de revoir le niveau de transferts qui sera distribué aux municipalités ainsi que le partage des pouvoirs de perception. La dernière de ces négociations s’est conclue en 2019 et portait sur la période 2020-2024. En plus des éléments reconduits de l’entente précédente (remboursement de la TVQ, subvention de péréquation, partage des redevances de ressources naturelles, etc.), une somme équivalente à un point de pourcentage de TVQ a été ajoutée aux transferts, et des fonds pour le développement local et régional ont été mis en place[7]. Une part des revenus des municipalités vient donc, de manière indirecte, de la taxe de vente. Les villes n’ont par contre aucun contrôle sur cette forme de fiscalité : ce ne sont pas elles qui déterminent le taux de la taxe, qui déterminent la base sur laquelle elle s’applique ou qui perçoivent l’argent. Les municipalités n’ont donc pratiquement aucune autonomie à cet égard.
En ce qui a trait à la fiscalité foncière, l’autonomie des villes est plus grande. Les taux sont déterminés par les conseils de ville, et les sommes perçues sont collectées directement par les municipalités. À Montréal, cette source de revenus représente près de la moitié du budget. Cette proportion est encore plus élevée pour des villes comme Québec (78 %) ou Rimouski (75 %). Les deux autres sources principales de revenus des villes sont les transferts provenant de Québec et les frais et tarifs imposés en échange de services.
Cette structure laisse peu de marge de manœuvre aux villes pour augmenter leur financement : elles peuvent tarifer davantage les services ou maximiser les retombées fiscales de la taxe foncière. Celle-ci est généralement reconnue comme légitime, elle est facile à percevoir et aisément prévisible. C’est donc la voie la plus simple et la plus utilisée.
L’impôt foncier entraîne par contre des effets pervers. Puisque ce sont les propriétés et les terrains qui sont taxés, une des manières d’augmenter les revenus de la municipalité est de tout simplement augmenter le nombre de propriétés et de terrains exploités. Cela pourrait passer par une densification du territoire, mais l’ouverture de nouveaux développements est beaucoup plus simple à mettre en place. Ceci favorise l’étalement urbain ainsi que l’empiétement sur des milieux naturels qu’il faudrait au contraire protéger[8]. Les municipalités qui souhaitent augmenter leurs revenus à travers l’impôt foncier peuvent aussi favoriser l’augmentation de la valeur des terrains
et des immeubles, par exemple en laissant une partie du parc locatif être convertie en condominiums, en favorisant la construction de logements privés de luxe aux dépens de logements sociaux, ou simplement en demeurant passives devant un marché immobilier qui s’emballe. En d’autres mots, lorsque les revenus d’une municipalité dépendent largement de l’impôt foncier, la spéculation immobilière peut s’avérer financièrement positive pour le budget des villes. En revanche, ce phénomène peut être nocif – voire catastrophique – pour les inégalités, l’inclusion socioéconomique, la mixité urbaine et la lutte aux changements climatiques.
Pour sa part, la Ville de Montréal peut compter sur des sources de revenus supplémentaires grâce, entre autres, au statut de métropole qu’elle a acquis en 2016. Ce statut spécial permet à la ville d’obtenir de nouveaux pouvoirs et de nouvelles responsabilités que n’ont pas les autres villes du Québec. En accordant cette autonomie et cette flexibilité, le gouvernement québécois souhaitait reconnaître que la « Ville de Montréal contribue de façon significative au développement du Québec et à la création de richesse collective[9] ». Cela permet notamment à Montréal de déterminer ses propres heures d’ouverture pour l’exploitation des permis d’alcool, d’avoir un plus grand contrôle dans le développement de projets d’habitation et d’imposer des quotas de logements abordables dans les projets de développement résidentiels.
Voilà pour les revenus. Mais quelles sont les responsabilités des municipalités au Québec ? Selon la Loi sur les compétences municipales, les municipalités québécoises peuvent agir dans huit domaines précis :
- la culture, les loisirs, les activités communautaires et les parcs ;
- le développement économique local ;
- la production d’énergie et les systèmes communautaires de télécommunication ;
- l’environnement ;
- la salubrité ;
- les nuisances ;
- la sécurité ;
- le transport[10].
Ces champs de compétence sont conformes à la tendance observée dans les pays de l’OCDE. En effet, les pays qui adoptent le modèle anglo-saxon de fiscalité locale (et donc qui exploitent principalement l’impôt sur le patrimoine, telle que la taxe foncière) ont des dépenses limitées dans les domaines sociaux. Au Québec, les municipalités n’ont aucune responsabilité dans le domaine des services sociaux.
Le modèle québécois de gouvernement local demeure relativement limité. Comme les taxes foncières composent la grande majorité des sources de revenus autonomes des municipalités, cela laisse peu de marge de manœuvre pour s’adapter aux besoins de la population. Les responsabilités des villes sont tout de même importantes dans un contexte de gouvernement de proximité. Par exemple, à travers les dépenses en culture, en loisir et en parcs, il est possible d’agir concrètement pour réduire les écarts sociaux. Les responsabilités des villes quant à l’environnement et au transport ne devraient pas non plus être prises à la légère, considérant l’urgence climatique et notre devoir collectif d’agir.
Allemagne
Comme au Québec, les municipalités allemandes sont des créatures du niveau gouvernemental supérieur, les Länder. Toutefois, la constitution leur accorde un plus grand niveau de liberté. Tant qu’elles ne prennent pas des décisions qui vont à l’encontre des droits fondamentaux ou de lois fédérales (ou de leur Land), elles sont relativement autonomes. Le niveau fédéral est d’ailleurs quasi absent du terrain municipal et les responsabilités transférées doivent d’abord passer par le niveau régional avant d’être octroyées aux gouvernements locaux[11].
En Allemagne, la fiscalité est relativement centralisée et est reconnue comme l’une des plus complexes au monde[12]. La perception de l’impôt sur le revenu est régulée au niveau fédéral, mais exécutée au niveau régional, puis redistribuée aux différents niveaux de gouvernement. Les Länder établissent les taxes sur la consommation, dont les revenus sont partagés entre les différents niveaux de gouvernement. Les municipalités ont quant à elles un plus grand contrôle sur les taux de l’impôt foncier et contrôlent une taxe commerciale qu’elles fixent elles-mêmes, dans les limites instituées par la loi. Toutefois, les municipalités ne conservent pas l’entièreté de leurs recettes, puisqu’une part doit en être transférée aux administrations fédérale et régionale[13]. Ces différentes composantes de la fiscalité municipale permettent de combler le tiers des budgets locaux[14]. Des transferts des paliers supérieurs complètent la majorité de leur financement[15].
Les taxes commerciales ne concernent pas l’ensemble des entreprises privées ; elles visent plutôt les grandes entreprises. Ainsi, des exemptions sont accordées aux organismes à but non lucratif, aux travailleurs autonomes, aux professions libérales et aux entreprises ayant un seul propriétaire.
