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Dix propositions pour mieux vivre sans croissance (2e partie)

23 mai 2013


Dans notre premier billet nous nous sommes attardés aux 5 propositions d’un dossier intitulé Vivre mieux sans croissance du magazine français Alternatives économiques afin de diminuer les dépenses individuelles de manière à défavoriser la recherche de l’accumulation monétaire.  Nous poursuivons cette série en présentant les 5 autres propositions du mensuel français tout en les adaptant à la situation québécoise.

6.  Consommer mieux

Afin de réduire les coûts de consommation tout en assurant une amélioration de la qualité des aliments Alternatives économiques propose de diminuer les intermédiaires entre les clients-es et les producteurs-trices d’aliments locaux. Il s’agit donc de favoriser l’instauration de marchés publics ou de paniers bio (agriculture soutenue par la communauté) sur une large échelle. Ajoutons le jardinage collectif, qui permet une augmentation de l’autonomie alimentaire individuelle face à l’hypermarchandisation de la nourriture.

Cependant, la vie demande une consommation qui est plus large que l’alimentation. Une part majeure des revenus est injectée dans l’achat d’une myriade d’objets couteux ou non qui ont une durée de vie insignifiante. Les pouvoirs publics possèdent aussi un des leviers d’intervention. Alternatives économiques propose l’imposition de garanties plus longues (5 à 10 ans) pour les produits ayant des prix de vente élevés. Cette proposition simple nous apparaît comme la meilleure source de protection contre les tactiques d’obsolescence programmée de plus en plus répandue. L’idée est si bonne qu’il est étonnant qu’elle n’ait pas été mise davantage de l’avant par le passé. 7.

7. Réduire le temps de travail

Afin de réduire les taux de chômage et stimuler la création d’emplois, l’Europe a fait plusieurs expériences. Au début des années 2000, l’Allemagne a diminué le salaire minimum pour permettre aux entreprises d’engager plus d’employés-es. Cela a eu pour résultante l’augmentation du nombre de working poor au pays. Les Pays-Bas, quant à eux, ont favorisé le développement de l’emploi à temps partiel. En pratique, cette politique a créé des inégalités homme/femme importante alors que les femmes sont confinées aux emplois à temps partiel et les hommes, eux, bénéficient des emplois stables. La France, quant à elle, a proposé la semaine de 35 heures entre 1998 et 2002 de sorte à partager le travail. Selon Alternatives économiques, cette solution a permis de créer 2 millions d’emplois entre 1998 et 2001 tout en augmentant la masse salariale globale de 20 % sans diminuer le profit des entreprises. Toutefois, ce modèle a créé beaucoup de mécontentement lié à la diminution de revenus des employés-es qui ont dû diminuer leur temps de travail de 40 heures à 35 heures.

Afin d’éviter ce type de problème, il est proposé de changer l’échelle du temps en instaurant une réduction du temps de travail de 10%  non pas sur la semaine, mais plutôt sur les années. Ainsi,  pour chaque 5 années de travail un-e employé-e bénéficierait de 6 mois de congé sabbatique.

Cette proposition a pour avantage de mieux répondre aux aspirations des travailleurs-euses qui sont plus désireux de voyager ou de prendre un peu de repos, alors que l’horizon de la retraite recule notamment au Canada.

On peut aussi se demander, à l’instar d’André Gorz : Pourquoi choisir? Pourquoi ne pas établir une réduction de 10% du temps de travail pour tout le monde et laisser entreprises et travailleurs-ses s’organiser pour la mettre en place en fonction de leur besoins et leurs capacités? Si c’est à la semaine, au mois ou à l’année, quelle importance?

8. Combattre les inégalités par le bas

Afin de diminuer les écarts entre les plus riches et les plus pauvres, Alternatives économiques propose d’utiliser la fiscalité pour imposer les plus riches et directement améliorer le sort des moins nantis. Si l’idée n’est pas neuve, au Québec, elle semble difficile à mettre en place, comme nous l’a montré le gouvernement du Québec cet automne. En fait, les données récemment révélées par Statistiques Canada montrent bien que le 1% des contribuables ayant les plus hauts revenus font de plus en plus d’argent et paient une part de moins en moins grande d’impôts.

Alternatives économiques se demande s’il ne faut pas d’abord intervenir au bas de l’échelle sociale. Nous avons montré récemment qu’au Québec le peu de générosité en matière d’aide sociale bloquait les moyens de s’en sortir à ceux et celles qui en devenaient prestataires. Mais par où commencer? Faut-il se concentrer sur l’aide sociale, faut-il aller plus loin? Dans une brochure récente, notre collègue Eve-Lyne Couturier étudiait la question du revenu minimum garanti qui aurait l’avantage de toucher toutes les personnes qui ont des revenus trop bas pour vivre décemment.

9. Stopper l’évasion fiscale

Dans un contexte de diminution des revenus, on ne peut se permettre de laisser les revenus de ceux et celles qui ont le plus de moyens s’esquiver vers l’étranger. Comme nous l’a montré une récente collaboration entre grands médias mondiaux, les paradis fiscaux sont un élément central de l’économie mondiale actuelle.

Selon Revenu Québec, à cause de l’évasion fiscale, le Québec se prive de 3,5 G$ annuellement, une somme importante considérant son budget. Malgré des efforts croissants mis en place autant par Québec que par Ottawa, il est toujours troublant de voir que la priorité semble être mise à épingler les contrebandiers de tabac et les petits restaurateurs. Tout le monde doit payer ses impôts, bien sûr, mais à se concentrer sur les petits poissons, le gouvernement du Québec ne laisse-t-il pas les gros passer?

10. Contrôler les dépenses publiques

Comme on le soulignait pour le secteur de la santé dans le billet précédent, si les revenus stagnent, les dépenses publiques ne pourront croître trop rapidement. Alternatives économiques est bien loin d’être une revue qui fait la promotion de l’austérité budgétaire, mais cela ne veut pas dire que certains postes de dépenses du gouvernement ne doivent pas être revus.

Au Québec, la mise en place des politiques inspirées de la nouvelle gestion publique amène une croissance importante des structures de surveillance et de production d’indices. Alors que l’on gèle les embauches de gens qui offrent les services, on emploie davantage de cadres pour mesurer ce qu’ils font. Voilà ce que donne l’obsession de la gestion qui fait oublier les missions premières des services publics tout en augmentant les dépenses.

Alternatives économiques aborde la question des dépenses françaises en matière de défense nationale. Au Canada la question se pose aussi. L’intervention militaire à l’étranger est-il la priorité? Devant une perspective de décroissance et de stagnation, investir dans les engins guerriers coûteux devient encore moins défendable qu’en temps de croissance. Quand ces investissements trainent avec eux une aura de scandale et de gaspillage, ils deviennent carrément indécents.

Conclusion

Bref, les idées ne manquent pas pour penser en dehors de la croissance. Évidemment, il s’agit en bonne partie de pistes de recherche qui n’ont pas été encore explorées et que nous gagnerions à mieux découvrir. Ce dont nous dote cette perspective de plus important est de commencer à penser sans la croissance, d’enlever ce vieux réflexe, dans la conception et l’évaluation de nos politiques publiques, de la croissance continue des revenus. Plus facile à dire qu’à faire, mais en commençant maintenant on pourrait prendre l’habitude.

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