L’industrie des soins virtuels au Québec
12 janvier 2023
Lecture
58min
Avec l’arrivée de la pandémie de COVID-19, l’industrie privée de la télésanté a connu une croissance fulgurante, nourrie également par les difficultés d’accès aux services de première ligne et de santé mentale au sein du réseau public. Bien que l’extension de la couverture du régime public aux services de télémédecine ait permis de refermer certaines brèches dans la Loi sur l’assurance maladie, l’essor des fournisseurs de soins virtuels à but lucratif continue de poser des risques importants de privatisation des services sociosanitaires. La croissance de cette industrie, qui s’accompagne d’une ponction grandissante des ressources professionnelles du secteur, menace la pérennité du système public de santé, l’équité dans l’accès aux services ainsi que la qualité des soins.
Table des matières
Introduction
Parmi les nombreux bouleversements provoqués par la pandémie de COVID-19 se trouve l’explosion du recours aux services de santé à distance (télésanté). Au Québec, au moment du déclenchement de l’état d’urgence sanitaire en mars 2020, le gouvernement a immédiatement étendu par décret la couverture du régime public d’assurance maladie aux consultations médicales à distance. Pour la première fois, les Québécois·es ont donc pu avoir recours gratuitement à des services de télémédecine offerts par des médecins participant au régime public.
Si une nouvelle offre de soins virtuels s’est rapidement développée au sein du réseau public, le contexte de la pandémie, qui imposait de minimiser les contacts sociaux afin d’éviter la transmission du virus, a également favorisé un essor fulgurant de l’industrie privée de la télésanté. Bien sûr, plusieurs entreprises étaient déjà actives depuis quelques années dans ce secteur, mais la pandémie et le confinement ont propulsé une industrie qui restait jusqu’alors relativement marginale au Québec.
L’élargissement de l’accès aux services de télésanté au sein du régime public est une bonne nouvelle pour la population. Toutefois, l’expansion extrêmement rapide des fournisseurs privés de soins virtuels est préoccupante. Elle soulève plusieurs questions sur l’équité dans l’accès aux soins, sur la qualité des services offerts par des entreprises à but lucratif, ainsi que sur les risques de privatisation et de détérioration des services publics posés par la croissance considérable de ces nouveaux acteurs privés.
Après avoir défini succinctement la télésanté, cette note socioéconomique se consacre à ces enjeux à travers une analyse en trois volets :
- analyse du cadre juridique (ce qui est permis et ce qui ne l’est pas pour les différents acteurs du secteur) ;
- portrait de l’industrie (analyse du marché et présentation des principaux acteurs et de leur modèle d’affaires) ;
- conséquences potentielles sur le système public de santé, l’accès équitable aux services et la qualité des soins.
1. Télésanté et privatisation : de quoi parle-t-on ?
Le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) définit la télésanté comme une « [m]odalité d’organisation et de dispensation de soins et services qui crée un réseau virtuel complémentaire aux services de santé traditionnels »1. La télésanté ne se réduit pas aux services médicaux offerts à distance (télémédecine), mais réfère à l’ensemble des services sociosanitaires fournis virtuellement ou par téléphone (services infirmiers, services à domicile, services psychosociaux ou de santé mentale, etc.).
Les services de santé à distance peuvent être déployés au sein du système public de santé, comme c’est le cas par exemple lorsque des hôpitaux du réseau public développent des services d’hospitalisation à domicile ou lorsque des médecins sont rémunérés par le régime public pour offrir des services de téléconsultation2. Cependant, les services de télésanté peuvent également être offerts par des fournisseurs privés et devenir des vecteurs de privatisation des services sociosanitaires.
Cette privatisation peut prendre différentes formes, dont nous proposons au tableau 1 une typologie. Ce que nous appelons la « privatisation technique » se limite à l’utilisation par les établissements publics et par les médecins participant au régime public d’outils numériques offerts par des entreprises privées. Par exemple, au Québec, le déploiement du dossier médical électronique au sein du réseau public repose largement sur des fournisseurs privés de services technologiques3. Il en va de même en ce qui concerne les plateformes de visioconférence utilisées par les médecins et les autres professionnel·le·s du système public pour offrir des services de santé à distance4.
