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Spirale salaires-inflation : mythe ou réalité?

1 juin 2023

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43min


À la suite de la récente poussée inflationniste, les banques centrales à travers le monde sont intervenues de manière draconienne en augmentant à plusieurs reprises leur taux directeur. Ainsi, l’objectif de réduire rapidement l’inflation s’est imposé comme la priorité absolue, notamment au Canada. Bien qu’une telle stratégie puisse limiter l’inflation future, la hausse des taux d’intérêt opérée par la Banque de Canada depuis mars 2022 n’a pas permis aux ménages de regagner le pouvoir d’achat qu’ils ont perdu depuis le début de la pandémie étant donné que les prix ont continué d’augmenter davantage que leurs revenus. Le refus d’octroyer des hausses de salaire conséquentes aux travailleuses et aux travailleurs est justifié par la crainte qu’une « spirale salaires-inflation » n’entretienne la hausse des prix. Dans cette note, nous présentons une analyse qui, de concert avec des études empiriques internationales récentes, démontre que ce concept a peu d’ancrage dans la réalité. Nous montrons au contraire qu’une hausse généralisée des salaires au Québec aurait pour effet d’augmenter le pouvoir d’achat des ménages sans alimenter de manière significative l’’inflation.

Contexte : une poussée inflationniste brève, mais intense

La reprise économique à la suite des confinements imposés par la pandémie de COVID-19 et de l’invasion d’une partie de l’Ukraine par la Russie a provoqué un épisode d’accélération intense de l’inflation, au Québec comme ailleurs dans le monde. Avec une inflation moyenne annuelle de 6,7 %, l’année 2022 a affiché la plus forte inflation enregistrée depuis 1991. Avec les prix du pétrole et des matières premières qui diminuent ou se stabilisent et la résorption des goulots d’étranglement dans la chaîne de production mondiale, des signes de retour à une inflation plus soutenable se font déjà voir. En effet, si le taux d’inflation annuel observé entre mars 2022 et mars 2023 est descendu à 4,7 %, on constate au graphique 1 que l’inflation mesurée sur une période plus courte indique un ralentissement encore plus important depuis septembre 2022.

Malgré l’éclaircie à l’horizon, la forte inflation que l’on connaît depuis l’été 2021 est certainement un problème pour les ménages québécois, pour une raison bien simple : le revenu de ces ménages n’a pas suivi le rythme d’augmentation des prix des biens et des services. Ils ont donc perdu en pouvoir d’achat. Le problème ne provient pas tant d’une inflation élevée, mais du fait qu’elle n’est pas accompagnée de revenus qui augmentent à un rythme équivalent1. Si c’était le cas, cela signifierait, dans les faits, un maintien du pouvoir d’achat et une annulation presque complète des impacts de la forte inflation pour l’ensemble des ménages québécois.

En situation d’inflation élevée, deux réactions s’observent. D’une part, plusieurs chercheront à lutter contre les conséquences de l’inflation. Ainsi, les ménages tenteront de protéger leur pouvoir d’achat en négociant des augmentations de revenus plus importantes ou en cherchant des emplois plus payants. D’autre part, différents acteurs économiques chercheront à lutter contre cette inflation élevée en tentant de ralentir les hausses de prix futures. Ainsi les gouvernements ont confié aux banques centrales la mission de freiner l’inflation afin de limiter l’augmentation des prix.

Ces deux objectifs légitimes sont souvent présentés comme contradictoires. En effet, à l’aide du concept de spirale salaires-inflation, plusieurs analystes – et, au premier chef, les porte-parole de la Banque du Canada – laissent entendre qu’un rattrapage du salaire réel aurait pour conséquence de nourrir l’inflation et de compliquer le retour à la cible de 2 %2. Ce concept viendrait aussi justifier la priorisation de la lutte contre l’inflation. Comme les augmentations de salaire provoqueraient par la suite une hausse des prix équivalente ou supérieure, tout gain de pouvoir d’achat serait systématiquement annulé.

À la suite du récent épisode d’accélération rapide de l’inflation, le débat entre les deux options n’a pas duré longtemps. La Banque du Canada, avec l’approbation d’une majorité d’analystes, a rapidement réagi en haussant son taux directeur et en imposant ainsi, sans appel, la lutte contre l’inflation comme priorité absolue.

Le choix entre les deux voies méritait pourtant qu’on en débatte. D’abord parce que, comme nous le verrons, la méthode de lutte contre l’inflation comporte des coûts économiques et sociaux importants. Ensuite parce que les coûts et bénéfices de l’inflation élevée ou de la lutte contre cette inflation varient grandement selon les agents économiques.

Dans la présente note, nous discuterons des enjeux reliés au choix entre une stratégie de protection du pouvoir d’achat et une stratégie de lutte contre l’inflation. D’abord, nous nous questionnerons sur la pertinence de l’intervention de la Banque du Canada dans le contexte économique actuel. Ensuite, nous examinerons les effets différenciés de l’inflation et de la stratégie anti-inflationniste de la Banque du Canada sur différents acteurs économiques.

Afin de démontrer la légitimité de l’objectif de protection du pouvoir d’achat, nous approfondirons l’analyse de la spirale salaires-inflation afin de déterminer si elle est un phénomène réel ou simplement une stratégie rhétorique. Après avoir présenté une revue de récentes études sur la question, nous utiliserons une méthodologie reconnue (modèle SVAR) afin de tester statistiquement l’impact potentiel d’un choc des salaires sur les niveaux d’inflation. Nous constaterons qu’à l’instar des autres études, notre analyse à partir des données québécoises démontre qu’il est très peu probable que les hausses de salaire au Québec en 2023 engendrent une quelconque spirale salaires-inflation. En conclusion, nous formulerons quelques propositions d’amélioration du mandat de la Banque du Canada et d’élargissement des interventions publiques contre l’inflation et ses effets.

Banque du Canada : une lutte contre l’inflation au prix d’un ralentissement économique

La Banque du Canada est la principale institution impliquée dans la lutte contre l’inflation. Cette banque centrale est une institution financière publique, créée par le gouvernement fédéral en 1935, qui a pour mandat général de « favoriser la prospérité économique et financière du Canada ». Elle a quatre grandes fonctions :

  • Politique monétaire : le cadre de la politique monétaire de la Banque vise à maintenir l’inflation à un niveau bas, stable et prévisible.
  • Système financier : la Banque s’emploie à promouvoir la fiabilité, la solidité et l’efficience des systèmes financiers au Canada et à l’échelle internationale.
  • Monnaie : la Banque conçoit, émet et distribue les billets de banque canadiens.
  • Gestion financière : la Banque est l’agent financier du gouvernement canadien et, à ce titre, elle gère la dette publique et les réserves de change3.

C’est la première de ces quatre grandes fonctions qui nous préoccupe ici. La lutte contre l’inflation que mène la Banque du Canada vise à atteindre une cible d’inflation de 2 %, au centre d’une fourchette de 1 à 3 %. La Banque dispose de peu de moyens pour influencer directement le cours de l’inflation. En effet, son principal outil est le taux directeur, c’est-à-dire le taux d’intérêt de base auquel les banques privées canadiennes empruntent des sommes à la Banque du Canada. La fixation du taux directeur à un niveau quelconque se répercute ensuite sur le coût des emprunts que font les particuliers et les entreprises auprès de ces banques privées.

Lorsque le taux directeur est haussé et que le coût des emprunts augmente, cela vient ralentir la croissance économique de différentes manières. Premièrement, les entreprises sont moins enclines à emprunter pour financer des investissements, ce qui limite la demande intérieure, réduit le nombre d’emplois offerts sur le marché du travail et exerce une pression à la baisse sur les salaires offerts par les entreprises. Dans un deuxième temps, les individus réduisent leur consommation, soit parce qu’ils ont perdu leur emploi, soit parce qu’ils doivent consacrer une plus grande part de leurs revenus aux frais d’intérêt de leurs différentes dettes. Cette diminution de la demande en biens et services de la part des entreprises et des particuliers limite les hausses de prix futures.

D’où vient le concept de spirale salaires-inflation ?