De son côté, le transfert de revenus provenant de l’impôt est calculé de manière à favoriser une certaine redistribution. Les sommes perçues au niveau fédéral sont d’abord envoyées aux gouvernements régionaux qui ont la responsabilité de les distribuer aux municipalités de leur territoire selon des règles qu’elles établissent elles-mêmes. Le calcul qui détermine la portion de chacune prend seulement en considération les ménages situés sous un certain niveau de revenu, pour éviter les distorsions liées aux revenus très élevés de certaines familles[16]. Toutefois, une étude de 2017 a démontré que les villes de l’ancienne Allemagne de l’Est recevaient presque systématiquement une part moindre que les villes ouest-allemandes[17].
Nous l’avons vu plus haut, les sphères de compétences des municipalités sont assez nombreuses. Toutefois, les villes sont limitées dans leur action par deux enjeux majeurs : d’une part, leur budget, et d’autre part, le cadre législatif. Elles peuvent donc agir sur plusieurs plans, mais généralement dans un carcan très strict[18]. Ainsi, de nombreuses lois fédérales et régionales encadrent non seulement la façon dont les services doivent être rendus, mais également les initiatives que doivent prendre les gouvernements locaux. Plusieurs dépenses d’ordre social sont du ressort de ces dernières, mais elles ont un contrôle limité sur leurs orientations. Par exemple, ce sont les municipalités qui s’occupent du soin des aînés, des services de garde et du logement social, dans un cadre déterminé par les paliers supérieurs. Toutefois, cela ne signifie pas que les villes gèrent directement l’ensemble de ces services. Dans plusieurs cas, elles les délèguent à des organisations externes (généralement à but non lucratif) et se contentent d’encadrer et de financer les initiatives[19]. Dans plusieurs cas, des municipalités peuvent décider de se regrouper afin de mutualiser leurs services.
En Allemagne, les citoyen·ne·s peuvent recourir à des mécanismes de démocratie directe, dont les modalités varient selon les régions. Avec l’appui d’une large proportion des électeurs (1 % à 30 % des listes électorales, selon la municipalité), une initiative liée aux responsabilités de la ville doit être soumise au vote, soit au conseil municipal, soit par référendum[20]. Une étude de 2010[21] a montré comment la fiscalité a évolué dans différentes municipalités de Bavière en fonction du nombre d’initiatives soumises et du seuil de participation pour que ces initiatives soient validées. L’étude conclut que plus les initiatives citoyennes sont nombreuses et plus le seuil de participation à atteindre est bas, plus les charges fiscales augmentent et deviennent ciblées, principalement sur les grandes entreprises. Ces résultats sont à contre-courant de ce que les législateurs tendent à promettre et à faire, c’est-à-dire réduire les taux d’imposition et essayer de distribuer la charge sur la plus grande base possible en essayant d’éviter de mécontenter les personnes et les entreprises les plus fortunées (qui sont aussi celles qui ont généralement le plus d’influence politique)[22]. De plus, l’utilisation de la démocratie directe en matière fiscale en Allemagne a permis de dégager une préférence marquée pour des taxes redistributives.
Le système allemand est lourd et complexe. Plusieurs espaces de liberté sont laissés aux municipalités, mais dans un cadre très restrictif. Le financement est également d’une grande complexité. Toutefois, le principe selon lequel toutes formes de perception sont distribuées à l’ensemble des niveaux de gouvernement est intéressant. De cette manière, le risque est partagé sur l’ensemble du territoire allemand, ce qui rend les budgets plus résilients, tout en permettant de faire bénéficier les différentes administrations de la croissance économique.
Suède
En Suède, l’administration locale se fait au niveau des communes. On en compte près de 300, regroupées dans 21 comtés. Les communes peuvent inclure plusieurs municipalités, mais également déterminer que l’une des municipalités devrait être une commune en soi. Leur autonomie politique est protégée par la constitution[23], ce qui constitue une différence majeure d’avec le Québec et l’Allemagne. La responsabilité des principales dépenses sociales relève des administrations locales. Ainsi, ce sont les communes qui organisent l’offre de services de garde, de l’éducation primaire et secondaire, du soin des aînés et des services sociaux, selon un cadre établi par le gouvernement central. Elles s’occupent également d’enjeux de proximité comme la protection de l’environnement, la gestion des résidus, les aqueducs et les bibliothèques. S’il le souhaite, le gouvernement local peut aussi prendre en charge les activités culturelles et de loisir, l’habitation et le soutien aux industries et commerces locaux[24].
Comme les responsabilités des communes suédoises sont nombreuses, leurs dépenses sont également variées[25]. Nous avons vu au graphique 1 que la Suède est l’un des pays qui a le plus haut niveau de dépenses publiques au niveau local. L’éducation représente le quart du budget des municipalités, suivi par le soin des aînés (19 %) et les services de garde et préscolaires (13 %). Ce large éventail de services se traduit également par un grand nombre d’emplois publics et parapublics. Dans la plupart des communes, le gouvernement local est aussi le principal employeur[26].
Le secteur de la santé relève toutefois de l’administration régionale, dont plus des trois quarts des dépenses s’effectuent dans ce secteur. Ces différents niveaux de gouvernements ne sont pas des niveaux hiérarchiques, mais plutôt des unités de gestion différentes, avec chacune ses priorités.
Depuis la fin des années 1990, le gouvernement suédois a cherché à réduire la taille du secteur public en ayant recours à la privatisation. En vertu de cette évolution, la responsabilité de fournir et d’organiser les services demeure celle des municipalités, mais ils peuvent être sous-traités à des entreprises (ou à des entreprises publiques créées à cette fin par les municipalités)[27]. Auparavant, cette sous-traitance était courante seulement pour les services d’utilité publique (aqueduc, gestion des résidus, etc.), mais elle est maintenant utilisée aussi pour des services d’ordre plus social. Des entreprises privées, à but lucratif ou non, peuvent administrer des hôpitaux, des résidences d’hébergement de longue durée ou des services de garde, par exemple. Ces modalités sont décidées au niveau local : les municipalités peuvent choisir entre privilégier un type d’entreprise en particulier (coopératives, associations, entreprises à but non lucratif, etc.) ou fournir un service elles-mêmes[28].
La principale source de revenus des municipalités suédoises est l’impôt sur le revenu. Perçu par l’administration centrale, l’impôt compte principalement trois taux différents, soit un pour chaque niveau de gouvernement. Chacun d’entre eux peut en effet déterminer lui-même les taux à imposer sur son territoire en fonction de ses besoins financiers et de la capacité de payer des personnes concernées. Un principe de péréquation est ensuite mis en place pour s’assurer que toutes les régions aient les ressources pour offrir des services accessibles et de qualité. Ce mécanisme est centralisé et géré par l’administration centrale à Stockholm. L’impôt sur le revenu (et les transferts de péréquation qui en découlent) représentent les deux tiers des revenus des municipalités. Pour boucler leur budget, ils peuvent ensuite compter sur des transferts directs du gouvernement central.