Cette première forme de privatisation ne remet en question ni le financement public ni la prestation publique des services. Si elle peut générer certains problèmes, par exemple en termes de contrôle des coûts ou de protection des renseignements personnels, la privatisation technique est moins susceptible de se traduire par un exode des travailleurs et des travailleuses de la santé du réseau public vers le secteur privé, ou par une réduction de l’accès universel et gratuit aux services sociosanitaires5. Pour ces raisons, cette forme de privatisation ne sera pas au cœur de la présente recherche.
Il en va autrement du recours croissant aux services d’entreprises privées qui offrent elles-mêmes des soins de santé à distance en recrutant leur propre personnel, et donc qui s’engagent directement dans la prestation de services. Deux cas de figure sont possibles ici : la privatisation des services et la privatisation forte.
On parlera de « privatisation des services » au sens strict lorsque les services de télésanté sont offerts par des fournisseurs privés, mais qu’ils sont remboursés par le régime public. Il s’agit donc d’un modèle de financement public/prestation privée des services. Depuis le début de la pandémie, la majorité des provinces canadiennes ont ouvert la porte à ce modèle en permettant aux médecins pratiquant au sein de certaines entreprises de soins virtuels de facturer ces services au système public6. Avec Terre-Neuve-et-Labrador et la Nouvelle-Écosse, le Québec fait partie des provinces qui ne se sont pas engagées dans cette voie jusqu’à maintenant.
Dans le cas de la « privatisation forte », le rôle du secteur privé n’est pas limité à la prestation de services, mais s’étend également au financement des services : ce sont les employeurs, les assurances privées ou encore les individus qui paient directement pour les services offerts par les entreprises de soins virtuels. Malgré les contraintes légales et réglementaires qui, en théorie, limitent l’expansion de ce modèle de financement privé/prestation privée des services au Québec, les entreprises de télésanté s’inscrivant dans ce segment du marché sont en très forte croissance.
Cette note de recherche porte principalement sur les risques associés aux deux dernières formes de privatisation liées à l’essor des fournisseurs privés de soins virtuels, à savoir la privatisation des services et la privatisation forte. Elle analyse également les conséquences potentielles de ces développements pour la pérennité du système public de santé et de l’accès universel et équitable aux services.
2. Cadre juridique : limites et ouvertures à la privatisation
Au Québec, les possibilités de développement d’une offre privée de services de santé sont limitées par deux dispositions de la Loi sur l’assurance maladie (LAM), qui restreignent grandement les risques de privatisation forte au sein du système de santé, du moins en ce qui concerne les services médicaux (c’est-à-dire ceux qui sont prodigués par un·e médecin)7 :
- l’interdiction de la pratique « mixte » (publique-privée) pour les médecins, c’est-à-dire l’interdiction pour les médecins participant au régime public d’être rémunéré·e·s par d’autres payeurs que la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) pour des services assurés par la RAMQ8 ;
- l’interdiction des « assurances duplicatives », c’est-à-dire l’interdiction pour les assureurs privés et les régimes privés d’avantages sociaux de couvrir des services déjà assurés par le régime public9.Ces deux interdictions limitent fortement les possibilités de financement privé des services médicaux par des individus ou des régimes d’assurance ou d’avantages sociaux. Elles ont pour effet que les revenus des médecins qui choisissent de se désengager du régime public dépendent entièrement de la vente de leurs services à des individus non assurés pour ce type de services, et donc suffisamment fortunés pour payer directement les soins.
Notons toutefois que la prestation privée de services médicaux n’est pas interdite pour les médecins participant au régime public. En fait, bien qu’ils soient rémunéré·e·s par la RAMQ, la plupart des médecins québécois·es ont un statut de travailleur autonome et ne sont pas considéré·e·s comme des employé·e·s du secteur public, même pour les médecins qui, comme les médecins spécialistes, pratiquent en général dans des installations publiques (CLSC, CHSLD, hôpitaux). Quant aux médecins omnipraticien·ne·s, si certain·e·s exercent leur profession en CLSC, la grande majorité pratiquent dans des cliniques privées ou des groupes de médecine de famille (GMF) à but lucratif détenus par des médecins (ou, de plus en plus, par des entrepreneurs et des actionnaires non médecins10).