Le concept de spirale salaires-inflation peut sembler aller de soi étant donné l’image forte qu’il évoque. En voici une définition4:

Face à un choc inflationniste, les travailleuses et travailleurs voudront augmenter leur salaire afin de préserver ou d’augmenter leur pouvoir d’achat réel.

De leur côté, les entreprises voudront préserver ou augmenter leur marge bénéficiaire et transmettront donc les augmentations de coûts des salaires aux consommateurs et consommatrices dans les prix finaux.

Les salaires et les prix s’ajusteront les uns aux autres selon des intervalles plus ou moins longs. Ainsi, l’augmentation passée d’un prix ou d’un salaire viendra influencer à rebours l’augmentation de l’autre, prolongeant ainsi la période d’inflation élevée.

Dans le contexte de la présente période inflationniste, plusieurs analystes insistent sur un effet de second souffle, lié à cette spirale salaires-inflation. Alors que l’explosion des coûts des intrants a provoqué une première poussée inflationniste, le rattrapage à la hausse des salaires pourrait provoquer une deuxième poussée sur les prix et prolonger, voire accélérer l’inflation5. L’effet de l’augmentation des salaires sur l’inflation s’expliquerait aussi par son impact sur la demande en biens et services6. En effet, comme le pouvoir d’achat des ménages est maintenu grâce aux augmentations de salaire, la forte demande pour les produits et services demeure et, conséquemment, pour un niveau de productivité équivalent, les pressions à la hausse sur le niveau des prix sont maintenues dans le temps.

Si la hausse du taux directeur fait mal à l’économie à court terme, l’espoir de la Banque du Canada est d’éviter des dérèglements plus importants qui seraient causés par une inflation hors de contrôle et enracinée dans la structure de l’économie. Cependant, la détérioration de l’économie n’est pas qu’un effet secondaire du remède ; il s’agit en fait du principal moyen employé par la Banque pour atteindre son objectif de stabilisation des prix. Tiff Macklem, gouverneur de la Banque du Canada, déclarait au Forum des politiques publiques de Toronto le 11 novembre 2022 :

Un ralentissement de la croissance économique entraînera probablement une hausse du chômage. Nous savons qu’il y a un coût humain associé aux pertes d’emplois. […] De toute évidence, un tel ajustement ne se fera pas sans peine7.

En avril, la Banque du Canada jugeait que le marché du travail était « encore au-dessus du niveau d’emploi durable maximal ». Selon ses analyses, la fourchette du taux de chômage cible « non inflationniste » se situe entre 5,8 et 7,5 %8. Pour passer du taux de chômage de la période (5 %) à la borne inférieure de la cible (5,8 %), il serait donc nécessaire d’ajouter quelque 85 000 chômeurs et chômeuses à travers le Canada.

Les causes de l’inflation actuelle

Nous verrons plus bas que les hausses de salaire ne peuvent pas être tenues responsables de la forte inflation que l’on connaît depuis l’été 2021. En effet, cette inflation élevée a plusieurs causes :

  • La modification des habitudes de consommation : la pandémie de COVID-19 et ses différents confinements ont modifié les comportements et les habitudes des consommateurs et consommatrices, qui ont notamment investi davantage dans leur espace domestique9.
  • La forte reprise post-COVID à plusieurs endroits dans le monde : l’épargne accumulée par les ménages durant la pandémie combinée à la réouverture de plusieurs commerces de façon simultanée a créé beaucoup de pression sur les entreprises, ce qui a contribué à maintenir le niveau élevé des prix, plus particulièrement lors de l’année 202110.
  • La perturbation des chaînes d’approvisionnement : les différents confinements ont non seulement affecté la demande pour certains biens et services, mais ils ont également perturbé les capacités de production industrielle à travers le monde, ce qui a provoqué différentes pénuries qui se font toujours sentir à ce jour, notamment dans les secteurs de l’automobile et des circuits électroniques11.
  • La guerre en Ukraine : l’invasion de l’Ukraine par la Russie a ébranlé le marché mondial du pétrole, qui a vu son prix exploser, ce qui a eu des répercussions importantes sur les coûts de production et de transport dans l’ensemble des économies. Rappelons que cette augmentation des prix de l’énergie est responsable à elle seule de 52 % de la surinflation observée entre mars 2020 et août 202212.
  • Les surprofits : différents facteurs ont contribué à l’augmentation du taux de profit des entreprises au pays depuis deux ans, ce qui est illustré au graphique 2. Selon une analyse du personnel de la Banque du Canada, les deux principaux facteurs expliquant ce phénomène sont 1) la faible compétition dans la plupart des grands secteurs de l’économie les plus touchés par l’inflation, comme ceux de l’alimentation et de l’énergie, et 2) un climat de normalisation des hausses de prix, qui incite les compagnies à augmenter leurs prix au-delà de l’augmentation de leurs coûts de production13.
  • Les changements climatiques : selon les résultats d’une étude publiée en 2021 dans la revue Climatic Change, les hausses historiques de température ont contribué à l’inflation de manière significative dans 107 pays (dont 27 pays développés) entre 1961 et 2014. Les effets des hausses de température sur le niveau des prix tendent d’ailleurs à persister dans le temps, particulièrement pour les pays en développement. Comme la température moyenne mondiale a continué sa tendance à la hausse après 2014, il serait faux de croire que les changements climatiques n’ont aucun rôle à jouer dans les récentes poussées inflationnistes observées un peu partout dans le monde14.

Une intervention contre-productive ?

Face à la surchauffe de l’inflation, la Banque du Canada est intervenue agressivement. Entre le mois de mars 2022 et le mois de janvier 2023, elle a augmenté son taux directeur à 8 reprises, pour l’amener à son taux actuel de 4,5 %, soit le taux le plus élevé depuis la période qui a précédé la Grande Récession de 2008-2009 (voir graphique 3). L’analyse de la Banque du Canada est que l’économie canadienne est actuellement en surchauffe, y compris sur le marché de l’emploi, et doit donc être ralentie par des augmentations de son taux directeur afin de limiter la pression sur les prix.

L’augmentation des taux d’intérêt et le ralentissement de l’économie ne viendront malheureusement pas régler une majorité des phénomènes à l’origine de la poussée inflationniste actuelle, qui ont été exposés dans l’encadré ci-dessus. Si l’augmentation des coûts d’emprunt peut limiter, jusqu’à un certain point, la demande intérieure en biens et services, elle n’a aucun impact sur les principales causes inflationnistes, comme l’invasion russe de l’Ukraine et la présence de goulots d’étranglement dans les chaînes d’approvisionnement mondiales.

La Banque du Canada justifie son action agressive sur l’économie en disant souhaiter éviter que l’inflation récente, qui se concentrait jusqu’à maintenant sur les prix des biens de consommation, ne se répande au secteur des services. Cela justifierait sa volonté de continuer à limiter la demande intérieure et aussi de réduire les pressions à la hausse sur les salaires.

Paradoxalement, l’action de la Banque du Canada contribue à créer de l’inflation du côté des services. En effet, l’indice des prix à la consommation pour le Canada a augmenté de 4,3 % en mars 2023 sur une base annuelle, mais 0,7 point de pourcentage de ce 4,3 % correspond au coût de l’intérêt hypothécaire15. C’est donc dire que près de 16 % de l’inflation annuelle au mois de mars 2023 était directement liée aux efforts pour combattre l’inflation.

Le graphique 4 met en évidence les composantes du panier de consommation qui ont contribué à la « surinflation » depuis la pandémie16. On voit que le poids du prix des biens et services dans l’inflation annuelle se résorbe progressivement depuis juin 2022. Au même moment, le taux d’intérêt directeur était de 1,5 %, bien en deçà du 4,5 % observé depuis janvier 2023. Si la hausse de 3 points de pourcentage opérée entre juin 2022 et janvier 2023 a pu contribuer à la stabilisation des prix des biens et services, elle a toutefois également contribué de façon importante à l’inflation globale par l’entremise du coût de l’intérêt hypothécaire.

Par conséquent, il est tout à fait légitime de se demander si les récentes hausses de taux directeur étaient inutiles, voire contre-productive en vertu de l’objectif de stabilisation des prix. Répondre à cette question n’est pas simple : seule une analyse contrefactuelle de ce qui aurait pu être observé n’eût été les hausses successives du taux directeur entre juin 2022 et janvier 2023 peut le faire. En effet, le taux d’inflation global aurait très bien pu suivre une trajectoire semblable à ce qui est présenté au graphique 4 tout en maintenant le taux directeur à 1,5 % après juin 2022. À notre connaissance, une telle analyse contrefactuelle n’a pas été rendue publique par la Banque du Canada.