La charge fiscale en Suède est reconnue comme l’une des plus élevées dans le monde. En dépit des réformes néolibérales qui ont considérablement transformé le fonctionnement des États un peu partout au cours des dernières décennies et qui ont exercé une pression à la baisse sur les ponctions fiscales des gouvernements[29], y compris en Suède, la population de ce pays est généralement satisfaite de son niveau d’imposition[30]. Les inégalités économiques et sociales y sont moins prononcées, et cette situation se traduit par une grande solidarité, qui n’est certainement pas sans lien avec la capacité de l’État à maintenir une charge fiscale plus élevée que la moyenne des pays de l’OCDE. L’acceptabilité sociale d’une forte imposition existe donc encore en Suède.
Ces trois études de cas permettent de repérer quelques différences dans les modèles de fiscalité locale. Le modèle québécois, basé sur les taxes foncières, permet peu de flexibilité et mène à certaines décisions qui portent atteinte à la justice sociale et à la lutte aux changements climatiques. La façon de faire allemande est complexe et très encadrée, mais offre néanmoins une grande résilience en raison du partage des ressources entre les différents paliers de gouvernement. Finalement, la Suède montre qu’il y a encore de l’espace fiscal pour combler les budgets publics, à condition d’avoir une solidarité sociale qui reconnaît l’importance des services publics collectifs. Cependant, les besoins des municipalités évoluent, et il est essentiel de reconnaître les défis contemporains – et futurs – auxquels elles font face afin d’ajuster tant les politiques publiques que les moyens pour les mettre en place.
Le rôle des municipalités dans la transition environnementale
Les municipalités subissent de plein fouet les conséquences de l’augmentation d’événements climatiques catastrophiques tels que les inondations, les ouragans ou les feux de forêt. De plus, leurs politiques peuvent favoriser ou entraver la résilience de leurs communautés et une transition écologique. À cet égard, nous avons vu plus haut que le recours à une fiscalité axée sur l’impôt foncier
a plusieurs effets pervers quant au développement immobilier et à la protection de l’environnement. Les avantages à court terme de construire sur des terrains vulnérables aux effets de la crise climatique risquent également de se retourner contre les municipalités, même au niveau strictement financier. Par exemple, les propriétés situées en zone riveraine présentent un grand risque financier puisque les inondations à répétition exigent des investissements afin de protéger et de réparer les infrastructures et les propriétés affectées[31]. De plus, l’érosion des berges pourrait éventuellement rendre nécessaire l’expropriation des personnes qui y vivent.
Le rôle des gouvernements locaux sur le plan environnemental ne se limite toutefois pas à la gestion du développement immobilier. Ils peuvent notamment agir sur la gestion des résidus, l’organisation du transport
ou les aménagements collectifs.
Un des problèmes auxquels font face les municipalités est le manque de données environnementales au niveau local. Les bilans carbone, par exemple, sont généralement calculés pour des pays, voire des régions, mais rarement pour des villes. D’une part, le nombre important de villes et leurs caractéristiques différentes, même au sein d’une même juridiction, rendent l’exercice coûteux et complexe. D’autre part, il peut être hasardeux de tracer les limites des émissions de carbone d’une ville puisque les personnes qui y vivent, celles qui y consomment et celles qui y travaillent ne sont pas nécessairement les mêmes[32]. Pour répondre à ces enjeux complexes, plusieurs équipes de chercheurs et chercheuses travaillent à trouver des méthodes de calcul efficaces et simplifiées, afin de donner aux administrations locales les outils nécessaires pour
que leurs plans de réduction d’émissions puissent être évalués concrètement[33].
L’écofiscalité
Cependant, des gestes peuvent être posés même en l’absence de bilan carbone. Certaines solutions résident dans l’imposition de taxes ou de tarifs qui ont pour but à la fois de changer des comportements et de financer des initiatives qui favorisent une transition écologique juste. Différentes administrations peuvent choisir de mettre de l’avant l’un ou l’autre de ces principes. On distingue ainsi l’écofiscalité budgétaire, qui a comme but premier d’augmenter les recettes fiscales, et l’écofiscalité incitative, qui cherche avant tout à modifier les comportements[34]. Bien entendu, plusieurs taxes et tarifs se trouvent à la croisée de ces deux objectifs, mais il nous semble plus porteur que l’effet budgétaire soit vu davantage comme un effet collatéral qu’un objectif à atteindre, étant donné l’urgence climatique. En effet, lorsqu’on décide de taxer des comportements délétères pour l’environnement, l’objectif, à terme, devrait être de réduire ceux-ci à zéro. Conséquemment, le potentiel de revenu devrait aller en diminuant.
Pour que de telles mesures soient socialement justes, elles doivent absolument prendre en compte leur régressivité au plan fiscal, c’est-à-dire le risque que les personnes dans des situations plus précaires paient une part plus importante de leur revenu que les personnes plus riches. Il est donc important de prendre en considération la réalité sociale et économique des contribuables, ainsi que l’accessibilité d’alternatives.
Une avenue à prendre pour diminuer l’impact de mesures d’écofiscalité sur les populations les plus précaires est d’offrir des compensations soit directes (par exemple en offrant une exonération ou un allègement sur un niveau de consommation ou de revenu) ou indirectes (par exemple en modulant des taxes progressives qui favorisent les personnes ayant moins de revenus). Chose certaine, un gouvernement qui impose des mesures d’écofiscalité
sans prendre en compte leur acceptabilité sociale risque de s’attirer les foudres de sa population, comme l’a enseigné la révolte des Gilets jaunes en France. Ce risque de voir les populations rejeter massivement le recours à de nouveaux outils fiscaux se double de celui de placer en opposition les politiques qui visent des objectifs environnementaux et celles qui visent une redistribution de la richesse.
Des exemples concrets
Les municipalités disposent de plusieurs outils pour répondre au large spectre de défis environnementaux auxquels elles font face. Cela peut aller de la réglementation stricte aux campagnes de conscientisation. Dans cette section, nous présenterons quelques exemples d’écofiscalité, soit de la tarification concernant la gestion des résidus, le transport et l’aménagement du territoire.
La ville de Beaconsfield, située sur l’île de Montréal, a imposé en 2016 une taxe calculée en fonction du volume de déchets mis à la rue. Les bacs sont standardisés et un lecteur à puce permet de facturer les ménages par chargement. En deux ans, la ville a connu une réduction de 49 % de la quantité moyenne de déchets enregistrée par habitant[35]. Cette forme de tarification s’apparente au principe d’utilisateur-payeur, ou de pollueur-payeur, où l’on fait porter le coût d’un service – ou des externalités – aux personnes qui l’utilisent.
Un principe de précaution est de mise pour ce qui est de telles initiatives. Si l’exemple de Beaconsfield semble un succès, il est important de rappeler que la tarification peut mener à des comportements adverses, comme un déplacement du comportement (remplir son bac de recyclage de déchets pour éviter les charges municipales, utiliser la poubelle de son voisin, essayer de trafiquer la puce, etc.). De plus, certaines utilisations de ressources ne devraient jamais être tarifées, notamment celles qui répondent à des besoins essentiels – par exemple, installer des compteurs d’eau pour en limiter la consommation. De telles mesures peuvent avoir une incidence sur la santé puisque des ménages pourraient être obligés de choisir entre leurs besoins vitaux et leur capacité financière. Des exemples extrêmes de cette nature[36] ont été répertoriés en Afrique du Sud[37], au Belize[38] et ailleurs.