Il n’en demeure pas moins qu’en raison de la configuration légale imposée par la LAM, la vente de services médicaux à des payeurs privés (et donc le financement privé des services) reste un « marché de niche »11 avec des possibilités d’expansion très restreintes. Malgré une certaine croissance au cours des dernières années, le nombre de médecins non participant·e·s ou désengagé·e·s du régime public reste d’ailleurs marginal12. Comme le souligne un jugement de première instance rendu dans l’affaire Chaoulli13, empêcher le développement d’un marché privé de la santé correspond précisément à l’objectif poursuivi par l’État en imposant ces interdictions :
[Ces mesures sont] destinées à empêcher l’établissement d’un système de soins parallèles privés. À la base de ces dispositions réside la crainte que l’établissement d’un système de soins privé aurait pour effet de subtiliser une partie substantielle des ressources en matière de santé au détriment du secteur public. Le gouvernement québécois a adopté [ces articles] pour garantir que la quasi-totalité des ressources en santé existant au Québec soient à la disposition de l’ensemble de la population québécoise. Ceci est clair14.
Cependant, en vertu du Règlement d’application de la Loi sur l’assurance maladie (RALAM), les services médicaux offerts à distance n’étaient pas considérés comme des services assurés jusqu’au début de la pandémie de COVID-1915. Par conséquent, ces services pouvaient légalement être couverts par une assurance privée ou un régime collectif d’avantages sociaux, et les médecins étaient autorisé·e·s à vendre des services de télémédecine dans le secteur privé tout en conservant le statut de participant·e au régime public.
Cette brèche dans la LAM menaçait depuis quelques années de s’élargir avec le développement rapide d’une offre de services de télésanté dans le secteur privé. Elle a été refermée, d’abord temporairement, par le décret d’urgence sanitaire adopté le 13 mars 2020 pour faire face à la pandémie de COVID-1916. Depuis, le gouvernement a confirmé son intention de pérenniser la couverture publique des services de télémédecine en modifiant la LAM, et ces services demeureront couverts jusqu’à ce que les modifications soient apportées à la loi17.
Cette décision est une bonne nouvelle pour la sauvegarde du système public de santé. Elle implique en principe que l’interdiction des assurances duplicatives et de la pratique mixte pour les médecins s’étende désormais au domaine de la télémédecine. Néanmoins, des menaces de privatisation forte par le truchement du marché des soins virtuels subsistent, notamment en raison de certaines ambiguïtés du RALAM.
En effet, ce règlement prévoit que « tout service rendu par un professionnel sur la base d’une entente ou d’un contrat avec un employeur ou une association ou organisme aux fins de rendre des services assurés à ses employés ou à leurs membres »18 n’est pas considéré comme assuré par le régime public. En d’autres termes, cette exclusion autorise « un employeur à payer un médecin [y compris un·e médecin participant au régime public] sur le lieu de travail pour éviter que ses employés s’absentent et favoriser, de ce fait, la productivité »19.
Or, il n’est pas clair si cet article du RALAM permet aux régimes d’assurance privés payés par les employeurs de couvrir les services de téléconsultation ni s’il permet aux médecins participant au régime public de vendre leurs services de téléconsultation aux plateformes de soins virtuels incluses par les employeurs dans les régimes d’avantages sociaux destinés à leurs employé·e·s20. Par le passé, cette exception prévue au RALAM a été utilisée par des entreprises privées et des médecins pour contourner la LAM, et la RAMQ a rendu des décisions qui semblent contradictoires dans les dossiers d’enquête portant sur ces cas21.
À cette faille potentielle dans le RALAM s’ajoute le fait que l’interdiction de la pratique mixte ne s’applique qu’aux médecins, et non aux autres catégories professionnelles à l’œuvre dans le système de santé (infirmières, travailleurs sociaux et travailleuses sociales, physiothérapeutes, psychologues, ergothérapeutes, etc.). Une proportion importante de ces professionnel·le·s pratiquent d’ailleurs déjà à la fois dans le secteur public et dans le secteur privé22. De plus, les services sociosanitaires offerts dans le secteur privé par des non-médecins peuvent être librement couverts par des régimes d’assurance privés.