D’un autre côté, le risque que de telles hausses du taux directeur provoquent un important et long ralentissement économique plaide en faveur d’un changement d’approche de la part de la banque centrale. D’autant plus que, comme nous l’exposerons dans la prochaine section, les actions de cette dernière n’ont pas les mêmes effets pour tous les acteurs économiques.

Comment l’inflation élevée et la lutte contre l’inflation affectent-elles différents acteurs économiques ?

Tant une forte inflation qu’un ralentissement économique peuvent avoir des effets négatifs sur l’économie et la population. Pour ces deux maux, la balance des coûts et des bénéfices diffère grandement d’un acteur économique à l’autre. Le tableau 1 schématise ces impacts pour différents groupes. Le jugement global émis sur les deux situations économiques se complique considérablement du fait qu’une majorité d’acteurs occupent plusieurs rôles à la fois. Par exemple, bon nombre de salarié·e·s entrevoient de prendre leur retraite dans les prochaines années, et une majorité de débiteurs sont aussi détenteurs d’actifs physiques ou financiers.

Tableau 1
Impacts d’une inflation élevée et de la lutte contre l’inflation pour différents acteurs économiques

Personne concernée

Condition

Hausse de l’inflation

Hausse du taux directeur (en réponse à l’inflation)

Salarié·e

Emplois précaires

  • Le ralentissement économique peut les pousser au chômage ou vers des emplois de plus faible qualité.

Ensemble des employé·e·s

À condition d’avoir la capacité d’ajuster son salaire au niveau de l’inflation. Cette capacité dépend :

  • de la demande sur le marché du travail (+)
  • du rapport de force (+)
  • de la durée de la convention collective et du moment de son adoption (+ ou -)
  • des politiques publiques (+ ou -).
  • Le ralentissement économique vient limiter la capacité de négocier des augmentations de salaire et d’améliorer leurs conditions de travail.

Bénéficiaire de l’assistance sociale

Bien que les prestations d’assistance sociale soient ajustées à l’inflation chaque année :

  • le taux d’inflation générale sous-estime l’augmentation du coût de la vie des personnes bénéficiaires, qui consacrent une part plus importante de leur budget aux produits de base (logement, alimentation et transport) ;
  • l’ajustement se fait a posteriori, une fois par année ; les prestataires doivent donc absorber la hausse graduelle du coût de la vie pendant ce temps.
  • La dégradation du marché du travail vient limiter les chances de trouver un emploi et augmente les risques de perdre un emploi, réduisant ainsi le revenu global et augmentant le nombre de prestataires.

Retraité·e

  • Si les rentes de retraite publiques sont ajustées à l’inflation, les régimes complémentaires sont rarement ajustés complètement à l’inflation.
  • Le taux d’intérêt n’a pas d’incidence directe sur la valeur de la rente.
  • Les personnes détentrices de REER bénéficient de taux d’intérêt plus élevés.

Débiteur (qui emprunte de l’argent)

Taux d’intérêt fixe

  • Plus l’inflation est forte, plus le taux d’intérêt réel contracté est bas.
  • Une inflation forte fait diminuer la valeur réelle du montant de la dette.
  • L’augmentation du taux directeur aura un impact, uniquement lors du renouvellement du prêt.

Taux d’intérêt variable

  • Dépend de la capacité du créancier d’ajuster le taux d’intérêt afin de préserver son rendement réel.
  • Diminue la valeur du montant réel de la dette.
  • L’augmentation du taux directeur entraîne directement une hausse des taux d’intérêt.
  • Le paiement de la dette peut devenir insoutenable, imposer des sacrifices ou provoquer des faillites.
  • Pour un paiement fixe, la part d’intérêts payés augmente alors que le remboursement du capital diminue.

Créditeur (qui prête de l’argent)

Taux d’intérêt fixe

  • Réduit le taux de rendement réel.

Taux d’intérêt variable

  • Dépend de la capacité d’ajuster le taux afin de
    maintenir le taux d’intérêt réel.
  • L’augmentation du taux directeur permet une augmentation coordonnée des taux d’intérêt nominaux.
  • Augmente les risques de défaut de paiement ;
  • Réduit le nombre de demandes de prêt.

Détenteur d’actifs
physiques

  • De manière générale, la valeur des actifs physiques (immobilier, terrains, collection d’art, etc.) évolue parallèlement et souvent plus rapidement que l’inflation.
  • Le niveau des rentes (loyers) tirées de ces actifs suit aussi l’inflation.
  • Le taux d’intérêt élevé pousse à la baisse les prix de revente des actifs.
  • Augmente les risques de défaut de paiement des loyers.

Gouvernement

  • Les revenus progressent parallèlement à l’inflation sans intervention.
  • Le poids de la dette réelle diminue.
  • Le ralentissement économique provoqué par la hausse des taux vient réduire les revenus et augmenter les dépenses de transferts.
  • La hausse du taux directeur vient augmenter le coût du service de la dette.
  • Certaines dépenses augmentent sans contrôle ;
    d’autres augmentent selon les choix politiques.
  • Vient réduire la pression sur l’augmentation des salaires versés.

Sources : Pierre-Antoine HARVEY et Minh NGUYEN, L’inégalité face à l’inflation, Note socioéconomique, IRIS, juin 2020, 16 p. ; COLLECTIF POUR UN QUÉBEC SANS PAUVRETÉ, Assistance sociale: sur les avantages d’une indexation trimestrielle, 11 mai 2022, 5 p.; Eve-Lyne COUTURIER, Guillaume HÉBERT et Pierre TIRCHER, Constats et solutions pour un meilleur système de retraite, Étude, IRIS, avril 2023, 68 p.

On constate que la politique monétaire de la Banque du Canada n’est pas neutre : elle crée des perdants et des gagnants. Pour ce qui est des salarié·e·s – qui constituent le groupe économique le plus nombreux –, ils et elles ne sont pas réellement menacé·e·s par l’inflation en soi, mais plutôt par la diminution de leur pouvoir d’achat qui survient lorsque les revenus ne suivent pas le rythme de la hausse des prix. En choisissant d’augmenter les taux d’intérêt afin de provoquer un ralentissement économique (et du chômage), la Banque du Canada demande aux travailleurs et aux travailleuses d’absorber les coûts de la lutte contre l’inflation. Quant aux créanciers, ils profitent directement de la hausse des taux d’intérêt, car cela permet de rétablir un taux d’intérêt réel positif (voir graphique 5)17 et de protéger la valeur future de leurs avoirs.

À l’inverse, une stratégie qui tolère une inflation modérément élevée compensée par une augmentation des revenus équivalente n’a que peu d’impact sur les personnes salariées ou retraitées et sur les bénéficiaires de prestations sociales. Dans ce cas-ci, ce sont les détenteurs de grandes fortunes et les créanciers qui seraient pénalisés par une inflation plus élevée. En effet, dans un tel contexte, la valeur relative et le rendement réel des actifs et des créances qu’ils détiennent diminueraient. En provoquant une hausse des taux d’intérêt, la Banque du Canada entraîne l’augmentation des taux d’intérêt réel, protégeant ainsi la valeur des créances.

L’objectif des travailleuses et travailleurs de protéger leur pouvoir d’achat est-il atteint ?

En réaction à l’inflation, qu’elle soit forte ou faible, les travailleuses et travailleurs ont historiquement tenté d’obtenir des augmentations de revenus qui permettaient minimalement de protéger leur pouvoir d’achat. La présente section nous permettra de faire un bilan sur l’atteinte de cet objectif par les salarié·e·s de différents secteurs d’emploi au Québec.