Plusieurs villes choisissent des formes de péage pour limiter le parc automobile et encourager l’utilisation du transport collectif ou actif[39]. En 2003, Londres fut l’une des premières grandes villes à imposer ce genre de tarifs afin de décongestionner son centre-ville. Des exemptions sont accordées aux véhicules électriques ou à faible émission. La mesure londonienne a eu un effet significatif immédiat. Dès le premier mois d’application de la mesure, on a constaté une diminution de 20 % du nombre de voitures au centre-ville[40]. Le nombre de voitures s’est depuis maintenu sous le niveau de 2003, mais la congestion automobile s’est accrue. Il faut dire que des réaménagements ont été apportés aux routes situées dans la zone tarifée afin de donner plus d’espace au transport actif, notamment en élargissant les trottoirs et en ajoutant des pistes cyclables. Ainsi, l’objectif premier de la mesure (réduction de la congestion) a été supplanté par ses effets collatéraux (diminution de la pollution, augmentation de l’utilisation du transport collectif et actif, etc.), qui en font tout de même un succès[41]. Cela évoque les retombées liées à l’ajout de voies rapides ou d’autoroutes pour décongestionner : l’effet immédiat est positif mais, rapidement, les automobilistes utilisent les routes au maximum de leur capacité et reproduisent le problème que l’on cherchait à résoudre. Or, dans l’exemple de Londres, le gain de fluidité s’est accompagné d’un réaménagement qui a permis de créer des alternatives de déplacement durables. Stockholm et Singapour ont également opté pour ce genre de mesure, avec des effets similaires.
Si ces réaménagements profitent à un grand nombre de personnes de toutes origines socioéconomiques, il reste que les formes de péage, particulièrement quand elles s’appliquent à des quartiers centraux, ont tendance à pousser vers l’extérieur les personnes les plus vulnérables qui n’ont pas les moyens de payer les taxes imposées. De plus, tous les péages routiers ne profitent pas aux initiatives vertes. Dans plusieurs cas, notamment le pont de l’autoroute 25 entre Montréal et Laval, les tarifs sont instaurés par des entreprises privées à qui on a confié la gestion de ponts ou de tronçons de route. Si l’objectif demeure, en partie, de décongestionner ces ressources, l’argent récolté n’est pas réinvesti dans des projets d’infrastructures vertes ou de transport en commun, mais sert plutôt à assurer des profits à des entreprises privées.
Du côté de l’aménagement, des tarifs et des taxes peuvent servir à inciter au développement de pratiques plus respectueuses de l’environnement. C’est le cas de Mississauga, où une redevance est fixée en fonction de la surface imperméable qu’occupe un immeuble. Les villes sont des espaces très bétonnés, avec très peu de surfaces qui peuvent absorber l’eau de pluie ou de la fonte des neiges. L’eau ruisselle donc en surface, se contamine de polluants et augmente les risques d’inondation et de refoulement. En taxant les surfaces imperméabilisées, Mississauga a principalement deux objectifs : d’une part, les propriétaires paient pour l’équivalent de leur utilisation des égouts pluviaux, et d’autre part, on rappelle l’importance d’avoir des surfaces capables d’absorber l’eau. Cette redevance a permis à la municipalité d’investir considérablement dans ses infrastructures de gestion des eaux. L’effet sur les bâtiments est toutefois plus incertain. La mesure datant de 2016, il faudra attendre encore quelques années pour avoir une réelle évaluation de son efficacité.
Ces trois exemples montrent qu’il est possible que l’écofiscalité ait un impact positif sur l’environnement, mais que des enjeux sociaux et économiques doivent également être pris en considération. Ajoutons qu’il ne faut pas que l’écofiscalité, et la tarification qui l’accompagne souvent, pavent la voie à une privatisation des secteurs concernés. Que ce soit la gestion des déchets, la distribution de l’eau ou l’accès aux routes, le péage peut donner l’illusion que les services d’utilité publique peuvent être sous-traités de façon rentable à des entreprises privées. Ce faisant, les objectifs environnementaux et sociaux se font éclipser par une pression à la rentabilité et à la maximisation
du profit. Dit autrement, il faut garder à l’esprit que le devoir de rendement des entreprises n’est pas envers les communautés où elles imposent leurs tarifs, mais envers des actionnaires désireux d’un retour sur leur investissement. De plus, la privatisation des services d’utilité publique réduit la possibilité de mutualiser les risques et les coûts. Les compagnies qui choisissent de prendre en charge ces services visent d’abord les secteurs rentables, délaissant les quartiers plus vulnérables ou éloignés, qui leur coûtent plus cher.
De meilleures pratiques en termes de transport en commun
Nous avons montré dans la section précédente que les municipalités pouvaient jouer un rôle pour atteindre des objectifs de réduction d’émissions de GES. Le développement d’un service de transport en commun de qualité est l’une des manières les plus concrètes pour y arriver.
La crise du climat et les habitudes de déplacement des citoyen·ne·s sont intimement liées au Québec. Le transport représente près de la moitié de toutes les émissions de gaz à effet de serre (GES) de la province, soit 44,8 %. Parmi celles-ci, plus des trois quarts proviennent du transport routier[42]. Pire, alors que tous les autres grands secteurs d’activité[43] ont vu leurs émissions diminuer depuis 1990 (sauf celui de l’agriculture, où l’on observe une hausse de 12 %), les émissions générées par le transport routier ont crû de 58,6 %[44]. Cette croissance est associée principalement à l’étalement urbain, à l’augmentation importante du nombre d’automobiles par habitant[45], et au fait que de plus en plus de Québécois·es conduisent de plus gros véhicules qui consomment davantage[46].
Deux solutions en matière de transport permettraient une réduction des émissions de GES : la transition vers des modes de déplacement à faibles émissions (marche, vélo, transport en commun) et une planification urbaine qui favorise ces modes de transport[47]. Par le passé, l’IRIS a montré que cette transition du transport dominé par l’automobile vers le transport collectif pourrait entraîner des bénéfices socioéconomiques et environnementaux importants[48]. Qui plus est, cette transition encouragerait le passage d’une conception du transport comme un bien (selon laquelle chaque citoyen·ne devrait posséder son propre mode de transport, habituellement une voiture polluante) à une nouvelle conception, où le transport constitue d’abord un service collectif [49], [50]. Au-delà des réductions d’émissions de GES engendrées par une diminution de l’utilisation de la voiture (grâce à des modes de transport en commun électriques ou moins énergivores), cette transformation aurait aussi un effet important pour réduire la surconsommation de ressources (production de véhicules), tout en supportant des industries ainsi que des emplois créés au Québec[51].
Compte tenu de cette situation, un service de transport en commun efficace, accessible et abordable constitue désormais un passage obligé dans la lutte contre les changements climatiques. Cependant, le cadre fiscal et budgétaire actuel ne favorise pas l’optimisation du transport en commun, et encore moins celle de l’utilisation du territoire[52]. Il existe pourtant différents types de financement à travers le monde qui sont compatibles avec ces besoins.