Autrement dit, ces services de santé non médicaux s’inscrivent déjà en partie dans un modèle de financement privé/prestation privée, et rien n’empêche les fournisseurs privés de soins virtuels de recruter des infirmières ou des psychologues du secteur public pour faire croître leur propre offre de services. En plus des risques de privatisation des services médicaux liés aux ambiguïtés du RALAM quant aux services payés par les employeurs à leurs employé·e·s, on peut donc s’attendre à ce que le développement de l’industrie de la télésanté conduise à un élargissement de la privatisation forte des services professionnels non médicaux.
3. Portrait de l’industrie
3.1 Un marché en pleine explosion
Selon une étude de Mordor Intelligence, le marché mondial de la télémédecine représentait 104,4 milliards de dollars états-uniens en 2021 et devrait plus que doubler d’ici 2027 pour atteindre 272,8 milliards23. D’autres analyses vont jusqu’à prédire un marché mondial de la télémédecine de 787,4 milliards en 202824. L’Amérique du Nord représente la plus grande part de ce marché25.
Si la pandémie de COVID-19 a été vécue par la majorité de la population comme une véritable catastrophe sanitaire et humanitaire, elle a représenté une occasion d’affaires sans précédent pour l’industrie de la télésanté, qui a connu une croissance spectaculaire à partir de mars 2020. Aux États-Unis, l’utilisation des services de télésanté a augmenté de 7 800 % entre février et avril 2020. Si cette montée ahurissante s’est en partie résorbée après la première vague de COVID-19, l’utilisation des services de télésanté s’est tout de même stabilisée à un niveau 38 fois plus élevé que durant la période prépandémie26. Parallèlement, les investissements dans le capital de risque dans le secteur de la santé numérique ont triplé entre 2017 et 202027.
Au Canada, l’utilisation des services de télésanté a aussi connu une expansion spectaculaire à partir de mars 2020, pour se stabiliser par la suite à des niveaux nettement supérieurs à ceux qui prévalaient avant le début de la pandémie (graphiques 1 et 2). Parmi les 5 provinces pour lesquelles les données sont disponibles, c’est en Ontario que l’augmentation du recours à la télémédecine a été la plus importante : en deux ans, le nombre de services médicaux virtuels par 1 000 habitant·e·s est passé de 6 à 270, une croissance de 4 400 %. De même, alors que les services médicaux virtuels représentaient partout moins de 10 % de l’ensemble des services médicaux avant la pandémie, cette proportion atteignait en moyenne plus de 30 % en mars 2021.
Ces données ne concernent pas uniquement les services de télémédecine offerts dans le secteur privé, mais incluent également ceux fournis par le secteur public. Elles ne reflètent donc pas nécessairement la croissance du marché canadien des soins virtuels. Néanmoins, l’expansion de ce marché, qui « vivotait jusqu’à ce que deux ans de pandémie fassent exploser la demande pour des solutions de consultation et de soins à distance »28, ne fait aucun doute lorsqu’on observe l’augmentation très rapide des revenus des entreprises privées du secteur. Ainsi, l’entreprise canadienne WELL Health, l’un des acteurs les plus importants de l’industrie au pays, a vu ses revenus trimestriels bondir de 7,4 à 126,5 millions de dollars entre le premier trimestre de 2019 et la même période en 2022, une croissance de plus de 1 600 % en 3 ans (graphique 3).
On constate aussi une expansion fulgurante des revenus de Dialogue Technologies de la Santé inc., qui domine pour sa part le marché québécois des soins virtuels. Passant de 3,6 à 20,7 millions de dollars entre le 1er trimestre de 2020 (soit avant la pandémie) et le 1er trimestre de 2022, l’entreprise montréalaise a vu son chiffre d’affaires augmenter de plus de 470 % en 2 ans.