Lorsqu’on observe la croissance des salaires des travailleuses et travailleurs sur une longue période, on constate que la présence d’une forte ou d’une faible inflation n’a que peu d’influence sur leur capacité à augmenter leur pouvoir d’achat. On remarque toutefois un contraste entre la période d’après-guerre (décennies 1940, 1950 et 1960) et les périodes suivantes. La stabilisation de l’inflation autour de la cible de 2 % depuis le milieu des années 1990 ne semble pas avoir permis une relance notable de la croissance salariale. Les gains de pouvoir d’achat lors de la stagflation des années 1970 s’élèvent même au-dessus des gains constatés dans les années 1990, 2000 et depuis 2010. On en déduit que les gains de productivité et le rapport de force des travailleurs et travailleuses sont plus déterminants dans l’augmentation du pouvoir d’achat des salarié·e·s que ne l’est le contrôle de l’inflation18.

L’accélération récente de la croissance du salaire moyen au Québec

L’évolution récente du salaire moyen au Québec offre un portrait un peu plus positif. Depuis les années 2000, on constate une croissance constante du pouvoir d’achat des travailleuses et des travailleurs. La valeur réelle du salaire horaire moyen au Québec a crû d’environ 31 % entre 2000 et 2022, soit à raison d’environ 0,25 $ par année en dollars constants. Cette évolution est présentée dans le graphique 7, ce qui nous permet de constater aussi l’effet de la pandémie et de l’inflation post-pandémie sur les salaires dès le mois d’avril 2020.

La hausse constante du salaire horaire moyen réel observée depuis le début des années 2000 s’explique en partie par des modifications structurelles de la composition du bassin d’emploi sur lequel celui-ci est mesuré. En effet, sur toute la période observée, on constate une transformation importante du marché du travail qui s’explique par une création plus forte d’emplois professionnels bien payés (gestion des affaires et finances, professionnel·le·s en science ou en droit et services juridiques, etc.) et une réduction importante d’emplois cléricaux ou manufacturiers non spécialisés moins bien rémunérés (soutien de bureau, soutien à la gestion, service client, manœuvre, opérateur ou opératrice de machinerie). On voit au tableau 2 que la part occupée par le groupe des professions rémunérées à moins de 25 $/heure dans le marché du travail a diminué de 10 % alors que celle occupée par les emplois payés plus de 35 $ a crû de 6 %. D’autres facteurs comme la présence accrue des femmes sur le marché du travail, le vieillissement de la main-d’œuvre, des changements de types de contrat (temps partiel, travailleurs et travailleuses autonomes, etc.) ou un emploi plus concentré dans les grandes entreprises ont modifié la structure du marché du travail, mais ont eu peu d’impact sur les salaires19.

Lorsqu’on isole dans le temps les modifications de structure, on constate que l’augmentation du salaire moyen est légèrement plus basse. En effet, si le salaire horaire moyen nominal a augmenté d’environ 92 % (de 16,09 $/heure en 2000 à 30,95 $/heure en 2022), le salaire moyen à composition stable a crû de 83 %. Ce sont donc 9 points de pourcentage de la croissance du salaire moyen qui s’expliquent par les transformations de la composition professionnelle du marché du travail dans les deux dernières années. Comme il tient compte de la structure du marché du travail, le salaire moyen à composition stable est plus représentatif de l’évolution des salaires pour des emplois comparables.

On voit au graphique 8 que l’écart dû à la composition professionnelle s’est accentué à partir de 2015 pour atteindre un sommet en plein cœur de la pandémie, alors que bon nombre d’emplois à bas salaire avaient été supprimés. En fait, le tiers de l’écart s’est constitué dans les premiers mois de 2020. Il est toutefois surprenant de constater que cette nouvelle composition professionnelle du marché du travail semble s’être maintenue malgré la réouverture de l’ensemble des secteurs.

En prenant en compte à la fois cet effet de composition professionnelle et l’inflation sur toute la période, nous constatons que l’évolution du salaire réel des travailleuses et des travailleurs pour la période entre 2000 et 2022 est de 24 %.

Évolution des salaires pour différents types d’emplois

Bien que le salaire moyen soit utile pour mesurer l’enrichissement général de l’ensemble des travailleuses et des travailleurs, il incorpore beaucoup trop de phénomènes liés aux transformations du marché du travail pour être indicatif de la progression des taux de salaires des individus. Pour y arriver, nous proposons d’évaluer la croissance des échelles salariales de quelques corps d’emploi représentatifs de différents secteurs. Nous nous attarderons à l’évolution du taux de salaire minimum général, à la progression des salaires négociés dans le secteur de la construction, à l’évolution des salaires convenus par les comités paritaires dans le secteur de l’entretien ménager20 et aux augmentations paramétriques du secteur public québécois. Ces exemples permettent de voir l’évolution dans un secteur privé et syndiqué à prédominance masculine (la construction), un secteur privé réglementé à prédominance féminine (l’entretien ménager) et le secteur public. Cette façon de faire permet aussi de mettre en évidence les dynamiques des relations de travail propres à chaque secteur.

Afin de pouvoir évaluer l’évolution du pouvoir d’achat des différents secteurs, le graphique 9 montre la croissance des salaires une fois corrigés pour l’inflation. On constate d’abord qu’après avoir amélioré leur pouvoir d’achat de 17 % entre 2000 et 2022, les quelque 300 000 salarié·e·s du secteur de la construction devraient connaître un recul d’ici 2024 si les prédictions actuelles de l’inflation s’avèrent. La convention collective de ce secteur ayant été signée avant la poussée inflationniste (en 2021), cette dernière n’a pas été prévue dans les salaires négociés. Du côté de l’entretien ménager, on peut constater que le pouvoir d’achat des quelque 16 000 salarié·e·s du secteur s’est amélioré de 12 % entre 2000 et 2022. Le décret, convenu en 2020 pour cinq ans ne pouvait pas, lui non plus, prévoir la poussée inflationniste des années suivantes et on constate aussi une baisse potentielle du pouvoir d’achat des salarié·e·s du secteur.

Ces deux exemples témoignent bien de la capacité limitée des travailleurs et des travailleuses d’ajuster leurs salaires à des poussées inflationnistes imprévues. Il leur faudra attendre le renouvellement de leur contrat (respectivement en 2024 et en 2025) pour tenter de compenser la perte de pouvoir d’achat encourue dans le cadre de leur actuel contrat.

Voyons maintenant deux exemples qui témoignent de l’influence des décisions politiques sur l’évolution des salaires pour un grand nombre de salarié·e·s. Examinons d’abord le salaire minimum, qui touche directement quelque 161 000 personnes et qui influence l’évolution des salaires du bas de l’échelle. On constate au graphique 9 qu’après une période de gel au début des années 2000, il a été augmenté de manière importante, particulièrement depuis 2016. En 2023, le salaire minimum fournit un pouvoir d’achat 40 % plus élevé qu’en 2000.

Cette croissance importante s’explique sans doute par le changement de politique du gouvernement, en réponse à la fois au dynamisme de l’emploi dans les secteurs à bas salaires et aux pressions politiques des campagnes de mobilisation organisées par les syndicats et les groupes populaires. En effet, après une période de quasi-gel du salaire minimum au début des années 2000, le gouvernement a réinstauré son objectif de maintenir le salaire minimum autour de la cible maximale de 45 % du salaire moyen. En 2017, le gouvernement a annoncé relever cette cible à 50 %, donnant lieu à des ajustements plus rapides.

À l’opposé, l’évolution des paramètres salariaux négociés entre le gouvernement et les employé·e·s du secteur public révèle, au mieux, une stagnation du pouvoir d’achat. Entre 2000 et 2022, le pouvoir d’achat des employé·e·s de l’État aura diminué de 3 %. La convention signée en 2021, soit avant la poussée inflationniste, a entraîné en 2022 une légère diminution de leur pouvoir d’achat. Le renouvellement de la convention collective, prévu pour 2023, permettra-t-il de compenser la récente explosion du coût de la vie ? L’encadré 2 discute de cet enjeu.

La modération salariale comme choix politique

L’appel du gouverneur de la Banque du Canada à ne pas augmenter les salaires au niveau de l’inflation semble avoir été entendu par le gouvernement du Québec, puisque ses offres salariales aux quelque 600 000 employé·e·s dans les secteurs de l’éducation, de l’enseignement supérieur, de la santé et des services sociaux ainsi que de la fonction publique sont bien en deçà des taux d’inflation actuel et projeté. L’offre initiale du gouvernement pour les années 2023 à 2027 s’élevait à 9 % au total, alors que ses propres prévisions d’inflation s’élevaient à ١٦,٤ ٪. Nous voyons, au graphique 10, l’écart se creuser entre l’indice des prix à la consommation et le salaire des employé·e·s du secteur public québécois. Selon cette dernière projection, si les offres sur la table sont effectives, le salaire horaire réel des personnes concernées diminuera d’environ 10 % au terme de la prochaine convention collective, en 2027.