La gratuité du transport en commun
L’idée d’offrir gratuitement le transport en commun a gagné en popularité dans les dernières années[53]. Plusieurs villes et régions ont récemment adopté cette initiative, notamment Tallinn en Estonie, Bruxelles en Belgique,
ou encore le Luxembourg, qui est devenu en mars 2020 le premier pays au monde à offrir un service de transport gratuit sur l’ensemble de son territoire[54]. Bien que cette initiative soit très récente, elle semble avoir peu d’effets sur les habitudes des citoyen·ne·s à utiliser la voiture. Il faut dire que le Luxembourg est le pays avec le nombre de voitures par habitant le plus élevé de l’Union européenne[55], ainsi que l’un des pays avec le plus faible nombre de passagers de train par kilomètre de rail[56]. De plus, l’initiative a débuté en même temps que la pandémie, ce qui a affecté les déplacements de plusieurs personnes. Ces éléments rendent l’adoption du transport en commun plus difficile.
Bien que la gratuité du transport en commun puisse générer des bénéfices socioéconomiques considérables[57], les résultats de différents essais menés à travers le monde démontrent que son impact sur les émissions reste mitigé. Cette approche n’accroît pas nécessairement l’utilisation du transport en commun. Par ailleurs, elle semble être encore moins efficace pour réduire le nombre d’automobiles sur la route (ce qui veut dire que la plupart des nouveaux usagers se déplaçaient déjà en transport alternatif)[58]. Autrement dit, si la gratuité du transport en commun demeure une idée légitime d’un point de vue de justice sociale (réduction du poids économique des déplacements sur les populations précaires), elle n’est pas suffisante en soi pour diminuer l’utilisation de la voiture, souvent vue comme plus pratique. La qualité[59] du transport en commun est de loin le facteur le plus important[60]. En somme, d’un point de vue environnemental, il est plus utile d’améliorer la qualité de ce service et de motiver les automobilistes à l’utiliser (ou de les démotiver à prendre leur voiture) que de chercher à diminuer les frais des usagers de ce service.
Destination marchés : privatiser le transport collectif ?
Depuis les années 1980, plusieurs réseaux de transport en commun ont été privatisés à travers le monde. Face à la croissance des coûts associés au maintien et au développement du transport en commun[61], cette approche a souvent été privilégiée sous prétexte que les mécanismes des marchés sont plus efficaces qu’un gouvernement pour la gestion et le développement d’un secteur d’activité.
Le service de transport collectif pourrait ainsi être offert à plus faible coût, donc de façon plus rentable.
Cependant, la mise en application de cette approche démontre plutôt que, à quelques exceptions près, ces gains de rendement du système sont atteints au coût d’une réduction dans la qualité ou la sécurité du service (ou encore d’une baisse du salaire des employé·e·s du secteur)[62], effets vécus durant la vague de privatisation massive du transport en commun en Europe entre les années 1980 et 1990[63]. En d’autres mots, il y a désormais assez de preuves à travers le monde indiquant que cette approche semble être une mauvaise politique publique.
Par exemple, la ville de Melbourne en Australie a privatisé entre 1993 et 1999 l’ensemble de son réseau de transport en commun (un des plus gros du monde à l’époque). Cette réforme favorable au marché promettait l’amélioration
des services, une hausse du nombre d’usagers, tout en réduisant les coûts pour les contribuables. Cependant, les résultats ont été très décevants. On rapporte, au contraire, une détérioration de la qualité du service ainsi qu’une baisse du nombre d’usagers. Le tout fut combiné à un système moins transparent et non démocratique, agrémenté de quelques scandales corporatifs et politiques[64]. Devant les échecs de cette réforme, le gouvernement
a repris le contrôle d’une partie du service en 2004. Il apparaît clairement que la privatisation du transport en commun n’est pas une option adéquate, puisqu’elle est incompatible avec l’objectif d’améliorer la qualité du service en vue de diminuer l’utilisation de l’automobile.
Approches alternatives : zones de tarification de congestion et valorisation de l’espace
De nombreuses études montrent que la diminution de l’utilisation de la voiture n’est possible que si le problème est ciblé directement[65]. Par exemple, plusieurs villes scandinaves imposent d’énormes frais pour leurs espaces de stationnement[66]. En plus, la ville de Copenhague[67], au Danemark, diminue d’environ 3 % par année le nombre de ces espaces afin de bonifier son réseau de pistes cyclables et de favoriser la création de parcs[68].
Par ailleurs, certaines villes ont instauré des zones urbaines à faibles émissions ou réglementé l’accès[69] des voitures à leurs centres, afin d’y limiter la congestion et d’améliorer la qualité de l’air[70]. Nous avons mentionné plus haut le cas de Londres. Généralement, ce type de système impose des frais basés sur le taux d’émissions pour tout véhicule entrant dans cette zone durant une période déterminée (l’heure de pointe, par exemple).
Cette approche semble prometteuse. À la suite de l’adoption du congestion charging scheme (CCS) à Londres en 2003, on a observé une augmentation du nombre d’usagers du transport en commun, mais cette fois provenant d’automobilistes[71]. De plus, les recettes générées par ce système sont entièrement réinvesties dans le transport en commun et les voies actives afin de continuer d’améliorer le système[72].
Singapour est un autre cas de figure exemplaire. La voiture et le développement routier ne sont pas considérés comme des facteurs soutenant la croissance économique, mais plutôt comme des charges qui entraînent des coûts sociaux importants[73]. C’est pourquoi le gouvernement a établi plusieurs mesures musclées : des zones de congestion, des frais d’enregistrement de véhicule personnel (variant de 5 % à 140 % de la valeur du véhicule), et une multiplication des postes de péage et des frais de stationnement, le tout pour démotiver l’usage de voitures et inciter les citoyen·ne·s à utiliser le transport en commun[74]. Ici aussi, les revenus provenant de ces mesures « anti-voitures » aident au financement du réseau de transport en commun, devenu l’un des meilleurs au monde[75].
Enfin, les politiques qui semblent les plus efficaces combinent l’optimisation du transport en commun et la diminution de l’étalement urbain[76]. Cette méthode peut prendre plusieurs formes, comme une taxe immobilière variable basée sur la distance d’une propriété du centre urbain, ou encore sur l’établissement de limites spécifiques au développement urbain. Bien que ces initiatives ne financent pas directement le développement du transport en commun, elles peuvent néanmoins générer des économies d’échelle pour les municipalités grâce à une diminution des dépenses en infrastructures, en plus de limiter la superficie à desservir par les transports collectifs[77].
L’urgence de la crise climatique nécessite une transformation importante du transport routier, qui est la plus grande source d’émissions de GES au Québec. Pour ce faire, il incombe aux municipalités d’instaurer un système de financement du transport en commun qui valorise son utilisation et sa qualité, tout en limitant l’étalement urbain, afin de prioriser des modes de déplacement durables plutôt que le transport dominé par l’automobile.