La vigueur du marché canadien des soins virtuels s’exprime également dans le fait que plusieurs entreprises du secteur sont entrées en Bourse depuis le début de la pandémie ou prévoient de le faire dans les prochains mois. C’est le cas notamment de Dialogue, qui est entrée en Bourse en 2021, et de Maple, qui prévoit le faire sous peu. Certaines estimations évaluent à environ 15 à 20 milliards de dollars la capitalisation boursière totale de l’industrie canadienne de la télésanté29.
3.2 Principaux acteurs et modèles d’affaires
L’expansion spectaculaire du marché de la télésanté depuis le début de la pandémie ne doit pas masquer le fait qu’il s’agit d’un marché relativement récent, comme on peut le constater au tableau 2, qui présente quelques acteurs importants de l’industrie canadienne et québécoise de la télésanté.
Plusieurs des entreprises du secteur sont de « jeunes pousses » (start-ups) dont la croissance repose sur du capital de risque. Plusieurs fonctionnent aussi à perte : malgré l’augmentation importante de leurs revenus favorisée par la crise sanitaire, WELL Health, Dialogue, CloudMD et MindBeacon n’ont enregistré aucun bénéfice net au cours des dernières années30. De même, AlayaCare a été récemment forcée de faire des mises à pied importantes pour tenter d’atteindre la rentabilité avant la fin de 202331.
Avec plus d’une quarantaine d’entreprises actives dans ce secteur au Canada32, on peut considérer que les marchés canadiens et québécois de la télésanté sont modérément concentrés, et caractérisés par l’existence d’un nombre restreint d’acteurs importants qui dominent le marché tout en côtoyant un foisonnement de plus petits acteurs33. Parmi ceux-ci se trouve par exemple la clinique de santé virtuelle Olive, une entreprise québécoise fondée en 2021 par le Groupe Huot, également propriétaire d’Airmedic, une entreprise d’évacuation médicale d’urgence34.
De nombreuses acquisitions réalisées au cours des dernières années ont accentué le degré de concentration de cette industrie et accéléré l’émergence d’acteurs dominants. À cet égard, WELL Health et Telus se démarquent par une série d’acquisitions majeures qui en font des acteurs incontournables de l’industrie à l’échelle canadienne35.
Le cas de Telus Santé est particulièrement spectaculaire. Telus Corporation a fondé cette filiale en 2008 et y a investi plus de 3 milliards de dollars au cours de la décennie suivante, notamment pour l’acquisition d’entreprises comme le Groupe Santé Médisys, Adracare et Akira Health. En 2019, la filiale générait des revenus de 800 millions de dollars, ce qui représentait près de 5,4 % des ventes de Telus Corporation36.
Depuis le début de la pandémie, l’entreprise a mis la main sur EQ Care et Babylon, et, en août 2022, elle a annoncé l’acquisition de Solutions Mieux-être LifeWorks, une entreprise générant des revenus annuels de plus de 1 milliard de dollars. Cette transaction majeure, d’une valeur de 2,3 milliards de dollars, devrait permettre à Telus Corporation de doubler l’importance des services de santé dans son bilan financier total37.
Mentionnons que Telus Corporation, qui est à la base une firme de télécommunications, n’est pas la seule entreprise étrangère au domaine de la santé à avoir investi dans le secteur au cours des dernières années. George Weston Limited, l’entreprise propriétaire des épiceries Loblaws, est également un acteur important du marché canadien des soins virtuels. Devenue propriétaire de Medeo avant la pandémie, la firme est aussi un actionnaire minoritaire de Maple, dont les services de soins virtuels sont désormais couverts par les régimes publics dans cinq provinces canadiennes38.
Les compagnies d’assurances offrant des assurances collectives destinées aux employeurs sont aussi très actives dans le secteur de la télésanté39. Leur implication peut prendre la forme de simples partenariats avec des fournisseurs de soins virtuels, mais elles sont aussi parfois des actionnaires importants de ces entreprises, et certaines possèdent leur propre plateforme numérique. C’est le cas de Sun Life et de Green Shield, qui aspirent à devenir rien de moins que « le principal fournisseur de soins au pays »40. Le tableau 3 présente certaines de ces collaborations.