Qu’en est-il des PDG et des actionnaires ?

Afin de comparer la progression du pouvoir d’achat des travailleuses et des travailleurs à celle du pouvoir d’achat de leurs employeurs, nous avons tenté de trouver des indicateurs équivalents. Comme la rémunération des dirigeant·e·s d’entreprises évolue de façon particulière, notamment en raison de la place importante occupée par la rémunération variable et les options d’achat d’actions, nous tentons l’exercice à l’aide de deux indicateurs : la rémunération moyenne des 100 PDG canadiens les mieux payés et l’évolution des dividendes versés par les plus grandes entreprises cotées en Bourse. Le premier indicateur provient de la compilation faite par le Centre canadien de politiques alternatives (CCPA) depuis 2008. On constate au graphique 11, malgré une grande volatilité, que la valeur de cette rémunération moyenne a augmenté de plus de 40 % entre 2008 et la dernière année compilée (2021). Cela dépasse largement l’évolution du salaire moyen à composition stable (15 %). Rappelons que, selon l’étude du CCPA, en 2021, la rémunération moyenne des 100 PDG les mieux payés était de 14,3 millions de dollars par année.

L’indicateur sur les dividendes provient des données compilées par la firme-conseil Janus Hendersen21. Bien que les dividendes versés représentent la somme totale et non le montant versé par actionnaire, cet indicateur permet d’offrir un aperçu de la croissance importante de la valeur réelle de cette composante du revenu. Les données disponibles entre 2016 et 2022 montrent une croissance de 60 %, après correction pour l’inflation, des dividendes versés par les principales compagnies canadiennes. Ces généreux versements proviennent principalement des secteurs de l’énergie, des transports et des matières premières, qui, incidemment, sont parmi les secteurs qui ont connu la plus importante hausse de leurs profits22.

L’examen de la progression du pouvoir d’achat des salaires dans différents secteurs d’emploi laisse entrevoir une progression à vitesse variable. Si les différents types d’emplois ont connu un enrichissement plus ou moins modeste depuis le début du XXIe siècle (à l’exception notable des emplois dans le secteur public québécois), les dirigeant·e·s et les actionnaires d’entreprises semblent avoir accru leur pouvoir d’achat à un rythme accéléré.

La spirale salaires-inflation existe-t-elle ?

Peu de données probantes

La majorité des analystes conviennent que l’accélération de l’inflation que l’on a connue en 2021 et en 2022 ne s’explique pas par une accélération de la croissance salariale trop forte. La Banque du Canada reconnaît que les augmentations de salaire importantes viennent en fait généralement après la surchauffe des prix23, alors que, sur le plan mondial, le Fonds monétaire international (FMI) montre que les salaires n’arrivent pas à s’ajuster pleinement au rythme d’augmentation des prix24.

La crainte est toutefois qu’un second souffle d’inflation soit provoqué par un ajustement trop rapide des salaires à la hausse passée des prix. C’est cette crainte qui pousse le gouverneur de la Banque du Canada à décourager ouvertement des augmentations de salaire qui refléteraient la croissance des prix25. La Banque craint qu’une augmentation plus forte des salaires vienne consolider l’inflation dans le secteur des services ainsi que les attentes d’inflation élevée à moyen terme26.

L’examen de plusieurs études récentes nous permet de constater que ce phénomène a rarement été observé dans l’histoire économique. Une première étude du FMI démontre que très peu d’épisodes d’inflation sont provoqués ou prolongés par l’augmentation des salaires27. Sur les 79 épisodes d’accélération de l’inflation recensés, seules quelques exceptions ont connu une inflation élevée qui persistait au-delà de deux ans. Plusieurs épisodes ressemblent à celui que nous vivons actuellement : ils sont provoqués par un choc du prix des matières premières, dans un contexte où la demande de travail est forte et où les salaires nominaux augmentent. Parmi les 22 épisodes qui reflétaient cette situation, aucun n’a mené à une spirale salaires-inflation. Il a été observé, au contraire, que, parallèlement à la décélération graduelle de l’inflation, les salaires nominaux ont continué à augmenter, permettant ainsi de faire remonter graduellement le salaire réel. Les auteurs et autrices concluent qu’« une accélération des salaires nominaux ne devrait pas être perçue comme le signe qu’une spirale salaires-inflation s’installe28 ».

Deux études de chercheurs et chercheuses de la Banque du Canada viennent également remettre en doute le phénomène de spirale salaires-inflation. Une première constate que, dans les pays dont la politique monétaire est régie par une cible d’inflation, comme c’est le cas au Canada, l’inflation récente expérimentée par les acteurs économiques exerce une influence statistiquement faible sur l’inflation future29. Une deuxième analyse appuie ses résultats sur l’Enquête sur la perspective des entreprises, qui sonde une centaine de dirigeant·e·s d’entreprises chaque trimestre depuis 199830. Elle révèle que c’est l’évolution du coût des intrants qui détermine de manière primordiale l’ajustement des prix des entreprises. Cette influence a augmenté depuis la pandémie, mais l’effet historique des salaires sur le niveau total des prix reste très faible en moyenne, selon les résultats de cette étude31.

Pourtant, le concept de spirale salaires-inflation colle dans le discours économique, probablement en raison de sa simplicité. L’idée derrière cette spirale est qu’une augmentation de 5 % des salaires entraînerait une augmentation des coûts de production supérieure à 5 %, ce qui engendrerait une augmentation générale des prix sur le marché de plus de 5 % également. Or, il faut se rappeler que les salaires ne forment qu’une partie des coûts de production, qui incluent également toutes les dépenses en équipements, matériels, matières premières, les dépenses d’immobilier, d’énergie et d’intérêts ainsi que les profits. Nous pouvons observer au graphique 12 que, dans l’ensemble de l’économie canadienne, la rémunération représente environ 50 % du produit intérieur brut (PIB), en baisse par rapport aux 53 % qu’elle représentait dans les années 1970.

Ainsi, l’augmentation des salaires ne pourrait, logiquement, qu’être responsable de la moitié de l’augmentation des prix sur le long terme si tous les autres facteurs sont stables dans le temps.

Estimation de l’impact d’un choc structurel positif des salaires sur les prix

Afin de vérifier l’existence potentielle d’une réelle spirale salaires-inflation dans le contexte québécois, nous avons procédé à une analyse économétrique à partir des données d’enquête de Statistique Canada récoltées entre janvier 2001 et janvier 2023. Dans cette analyse, grâce à un modèle de type vecteur autorégressif structurel (SVAR)32, nous estimons les répercussions sur le niveau des prix d’un choc positif de 6,5 % sur la rémunération hebdomadaire réelle moyenne au Québec33. Le scénario que nous considérons en est un où l’effet d’un choc positif initial de 6,5 % sur la rémunération hebdomadaire nominale est obtenu. Afin de maintenir le pouvoir d’achat des ménages dans le temps, l’impact d’une nouvelle hausse de la rémunération hebdomadaire nominale est ensuite simulé afin de compenser la hausse du niveau des prix générée par le choc initial. Une telle procédure est répétée tous les trimestres pendant un an, soit de mai 2023 à mai 2024, considérant les ajustements effectués pour l’inflation générée par les hausses de salaire précédentes.

Notre modèle de type SVAR s’appuie sur deux variables mensuelles, soit la rémunération hebdomadaire moyenne et l’indice des prix à la consommation (IPC) d’ensemble au Québec. La description complète de la méthodologie de l’étude et certains résultats supplémentaires sont présentés à l’annexe 1. Notons ici que les résultats ne varient pratiquement pas si la rémunération hebdomadaire moyenne est remplacée par le salaire horaire moyen sur la même période34.