Cette section a présenté quelques exemples de politiques alternatives de financement du transport collectif. Si la gratuité permet de rendre celui-ci plus accessible à une certaine partie de la population, il ne semble pas que ce soit la solution pour en généraliser l’adoption. Pour vraiment faire migrer le transport de l’auto-solo vers le transport collectif, d’autres solutions sont nécessaires, notamment celles qui visent l’amélioration et l’optimisation des services. Alors que les défis liés au transport sont nombreux et complexes au Québec, les municipalités ne manquent pas de sources d’inspiration afin d’améliorer la situation.
Conclusion
Le modèle de fiscalité municipale au Québec est loin d’être parfait. Le recours à la taxe foncière comme principale source de financement limite l’autonomie et la flexibilité des municipalités pour répondre aux besoins de la population, en plus d’avoir des effets pervers sur le plan du développement immobilier.
Il est vrai que les responsabilités accordées aux gouvernements locaux ne sont pas aussi importantes ici que dans d’autres États, mais la crise climatique exige que tous les acteurs concernés interviennent avec vigueur. Il devient plus urgent que jamais que les villes puissent offrir des services de proximité de qualité afin d’améliorer la qualité de vie de leurs résident·e·s et de permettre une vie locale accessible. Cela demande un financement adéquat qui pourrait passer par des transferts plus généreux de la part de Québec, notamment en déléguant aux municipalités une part de l’impôt sur le revenu.
L’écofiscalité est également une avenue intéressante, tant pour modifier des comportements nuisibles que pour aider à financer la transition écologique, mais elle doit être entreprise avec caution pour éviter de pénaliser les personnes les plus précaires ou d’accélérer une privatisation des services municipaux qui serait au désavantage des citoyen·ne·s et de l’environnement.
Par ailleurs, notre survol du financement du transport en commun a permis de voir que l’adoption de comportements favorables à l’environnement ne se limite pas à un enjeu financier. Sans négliger l’accessibilité pour les personnes à plus faible revenu, il est nécessaire de miser sur la qualité des infrastructures pour que leur utilisation soit simple et agréable.
Cette leçon s’applique aussi plus largement aux municipalités : elles ne doivent pas être seulement des gestionnaires de services de base, mais doivent aspirer à devenir un gouvernement local de qualité qui a à cœur la qualité de vie sur son territoire. Malheureusement, le recours à la taxe foncière pour financer les villes encourage plutôt de mauvaises décisions en terme de développement urbain, tout en offrant une marge de manœuvre budgétaire limitée. Afin de répondre aux défis à venir, tant sociaux, économiques qu’environnementaux, il est impératif de revoir notre modèle et se donner collectivement les moyens de faire mieux.
Notes de fin de document
[1] GOOD, Kristin R., « Pour en finir avec les “ créatures des provinces ” : réexaminer le statut constitutionnel des municipalités », Centre d’excellence sur la fédération canadienne, Institut de recherche en politiques publiques, 4 février 2021, centre.irpp.org/fr/research-studies/pour-en-finir-avec-les-creatures-des-provinces-reexaminer-le-statut-constitutionnel-des-municipalites/.
[2] BIRD, Richard M., Enid et SLACK, « Local Taxes and Local Expenditures: Strengthening the Wicksellian Connection », International Center for Public Policy Working Paper Series, at AYSPS, GSU, paper 1323, International Center for Public Policy, Andrew Young School of Policy Studies, Georgia State University, International Center for Public Policy Working Paper Series, at AYSPS, GSU,
27 octobre 2013, p. 12, ideas.repec.org/p/ays/ispwps/paper1323.html (consulté le 29 avril 2021).
[3] À cela, il faut ajouter les contributions à la sécurité sociale, les taxes sur la masse salariale et la main-d’œuvre, et les autres types de taxes.
[4] BIRD, et SLACK, op. cit., p. 6.
[5] Ibid., p. 7.
[6] Statistiques OCDE, OECD.Stat., Secteur public, fiscalité et réglementation des marchés, Décentralisation financière, Autonomie fiscale, stats.oecd.org/index.aspx, (consulté le 29 avril 2021).
[7] Gouvernement du Québec, Partenariat 2020-2024 – Pour des municipalités et des régions encore plus fortes, 30 octobre 2019, www.mamh.gouv.qc.ca/fileadmin/publications/organisation_municipale/accord_partenariat/Partenariat2020-2024_Entente.pdf.
[8] BLAY-RACICOT, Fanny, Les pouvoirs municipaux de prélèvements monétaires et la transition énergétique en aménagement du territoire et transport terrestre : Encadrement juridique et études de cas, TEQ, 24 avril 2020.
[9] www.mamh.gouv.qc.ca/secretariat-a-la-region-metropolitaine/statut-de-metropole/
[10] legisquebec.gouv.qc.ca/fr/showDoc/cs/C-47.1?&digest
[11] FOLD, Dian, « Local government in Germany », dans MORENO, Angel-Manuel et NATIONAL INSTITUTE OF PUBLIC ADMINISTRATION OF SPAIN, dir., Local government in the Member States of the European Union:
a comparative legal perspective, London, Palgrave Macmillan UK, 2012, p. 238, link.springer.com/10.1057/9780230359512_30.
[12] ULTSCH, Alfred, et Martin BEHNISCH, « Effects of the payout system of income taxes to municipalities in Germany », Applied Geography, vol. 81, 1er avril 2017, p. 21-31.
[13] WANG, Yukai, et Gisela FÄRBER, dir., Comparative studies on vertical administrative reforms in China and Germany, Speyer, Deutsches Forschungsinstitut für öffentliche Verwaltung Speyer, Speyerer Forschungsberichte, 2016, p. 85.
[14] Ibid., p. 84.
[15] Ibid., p. 85.
[16] Ibid., p. 91.
[17] ULTSCH, et BEHNISCH, loc. cit.
[18] SHEFOLD, Dian, loc. cit., p. 239.
[19] WANG et FÄRBER, dir., op. cit., p. 58.
[20] SHEFOLD, op. cit., p. 242.
[21] RYAN, Zareh et autres, « The effect of direct democracy on the level and structure of local taxes », Regional Science and Urban Economics, vol. 65, 1er juillet 2017, p. 38-55.
[22] Ibid., p. 20.
[23] MADELL, Tom, « Local government in Sweden », dans MORENO, Angel-Manuel, et NATIONAL INSTITUTE OF PUBLIC ADMINISTRATION OF SPAIN, dir., Local government in the Member States of the European Union:
a comparative legal perspective, London, Palgrave Macmillan UK, 2012, p. 640, link.springer.com/10.1057/9780230359512_30.
[24] Ibid., p. 644.
[25] Ibid., p. 651.
[26] NORELL, P. O., « Les modes de financement non conventionnels des politiques locales en Suède », Annuaire des Collectivités Locales, vol. 25, n° 1, Persée – Portail des revues scientifiques en SHS, 2005, p. 192.
[27] MADELL, op. cit., p. 638.
[28] Ibid., p. 643.
[29] ILZETZKI, Ethan, « Les déterminants politiques liés à l’assiette discale dans le cadre de réformes », Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques, juin 2020, cffp.recherche.usherbrooke.ca/publications/coup-doeil/publications-coup-doeil-2020-06/.
