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Revoir les avantages fiscaux consentis aux entreprises

10 avril 2013

  • Philippe Hurteau

Dans notre régime fiscal, il est possible de diminuer son revenu imposable à l’aide de multiples mesures, allant des exemptions et remboursements de taxes, aux déductions, crédits et autres reports d’impôt. Du point de vue du gouvernement, on nomme ces mesures des dépenses fiscales, soit un renoncement volontaire des pouvoirs publics de percevoir le plein montant qui leur est dû en taxes et impôt afin de favoriser un type de comportement ou un groupe d’individus.

Pour l’année fiscale 2011, le montant total des dépenses fiscales du gouvernement québécois s’élevait à près de 21 milliards $. De ce montant, 16, 1 milliards $ étaient accaparés par des mesures touchant les particuliers tandis que 4,1 milliards $ bénéficiaient aux sociétés. Ce dernier montant se décompose en deux groupes, soit des dépenses de 3,3 milliards $ (rappelons que cette catégorie de dépenses a bondi de 24 % depuis 6 ans) destinées à diminuer l’impôt devant être payé par les entreprises québécoises et un peu plus de 800 millions $ s’appliquant à des diminutions de taxes à la consommation.

En jetant un regard critique sur ces dépenses, il est intéressant de rappeler que le discours gouvernemental est souvent à sens unique. Lorsque vient le temps de mettre en place une politique de compression budgétaire ou de limitation des dépenses, le plus souvent en raison d’un déficit budgétaire, effectuer des coupures dans les services offerts à la population n’est pas la seule option qui s’offre au gouvernement. Les dépenses fiscales, comme leur nom l’indique, sont des dépenses engagées par l’État, mais qui n’ont pas nécessairement de contrepartie en termes de services offerts à la population. À ce titre, et surtout dans un contexte de lutte au déficit, il semble pertinent de visiter quelques-unes des dépenses afin de vérifier si le gouvernement, en les resserrant, pourrait réaliser un minimum d’économie.

La générosité envers les entreprises

Sur les 3,3 milliards $ de dépenses fiscales destinées à réduire le taux d’imposition des sociétés, quatre mesures, totalisant 1,2 milliards $, paraissent peu pertinentes à conserver. Pensons d’abord à l’inclusion partielle des gains en capitaux dans le calcul de l’impôt à payer. Comme pour les particuliers, les sociétés réalisant un gain en capital n’ont qu’à payer de l’impôt sur 50 % de ce gain, laissant l’autre 50 % totalement libre de toute forme d’imposition (contrairement aux revenus des salarié-es qui eux voient 100% de leurs revenus soumis au régime d’imposition). Ce type de crédits d’impôt vise en théorie à favoriser l’investissement, mais a pour effet concret de stimuler l’économie financière au détriment de l’économie réelle en plus de priver l’État de 415 millions $ par année.

Une seconde mesure à abolir serait la possibilité pour les entreprises de reporter leurs pertes (à l’exception des entreprises agricoles et de pêche) afin de renflouer les coffres publics de 568 millions $. Concrètement, ce type de dépenses fiscales permet à une entreprise de reporter ses pertes d’une année précédente sur sa déclaration de revenus une fois que ses activités sont rentables, plaçant ainsi des profits à l’abri de l’impôt. Ainsi, certaines entreprises ne paient pas d’impôt lorsqu’elles traversent des périodes difficiles, proposition avec laquelle on peut être tout à fait en accord, et parviennent par ailleurs à échapper au fisc une fois la rentabilité au rendez-vous.

Deux autres mesures, les congés fiscaux offerts aux entreprises (88 millions $) et le crédit d’impôt relatif aux ressources (150 millions $), sont également critiquables. La première parce qu’elle permet, comme la mesure de report d’impôt, à des entreprises de se désister de leur responsabilité sociale sans pour autant générer des retombées en matière d’activité économique ou d’emplois; et la seconde parce qu’elle est essentiellement pensée pour être à l’avantage des entreprises œuvrant dans le domaine de l’extraction de ressources naturelles, entreprises qui, rappelons-le, jouissent d’un régime de redevances des plus avantageux.

On le voit, le resserrement des dépenses n’est pas quelque chose à penser à sens unique. Avant de simplement sabrer dans les dépenses directement utiles à la population, il convient peut-être de revoir d’autres types de dépenses qui, elles, priorisent indûment les entreprises au détriment des citoyens-nes.

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