Pour reproduire la mécanique d’une potentielle spirale salaires-inflation, nous avons ajusté tous les trois mois le salaire nominal moyen afin de prendre en compte l’inflation supplémentaire générée par le choc initial sur les salaires. On constate que le mécanisme d’indexation automatique se stabilise autour de 7,3 % d’augmentation nominale totale de la rémunération hebdomadaire après 12 mois. L’ajustement automatique faible (au plus 0,8 point de pourcentage suivant le choc de 6,5 %) met en évidence l’absence d’une spirale inflationniste quelconque. Lorsqu’on examine les taux d’inflation qui résultent dans notre modèle de l’application du choc sur les salaires, on ne constate pas de démonstration d’une spirale. Ce résultat est représenté dans le graphique 13, où la ligne bleue représente le taux d’inflation prévue par la Banque du Canada entre mai 2023 et mars 2025. Cette figure montre que la Banque du Canada prévoit un retour à la cible de 2 % dès le premier trimestre de 2025, retour qui ne serait pas du tout compromis par une augmentation supplémentaire de la rémunération de 7,3 % entre mai 2023 et mai 202435.

Les résultats du modèle sont clairs : la hausse simulée de la rémunération engendre une hausse maximale de l’inflation d’environ 0,8 point de pourcentage pendant un an, ce qui est compensé au niveau salarial par le mécanisme d’indexation automatique sur l’année. À plus long terme, le graphique 13 montre bien que le taux d’inflation projeté médian (c.-à-d. la ligne grise) continue de baisser pour finalement se coller sur la cible de 2 % environ deux ans après le choc initial.

Bien qu’il soit fort probable que l’impact réel d’un tel choc se situe plus près de la limite supérieure que de la limite inférieure (limite inférieure très optimiste par ailleurs), de tels résultats viennent complètement contredire l’existence d’une potentielle spirale inflationniste dans un horizon rapproché. Afin d’être le plus conservateurs (pessimistes) possible, nous avons utilisé la limite supérieure de l’inflation projetée dans le graphique 14 afin de projeter l’impact du choc de 7,3 % sur l’évolution de l’IPC et des salaires réels jusqu’en décembre 2027. On constate qu’en décembre 2027, l’IPC n’aura augmenté que de 1,6 % de plus par rapport au scénario de base prévue par la Banque du Canada (soit de 165,5 à 168,1). En termes d’évolution de la rémunération hebdomadaire moyenne réelle, le graphique 15 montre que cette dernière se maintiendra autour de 800 $ par semaine en 2027 après la hausse de salaire, soit environ 5,6 % de plus que la rémunération hebdomadaire moyenne réelle que nous devrions observer sans choc sur les salaires.

Au final, le modèle prédit qu’en indexant la rémunération hebdomadaire moyenne de toute la population québécoise de 7,3 % afin de suivre l’inflation passée, cette hausse compensera presque totalement la perte du pouvoir d’achat qui a été observée au Québec depuis le début de la pandémie sans faire exploser la croissance des prix, comme le montrent bien les graphiques 14 et 15.

Ainsi, l’objectif des travailleuses et travailleurs de préserver leur pouvoir d’achat en augmentant leurs salaires et autres revenus n’est pas contradictoire avec l’objectif de ramener l’inflation à des taux plus proches de la cible souhaitée. Au pire, l’indexation des salaires pourrait ralentir le retour à la cible d’inflation, mais dans un contexte où les effets de l’inflation – perte de pouvoir d’achat – seraient annulés pour bon nombre de ménages.

Revoir le mandat de la Banque du Canada

En cessant de voir les deux objectifs (soit la lutte contre les effets de l’inflation par la protection du pouvoir d’achat et la lutte contre l’inflation en soi) comme étant entièrement contradictoires, les stratégies de réponse aux poussées inflationnistes se diversifient et s’inscrivent dans un horizon temporel plus large. En effet, dans un contexte où des mesures sont mises en place pour ajuster les revenus des ménages à l’inflation, l’urgence de ramener la croissance des prix à la cible de 2 % devient nettement moins criante. Cela nous force à remettre en question les objectifs et la stratégie de la Banque du Canada.

Une cible d’inflation à 2 % arbitrairement basse

Comment la cible de 2 % a-t-elle été déterminée ? Le but de la banque centrale n’est pas de ramener l’inflation à 0 %, car un tel scénario comporte son lot de risques pour l’économie. Le plus important de ceux-ci est une déflation de la monnaie, soit une situation inverse à l’inflation, où la monnaie gagne en valeur et où les biens et les services coûtent de moins en moins cher au fil du temps. Dans un tel scénario, les acteurs économiques perdent la plupart de leurs incitatifs à dépenser ou à investir leurs avoirs financiers puisque ceux-ci, avec le temps, gagnent en valeur sans avoir à être investis, ce qui provoque généralement des récessions importantes. La cible de 2 % est donc synonyme pour la banque centrale d’une inflation aussi faible que possible, mais sans être trop près de zéro pour autant.

La Banque du Canada a adopté la cible de 2 % pour la première fois en 1991, après environ deux décennies d’inflation importante et l’expérience du « choc Volcker »36. La cible de 2 % ne découle pas d’un examen approfondi des différentes options disponibles, examen qui ferait l’objet d’un consensus scientifique ou d’un débat démocratique pour parvenir à un taux optimal. Cette cible a plutôt pour origine une déclaration faite à brûle-pourpoint par un ministre néo-zélandais dans une mêlée de presse en 198837. En effet, le gouvernement de Nouvelle-Zélande avait alors pour objectif de réduire radicalement l’inflation, qui avait atteint près de 15 % l’année précédente, mais cet objectif n’avait encore jamais été chiffré.

Une fois la déclaration faite à la télévision, elle s’est imposée dans le discours public avant de devenir la cible officielle de la Nouvelle-Zélande. Ce pays ayant connu un certain succès dans ses tentatives de reprendre le contrôle de l’inflation dans les années qui ont suivi, il a inspiré d’autres pays et cette cible de 2 % est alors devenue la cible officielle de la Banque centrale européenne, de la Banque du Japon, de la Réserve fédérale américaine et de la Banque du Canada.

Un mandat réellement plus large

En 2018, 61 économistes progressistes signaient une lettre à l’attention du ministre canadien des Finances de l’époque, Bill Morneau, pour lui enjoindre de modifier la loi sur la Banque du Canada de deux manières38 :

  1. Mettre à jour le mandat officiel de la Banque du Canada afin d’y inclure des objectifs de plein emploi et de développement durable de l’économie. Pour le moment, ces objectifs, qui dépassent le simple contrôle de l’inflation, ne se retrouvent que dans le préambule de la loi sur la Banque du Canada39. Ils ne sont pas considérés comme des finalités en soi, mais servent simplement d’indicateurs. Le contrôle de l’inflation est donc toujours la priorité de la Banque du Canada, alors qu’elle ne devrait être qu’un indicateur parmi d’autres, à optimiser pour le bien-être de la population canadienne.
  2. Soumettre le renouvellement quinquennal de la cible du taux d’inflation à l’examen du Parlement canadien, afin d’augmenter la transparence des décisions de la Banque du Canada et de s’assurer qu’elle soit alignée avec les intérêts de la population en matière d’inflation, de croissance économique, de plein emploi et de (re)distribution de la richesse.

Cet appel à réformer la loi sur la Banque du Canada est resté lettre morte. Pourtant, les modifications proposées seraient plus pertinentes que jamais, alors que la Banque démontre des signes d’une obsession malsaine envers l’inflation et qu’elle recourt à des hausses de taux directeur draconiennes pour y remédier, au détriment du pouvoir d’achat et de la qualité de vie de la population canadienne. Ramener les objectifs de la Banque du Canada dans le giron du débat démocratique permettrait de mieux orienter le travail de la banque centrale dans le sens de l’intérêt de l’ensemble de la population, et non seulement des créanciers et des grandes entreprises.