[30] JANSSON, Jenny, « Creating Tax-Compliant Citizens in Sweden: The Role of Social Democracy », The Leap of Faith, Oxford University Press, 2018, oxford.universitypressscholarship.com/view/10.1093/oso/
9780198796817.001.0001/oso-9780198796817-chapter-3.
[31] « Inondations : le régime d’indemnisation critiqué par le monde municipal », La Presse, 7 novembre 2019, www.lapresse.ca/actualites/politique/2019-11-07/inondations-le-regime-d-indemnisation-critique-par-le-monde-municipal.
[32] MI, Zhifu et autres, « Cities: The core of climate change mitigation », Journal of Cleaner Production, vol. 207, 10 janvier 2019, p. 582-589.
[33] Ibid.
[34] SAINTENY, Guillaume, « L’écofiscalité comme outil de politique publique », Revue francaise d’administration publique, vol. 134, n° 2, École nationale d’administration, 19 août 2010, p. 351-372.
[35] TREMBLAY-RACICOT, Fanny, Les pouvoirs municipaux de prélèvements monétaires et la transition énergétique en aménagement du territoire et transport terrestre : Encadrement juridique et études de cas, TEQ, p. 55.
[36] IRNS, Maryann R., « Metering water: Analyzing the concurrent pressures of conservation, sustainability, health impact, and equity in use », World Development,vol. 110, 1er octobre 2018, p. 411-421.
[37] SCHNITZLER, Antina VON, « Citizenship Prepaid: Water, Calculability, and Techno-Politics in South Africa », Journal of Southern African Studies, vol. 34, n° 4, [Taylor & Francis, Ltd., Journal of Southern African Studies], 2008,
p. 899-917.
[38] STAFA, Daanish et REEDER, Philip, « “People Is All That Is Left to Privatize”: Water Supply Privatization, Globalization and Social Justice in Belize City, Belize », International Journal of Urban and Regional Research,
vol. 33, n° 3, 2009, p. 789-808.
[39] Par exemple, le vélo et la marche.
[40] « Congestion charge survives school run », BBC News, 28 février 2003, news.bbc.co.uk/2/hi/uk_news/england/2809073.stm.
[41] METZ, David, « Tackling urban traffic congestion: The experience of London, Stockholm and Singapore », Case Studies on Transport Policy, vol. 6, n° 4,
1er décembre 2018, p. 494-498.
[42] MINISTÈRE DE L’ENVIRONNEMENT ET DE LA LUTTE CONTRE LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES (QUÉBEC), Inventaire québécois des émissions de gaz à effet de serre en 2018 et leur évolution depuis 1990, 2020, p. 8.
[43] Les industries, le résidentiel, commercial et institutionnel, l’agriculture, les déchets et l’électricité.
[44] Ibid., p. 10.
[45] Ce ratio a atteint 0,96 en 2018, soit presque un véhicule par conducteur. C’est une hausse de 13 % depuis 2000. Voir Bertrand SCHEPPER, Le graphique du mois : une automobile par conducteur en 2020 ?, IRIS, 2020, iris-recherche.qc.ca/blogue/le-graphique-du-mois-une-automobile-par-conducteur-en-2020.
[46] En 2019, les camions légers (camionnettes, VUS, fourgonnettes) représentaient pratiquement un véhicule sur deux au Québec. Voir Colin PRATTE, Faut-il interdire les publicités de voitures à essence ?, IRIS, 2021, iris-recherche.qc.ca/blogue/faut-il-interdire-les-publicites-de-voitures-a-essence-1.
[47] Hickman, R., P. Hall, et D. Banister, « Planning more for sustainable mobility », Journal of Transport Geography, vol. 33, 2013 ; SAXE, Dianne, A Healthy, Happy, Prosperous Ontario: Why we need more energy conservation, Commissaire de l’environnement de l’Ontario, 2019 ; SANTOS, Georgina, Hannah BEHRENDT et Alexander TEYTELBOYM, « Part II: Policy instruments for sustainable road transport », Research in Transportation Economics, vol. 28, 2010.
[48] Bertrand SCHEPPER, Le transport en commun comme solution à la relance économique et à la crise environnementale au Québec, IRIS, 2016 ; SANTOS, BEHRENDT ET TEYTELBOYM, op. cit.
[49] À ne pas confondre avec les plateformes sociales de transport, comme Uber et Lyft, qui augmentent la congestion et la pollution dans les centres urbains. Voir Gregory D. ERHARDT et autres, « Do transportation network companies decrease or increase congestion ? », Science Advances, vol. 5, 2019 ; Xavier FAGEDA, « Measuring the Impact of Ride-Hailing Firms on Urban Congestion : The Case of Uber in Europe », Papers in Regional Science, 2021.
[50] WEBB, Jeremy, « The future of transport: Literature review and overview», Economic Analysis and Policy, vol. 61, 2019.
[51] SCHEPPER, op. cit.
[52] VIVRE EN VILLE (collectif), Planifier pour le climat : Intégrer la réduction des émissions de gaz à effet de serre des transports à la planification en aménagement et en urbanisme, 2019 ; Deux poids, deux mesures : comment les règles de financement des réseaux de transport stimulent l’étalement urbain, 2013.
[53] RUBY, Françoise, « Gratuité des transports en commun : une tendance qui a de l’avenir », 1000, 2021, centdegres.ca/magazine/amenagement/gratuite-des-transports-en-commun-une-tendance-qui-a-de-lavenir/.
[54] THE MOBILITY CENTRE (Mobilitéitszentral), Free transport, Public Transport Administration of the Ministry of Mobility and Public Works (Gouvernement du Luxembourg), 2020, www.mobiliteit.lu/en/tickets/free-transport/.
[55] À 682 voitures par 1000 habitants en 2018. À titre de comparaison, le Canada est à 630, l’Allemagne à 568 et la Suède à 479. Voir United Nations Economic Commission for Europe (UNECE), Passenger car rate per 1000 habitants in 2018, s.d., w3.unece.org/PXWeb/en/CountryRanking?IndicatorCode=44.
[56] À 443 millions de passagers par kilomètre de rail en 2018. À titre de comparaison, le Canada est à 1564, la Suède est à 13 547 et l’Allemagne, le pays avec le plus haut ratio, est à 98 161. Voir United Nations Economic Commission for Europe (UNECE), Passenger car rate per 1000 habitants in 2018, s.d., w3.unece.org/PXWeb/en/CountryRanking?IndicatorCode=52.
[57] Surtout pour les citoyen·ne·s plus démuni·e·s, à mobilité réduite, ou âgé·e·s, par exemple.
[58] DE WITTE, Astrid et autres, « The impact of “free” public transport: The case of Brussels », Transportation Research, Partie A, 2006 ; FEARNLEY, Nils, « Free Fares Policies: Impact on Public Transport Mode Share and Other Transport Policy Goals », International Journal of Transportation, vol. 1, no 1, 2013 ; CATS, Oded, Yusak O. SUSILO et Triin REIMAL, « The prospects of fare-free public transport : evidence from Tallinn », Transportation, vol. 44, 2017 ; POLIAK, Miloš et autres, « Financing public transport services from public funds », Transport Problems, vol. 12, no4, 2017.