 Autres pistes de solutions

Les analyses que nous avons présentées confirment qu’il n’y a pas de contradiction entre l’objectif des ménages de préserver leur pouvoir d’achat en augmentant leurs revenus et l’objectif de ramener l’inflation à des taux plus proches de la cible souhaitée. Conséquemment, les mesures qui permettent de compenser les effets de l’inflation élevée ne devraient pas être mises à l’écart sous prétexte de l’urgence absolue de mater la hausse des prix. Dans les situations où l’inflation élevée s’explique principalement par une hausse du prix de certaines matières premières et des contraintes temporaires dans l’offre de biens et services – situation semblable à celle que nous vivons actuellement –, la priorité pourrait être accordée à la lutte contre les conséquences négatives de l’inflation en attendant qu’elle revienne graduellement à des niveaux moins élevés grâce à d’autres interventions mieux ciblées.

Indexation automatique des revenus

Pour protéger le pouvoir d’achat, l’indexation automatique des revenus s’impose comme principale solution. Cette pratique est déjà bien instaurée pour un ensemble de prestations sociales qui sont ajustées chaque mois de janvier afin de corriger l’inflation de l’année précédente (assistance sociale, allocation familiale, régime des rentes du Québec et indemnités de santé et sécurité au travail)40. Du côté des salarié·e·s, les syndicats ont souvent négocié des clauses d’indexation ou d’« indemnité de vie chère ». Ces dernières garantissent que les augmentations de salaire reçues couvrent minimalement l’inflation observée depuis la dernière augmentation. Alors qu’elles étaient fréquentes à la fin des années 1970, seulement 7,5 % des salarié·e·s bénéficient d’une telle clause selon les données les plus récentes41. Pour les retraité·e·s qui bénéficient de régimes complémentaires offerts par leur employeur, il faudrait alors prévoir certaines allocations spéciales, car peu de régimes offrent un ajustement complet par rapport à l’inflation42.

Accroître la productivité

L’augmentation de la productivité est l’une des façons de s’assurer que des augmentations de salaire importantes n’exercent pas une pression trop élevée sur les prix. En effet, l’accroissement de la productivité signifie qu’on produit le même niveau de richesse avec une quantité de travail inférieur. Ainsi, on peut rémunérer chaque unité de travail plus cher étant donné qu’on en utilise moins pour le même résultat. Le principal moyen d’augmenter la productivité est d’investir dans les technologies et le développement de la main-d’œuvre. Pourtant, la politique monétaire restrictive de la Banque du Canada pousse à la hausse les taux d’intérêt et décourage certains investissements productifs. Dans son dernier rapport sur la politique monétaire, la banque centrale reconnaissait elle-même que sa politique monétaire restrictive cause en ce moment une stagnation des investissements privés, stagnation qui perdurera jusqu’à la fin de l’année 202443. Pourtant, plusieurs de ces investissements « perdus » auraient pu contribuer à réduire l’inflation à moyen terme en augmentant les capacités de production au Québec et au Canada. De plus, ce ralentissement risque de consolider le retard historique du Québec en matière de productivité : de 1997 à 2019, la productivité au Québec a connu un taux de croissance annuelle de 0,86 % contre 0,93 % au Canada, ce qui correspond environ à la moitié de ce qui était observé entre les années 1980 et 199044.

L’autre contexte où les entreprises accélèrent leur investissement est lorsque la force de travail devient rare et chère. Dans ce contexte, la mécanisation ou les technologies de pointe deviennent comparativement plus rentables. En provoquant une croissance du chômage et en décourageant les augmentations de salaire, la Banque du Canada vient donc directement éliminer un incitatif de plus à l’investissement et à la croissance de la productivité. Pour pallier ce phénomène, des exigences d’investissement et d’innovation devraient accompagner les programmes de soutien et de subventions aux entreprises proposés par les gouvernements provincial et fédéral.

Surveiller la croissance des prix

Dans un contexte où, comme nous l’avons vu plus haut, l’inflation récente a permis aux entreprises de plusieurs secteurs d’engranger des bénéfices record, il serait pertinent de renforcer les pouvoirs d’enquête ou de réglementation du gouvernement sur la fixation des prix des biens essentiels. Cette surveillance pourrait être exercée par le Bureau de la concurrence ou par la création d’un protecteur des consommateurs et consommatrices qui aurait pour mission de s’assurer que la hausse du niveau des prix des produits de base s’explique réellement par une hausse des coûts de production et non par une réduction (concertée ou non) du niveau de compétition entre les acteurs d’un même secteur.

CONCLUSION

À la lumière des résultats de notre étude, on constate que, dans le contexte actuel, il est très peu probable que des hausses de salaire importantes viennent engendrer une quelconque spirale salaires-inflation. Autant les études d’organisations financières présentées dans cette note que notre propre analyse économétrique à partir des données québécoises pointent vers cette conclusion.

Malgré la simplicité et l’apparente « évidence » du concept de spirale salaires-inflation, nous sommes à même de constater qu’il s’agit moins d’une réalité économique courante que d’un outil rhétorique fort. Sans le prétexte de la spirale salaires-inflation, l’objectif de lutte contre l’inflation n’a plus vraiment priorité sur celui de la protection du pouvoir d’achat des ménages. Ce dernier objectif est atteint, entre autres, grâce à des augmentations de salaire qui égalisent ou surpassent l’inflation courante. La soi-disant contradiction entre les deux objectifs disparaît alors, ce qui permet un élargissement des stratégies de réponse aux poussées inflationnistes.

La diversité des réponses à une inflation forte est bénéfique. Nos analyses ont permis de mettre en évidence le fait que la lutte contre l’inflation par la hausse du taux directeur engendre des avantages et des inconvénients qui varient selon les acteurs économiques. Les travailleuses et travailleurs sont ceux qui paient le prix potentiellement le plus important de cette stratégie en raison des pertes d’emplois qu’elle provoque et de la réduction subséquente de leur pouvoir de négociation. Cette réalité pourrait, dans le contexte actuel, provoquer une double pénalité pour les salarié·e·s : ils et elles sont d’abord pénalisé·e·s par l’accélération des prix et l’ajustement insuffisant de leurs salaires, pour ensuite voir leur sécurité d’emploi et leurs conditions de travail être mises à mal par le ralentissement économique qui résulte de la stratégie de lutte contre l’inflation.

Afin de permettre une cohabitation entre les objectifs de contrôle de l’inflation et de protection du pouvoir d’achat par la hausse des revenus, les objectifs de la Banque du Canada devraient être revus. Selon nous, la cible d’inflation devrait être plus large et des périodes de dépassement de cette cible un peu plus longues devraient être tolérées. Dans le contexte idéal où les effets de l’inflation sur le pouvoir d’achat des ménages seraient atténués par des politiques salariales et budgétaires conséquentes, le retour à une faible inflation ne revêtirait alors plus un caractère aussi « urgent » pour la majorité des ménages.


1 Par revenus, nous entendons ici les revenus du travail et les prestations sociales, incluant notamment les prestations de chômage, de retraite, d’invalidité et d’assistance sociale. Cette définition du revenu exclut toutefois les revenus de placement et les gains en capitaux.

2 « À moins que la croissance de la productivité ne devienne étonnamment forte, il ne sera pas possible d’atteindre la cible d’inflation de 2 % si la croissance des salaires se maintient dans cette fourchette de 4 à 5 %. » Tiff MACKLEM et autres, Rapport sur la politique monétaire - Avril 2023, Banque du Canada, avril 2023, 38 p., www.banqueducanada.ca/2023/01/rpm-2023-01-25/.

3 BANQUE DU CANADA, « Mandat et cadre de planification », 2020

4  Olivier J. BLANCHARD, « The Wage Price Spiral », The Quarterly Journal of Economics, vol. 101, no 3, 1986, p. 543-565.

5 Jorge ALVAREZ et autres, Wage-Price Spirals: What is the Historical Evidence?, Document de travail, Fonds monétaire international (FMI), no2022-221, novembre 2022, 29 p.

6 Joseph E. STIGLITZ et Ira REGMI, « The causes of and responses to today’s inflation », Industrial and Corporate Change, vol. 32, no 2, décembre 2022, p. 336-385

7 Tiff MACKLEM, « Restoring labour market balance and price stability », Banque du Canada, 10 novembre 2022, 12 p.

8 MACKLEM, op. cit.

9 Zeynep KANTUR et Gülserim ÖZCAN, « What pandemic inflation tells: Old habits die hard », Economics Letters, vol. 204, juillet 2021, p. 109907 ; Alberto CAVALLO, Inflation with COVID Consumption Baskets, Document de travail 27352, National Bureau of Economic Research, juillet 2020, 18 p.

10 Drew DESILVER, Inflation has risen around the world, but the U.S. has seen one of the biggest increases, Pew Research Center, 24 novembre 2021; STIGLITZ et REGMI, op. cit.

11 Marc JARSULIC, Effective Inflation Control Requires Supply-Side Policy, Center for American Progress, 15 septembre 2022; STIGLITZ et REGMI, op. cit.

12 Guillaume HÉBERT, Pierre-Antoine HARVEY et Laura HANDAL, Inflation : deux avenues s’offrent à la Banque du Canada, Fiche socioéconomique, Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS), août 2022, 4 p.

13 Ramisha ASGHAR, James FUDURICH et Jane VOLL, Firms’ inflation expectations and price-setting behaviour in Canada: Evidence from a business survey, Banque du Canada, Note analytique du personnel 2023-3, février 2023, 30 p.

14 Koyesha MUKHERJEE et Osman OUATTARA, « Climate and monetary policy: do temperature shocks lead to inflationary pressures? » Climatic Change, vol. 167, no32, août 2021, 21 p.

15 STATISTIQUE CANADA, « Indice des prix à la consommation, mars 2023 », Le Quotidien, 18 avril 2023, 14 p.

16 La surinflation est la différence entre l’inflation mensuelle observée et la cible de 2 %.

17 La forte augmentation du taux directeur observée entre 2005 et 2008 s’explique notamment par la hausse du prix du pétrole et du gaz naturel et aussi par le fait que la banque centrale croyait que l’économie canadienne tournait à plein régime dès janvier 2005. La crise des subprimes de 2007 et la crise financière de 2008 ont ensuite contribué au relâchement de la politique monétaire canadienne dès juillet 2007. Voir : BANQUE DU CANADA, Mise à jour du Rapport sur la politique monétaire – Janvier 2006, 8 p.

18 Frédéric HANIN, D’ou vient l’emploi? Marché, État et action collective, Québec, Presses de l’Université Laval, 2014, 2e édition, 233 p.

19 Benjamin TAL et Karyne CHARBONNEAU, Wage pressures not as inflationary as perceived, CIBC Capital Markets, 24 février 2023, 4 p.

20 Le secteur de l’entretien des édifices est couvert par un décret de convention collectif sectoriel qui détermine les conditions de travail minimales pour l’ensemble des salarié·e·s, syndiqués ou non.

21 JANUS HENDERSEN INVESTORS, Janus Henderson Global Dividend Index, Édition 37, mars 2023

22 Pierre-Antoine HARVEY, Le rôle potentiel des profits dans l’inflation élevée se confirme, IRIS, 1er septembre 2022.

23 MACKLEM, op. cit.

24 Jorge ALVAREZ et Niels-Jakob HANSEN, « Wage-Price Spiral Risks Still Contained, Latest Data Suggests », Billet de blogue, FMI, 24 février 2023

25 Don PITTIS, « Rising wages could thwart Bank of Canada’s
plans for low inflation », CBC, 13 avril 2023

26 MACKLEM, op. cit.

27 ALVAREZ et HANSEN, op. cit.

28 Ibid., traduction des auteurs

29 Rose CUNNINGHAM, Brigitte DESROCHES et Eric SANTOR, « Inflation Expectations and the Conduct of
Monetary Policy: A Review of Recent Evidence and Experience », Bank of Canada Review, printemps 2010, p. 13-25.

30 ASGHAR, FUDURICH et VOLL, op. cit.

31 Voir les résultats en annexe du modèle économétrique de type SVAR estimés par les auteurs.

32 L’utilisation de ce modèle économétrique est courante pour ce genre d’analyse. Voir notamment : A. MONFORT et R. RABEMANANJARA, « From a Var Model to a Structural Model, with an Application to the Wage-Price Spiral », Journal of Applied Econometrics, 5-3, 1990, p. 203-227 ; Luca BENATI, « The long-run Phillips curve: A structural VAR investigation », Journal of Monetary Economics, 76, novembre 2015, p. 15-28 ; R. ASGHAR, J. FUDURICH et J. VOLL, op. cit.

33 Le choc initial de 6,5 % correspond à la baisse de la rémunération hebdomadaire réelle observée depuis le début de la pandémie.

34 La rémunération hebdomadaire a été employée initialement, car elle est plus sensible aux heures travaillées que le salaire horaire et donne des résultats un peu plus conservateurs que le salaire horaire moyen. Voir l’annexe 1 pour plus de détails.

35 Il importe de comprendre ici qu’il s’agit bien d’une augmentation supplémentaire de 7,3 % de la rémunération sur un an, donc qui s’ajouterait aux variations annuelles salariales typiquement observées.

36 Paul Volcker a été président de la Réserve fédérale américaine (FED), l’équivalent de la Banque du Canada, de 1979 à 1987. Il a pris les rênes de cette institution après plusieurs années d’inflation historiquement forte causée par le choc pétrolier de 1973. La hausse des coûts de production qui s’en est suivie a provoqué une inflation entre 10 et 15 %, jumelée à un ralentissement économique. Cette « stagflation », combinaison de deux phénomènes normalement contradictoires, a motivé Volcker à procéder à un rehaussement draconien des taux d’intérêt de la FED afin de casser l’inflation, au prix de la récession la plus importante qu’aient connue les États-Unis depuis le krach boursier de 1929 et d’une explosion du taux de chômage dans les années qui ont suivi.

37 « The Fed’s inflation target comes from a casual remark on New Zealand TV », Quartz, 23 juin 2021.

38 Mario SECCARECCIA et autres, « Letter Addressed to Honourable Bill Morneau, Federal Minister of Finance of the Government of Canada, by Canadian Economists in Support of a Multi-Goal Mandate for the Bank of Canada », juin 2018

39 Préambule : « Considérant qu’il est opportun d’instituer une banque centrale pour réglementer le crédit et la monnaie dans l’intérêt de la vie économique de la nation, pour contrôler et protéger la valeur de la monnaie nationale sur les marchés internationaux, pour atténuer, autant que possible par l’action monétaire, les fluctuations du niveau général de la production, du commerce, des prix et de l’emploi, et de façon générale pour favoriser la prospérité économique et financière du Canada. » Direction des services législatifs, « Loi sur la Banque du Canada », 31 janvier 2020.

40 La majorité des paramètres sont indexés selon l’augmentation annuelle moyenne de l’IPC au Québec (excluant l’alcool, le tabac et le cannabis récréatif) à chaque période de 12 mois se terminant le 30 septembre.

41 EMPLOI ET DÉVELOPPEMENT SOCIAL CANADA, « Rôle des clauses d’IVC pendant les périodes de faible inflation », Information sur les conventions collectives, 2015

42 COUTURIER, HÉBERT et TIRCHER, op. cit.

43 MACKLEM, op. cit.

44 CIRANO, « Évolution de la productivité du travail », Le Québec économique, 18 novembre 2020; Organisation de coopération et de développement économiques, Croissance de la productivité du travail pour l’ensemble de l’économie, 28 novembre 2013

Faits saillants

  • La balance des coûts et des bénéfices de la lutte contre l’inflation diffère selon les acteurs économiques. Les gouvernements donnent actuellement préséance à la Banque du Canada et à sa stratégie agressive d’augmentation des taux d’intérêt afin de provoquer un ralentissement économique et ainsi réduire la pression sur la demande en biens et services.
  • Prioriser cette approche, au lieu de favoriser une augmentation des salaires, pénalise doublement les salarié·e·s. L’inflation fait reculer leur pouvoir d’achat, tandis qu’un ralentissement économique affaiblira leur sécurité d’emploi et leurs conditions de travail.
  • Les analyses historiques montrent que les spirales salaire-inflation sont très rares et peu probables en réalité. Notre analyse économétrique démontre qu’une hausse de salaire de 7,3 % entre mai 2023 et mai 2024 ferait augmenter le niveau des prix au plus de 1,6 % sur 3 ans au Québec.
  • Le mandat de la Banque du Canada doit être révisé afin de tenir compte d’objectifs complémentaires comme le plein emploi et le développement durable. La fourchette cible d’inflation devrait aussi être élargie.