[59] La qualité regroupe ici plusieurs indicateurs, notamment la sécurité, la ponctualité, la fiabilité et le confort du système.
[60] GUGLIELMETTI MUGION, Roberta, et autres, « Does the service quality of urban public transport enhance sustainable mobility? », Journal of Cleaner Production, vol. 174, 2018 ; MCKINSEY & COMPANY, Elements of success: Urban transportation systems of 24 global cities, 2018,
[61] En plus des coûts de maintien et de développement, certaines études dénotent une limite aux gains de productivité possibles dans le secteur du transport collectif. L’offre d’un service de transport en commun serait donc victime de la maladie des coûts de Baumol, où les dépenses reliées à ce service augmentent à un taux plus élevé que l’inflation. Voir Christos EVANGELINOS et autres, « Baumol’s cost disease in the local transit sector : A comparative analysis for Germany and the USA », International Journal of Transport Economics, vol. 39,no 1, 2012. Par contre, les coûts liés au maintien du système de transport automobile au Québec augmentent aussi de façon considérable, et sont nettement plus importants que les coûts du transport collectif. Voir Trajectoire Québec, Évaluation des coûts du système de transport par automobile au Québec, Trajectoire Québec et Fondation David Suzuki, 2017.
[62] Sam MCLEOD, et autres, « Urban Public Transport: Planning Principles and Emerging Practice », Journal of Planning Literature, vol. 32, no2, 2017 ; PETROVIC, J. et autres, « Effects of privatisation of public urban transport – the case of Beograd », Urban Transport, Volume 7, 2001 ; Lynn SCHOLL, « Privatization of Public Transit: A Review of the Research on Contracting of Bus Services in the United States », Berkeley Planning Journal, vol. 19, no1, 2006.
[63] HERMANN, Christoph et Jörg FLECKER (collectif), Privatization of Public Services: Impacts for Employment, Working Conditions and Service Quality in Europe, Routledge, 2012.
[64] DONALDSON, David, « Franchising: why privatising public transport doesn’t live up to the hype », The Mandarin, 2017, www.themandarin.com.au/79973-franchising-privatising-public-transport-doesnt-live-hype/ ; QUIGGIN, John, Franchising and privatisation of public transport: a history of failure, Université de Queensland, 2019 ; MEES, Paul, « Privatization of Rail and Tram Services in Melbourne: What Went Wrong? », Transport Review, vol. 25, no4, 2005 ; MEES, Paul et John STONE, Putting the Public Interest Back into Public Transport: A report to the Victorian community, 2006.
[65] CONFÉRENCE EUROPÉENNE DES MINISTRES DES TRANSPORTS (CEMT), Transports et émissions de CO2 : Quels progrès ?, Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), 2007 ; OCDE, Rethinking Urban Sprawl: Moving towards sustainabile cities, 2018 ; POLIAK, op. cit.
[66] En Norvège, les frais de stationnement varient entre 4 $ et 34 $ de l’heure, tandis que les permis de stationnement mensuels peuvent atteindre jusqu’à environ 539 $. Ceci est sans compter les nombreux postes de péage à travers le réseau routier, avec des frais pouvant atteindre jusqu’à 17 $ par poste, et une panoplie d’autres taxes sur les véhicules. Calculs par des auteur·e·s. Voir Lasse FRISDTRØM, « Reforming Motor Vehicle Taxation in Norway », Institute of Transport Economics, no 1708, Norwegian Centre for Transport Research, 2019 ; AutoPASS, Administration norvégienne des routes publiques (NPRA), www.autopass.no/en/autopass ; Victoria GARZA, Electric cars can no longer park for free in Oslo, Norway Today, 2020, norwaytoday.info/finance/electric-cars-can-no-longer-park-for-free-in-oslo/.
[67] Le plan de développement urbain de Copenhague est souvent utilisé comme exemple à grand succès. La ville a notamment déjà atteint son objectif que 50 % des déplacements en ville soient faits à bicyclette. Voir Irvin DAWID , « Copenhagen Update: On-Street Auto Parking Replaced by Bike Parking », Planetizen, 2019, www.planetizen.com/news/2019/06/104619-copenhagen-update-street-auto-parking-replaced-bike-parking ; Eva SØRENSEN et Jacob TORFING , « The Copenhagen Metropolitan “Finger Plan” », dans Paul‘t HART et Mallory COMPTON (collectif ), Great Policy Successes, 2019..
[68] SANTOS, BEHRENDT et TEYTELMBOYM, op. cit. ; Irvin DAWID, « Copenhagen Update: On-Street Auto Parking Replaced by Bike Parking », Planetizen, 2019, www.planetizen.com/news/2019/06/104619-copenhagen-update-street-auto-parking-replaced-bike-parking ; LAING, Kate, Green & Healthy Streets: How C40 cities are implementing zero emission areas, C40 Cities, 2020.
[69] Les cas les plus notables sont Londres, Milan, Stockholm et Singapour.
[70] LAING, op. cit.
[71] D. BEEVERS, Sean, et David C. CARSLAW, « The impact of congestion charging on vehicle emissions in London », Atmospheric Environment, vol. 39, 2005 ; LAING, op. cit.
[72] SANTOS, BEHRENDT et TEYTELBOYM, op. cit. ; CONFÉRENCE EUROPÉENNE DES MINISTRES DES TRANSPORTS (CEMT), 2007 ; SØRENSEN, Eva, et Jacob TORFING, « The Copenhagen Metropolitan “Finger Plan” », dans HART, Paul ‘t, et Mallory COMPTON (collectif), Great Policy Successes, 2019.
[73] GOH, Mark, « Congestion management and electronic road pricing in Singapore », Journal of Transport Geography, vol. 10, 2002.
[74] Ibid. ; HOI LAM, Soi, et Trinh DINH TOAN, « Land transport policy and public transport in Singapore », Transportation, vol. 33, 2006 ; DIAO, Mi, « Towards sustainable urban transport in Singapore: Policy instruments and mobility trends », Transport Policy, vol. 81, 2019.
[75] Ibid.
[76] OCDE, op. cit.
[77] Ibid. ; SANTOS, BEHRENDT et TEYTELMBOYM, op. cit.
Faits saillants
- Le régime fiscal des villes est nuisible pour l’environnement, notamment en raison de la taxe foncière.
- Puisque ce sont les propriétés et les terrains qui sont taxés, une des manières d’augmenter les revenus d’une municipalité est tout simplement d’augmenter le nombre de propriétés et de terrains exploités, au détriment notamment des zones agricoles et des milieux humides.
- Les villes ont pourtant un rôle central à jouer dans la transition écologique juste, notamment dans sa gestion du transport, de la gestion des matières résiduelles et de la réduction des inégalités.
- Afin d’augmenter leur marge de manœuvre budgétaire, l’IRIS recommande le transfert aux villes d’une part de l’impôt sur le revenu des gouvernements provincial et fédéral.
- Ce modèle éprouvé permet aux villes d’améliorer la qualité de vie des citoyen·ne·s tout en faisant face plus adéquatement à la crise climatique.