On constate que Maple se démarque comme le fournisseur de soins virtuels avec le plus grand nombre de partenariats impliquant des compagnies d’assurance. Néanmoins, Dialogue est considérée comme une des entreprises les plus importantes dans le créneau des fournisseurs de soins virtuels pour les régimes d’assurance privée des employeurs. Elle a conclu des ententes de distribution avec quatre des cinq principales compagnies d’assurance canadiennes actives dans le secteur des assurances collectives : Beneva, Canada Vie, Desjardins et Sun Life, auxquelles s’ajoute une entente avec iA Groupe financier41. Par le truchement de ces partenariats, ce sont 2,5 millions de Canadien·ne·s, soit environ 6 % de la population du pays, qui ont accès aux soins virtuels privés vendus par la plateforme42.
Alors que Dialogue se spécialise dans une offre de services virtuels destinée aux employeurs, d’autres entreprises, comme WELL Health, Maple, Telus Santé et CloudMD, ont des secteurs d’activités et une clientèle plus diversifiés. En plus des plateformes de télésanté offertes aux employeurs, certaines vendent leurs services directement aux individus, ou encore au secteur public. Des fournisseurs de soins virtuels sont aussi actifs dans le développement et la vente d’outils numériques (dossier médical électronique, logiciels de facturation, etc.), et plusieurs d’entre eux sont également propriétaires de cliniques physiques. C’est le cas de WELL Health et de Telus Santé qui, au Québec, est notamment présente dans le « marché » des GMF43.
3.3 Tensions et relations de l’industrie avec le secteur public et l’État
Si l’expansion de l’industrie de la télésanté est en partie due à une explosion de la demande de services de santé à distance provoquée par la pandémie de COVID-19, elle s’appuie aussi sur les failles du système public de santé qui, en raison du sous-financement chronique et des réformes néolibérales des dernières décennies, peine à répondre aux besoins de la population. Bien que les problèmes étaient déjà présents avant mars 2020, ils ont été poussés à leur paroxysme par la crise sanitaire, qui a mené le réseau au bord de l’effondrement44.
Dans ce contexte, on peut comprendre que les « solutions » privées offertes par l’industrie de la télésanté soient apparues comme incontournables durant la pandémie. D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si les principaux créneaux visés par les fournisseurs de soins virtuels correspondent aux services parmi les moins bien financés et avec les problèmes d’accès les plus importants au sein du système public. En effet, si certains petits acteurs de l’industrie offrent des services très nichés (clinique du sommeil, biogénétique, etc.), la plupart des entreprises de télésanté concentrent leur offre dans le secteur des services de première ligne (médecine de famille et services infirmiers) et dans celui des services de santé mentale.
Les entreprises du secteur sont d’ailleurs bien conscientes que leur succès repose en partie sur les difficultés du système public. Ainsi, CloudMD se veut une réponse au « système de santé traditionnel [qui est] brisé »45. Le cofondateur et directeur général de Maple présente la genèse de sa firme comme une réaction au fait que « notre système de santé [est] mis à rude épreuve »46. Le PDG de Green Shield affirme que sa plateforme Inkblot « permet […] aux patients d’avoir accès à des consultations vidéo avec un médecin sans avoir à attendre de longs moments, comme dans le réseau public »47. Les publicités de la clinique de santé virtuelle Olive s’appuient aussi lourdement sur les temps d’attente du secteur public pour promouvoir les services de l’entreprise48.
La croissance rapide du marché des soins virtuels a été stimulée par la dégradation du système public de santé, mais aussi, comme on l’a vu, par les brèches existant dans les lois et les règlements encadrant le financement privé des services de santé. En cela, le développement futur de l’industrie dépend non seulement de la capacité (ou de l’incapacité) du système public à répondre adéquatement aux besoins sociosanitaires de la population, mais aussi de l’évolution du cadre juridique qui limite pour l’instant les possibilités d’expansion du marché de la santé.
À cet égard, les fournisseurs privés de soins virtuels pourraient être tentés de s’inspirer des stratégies agressives déployées avec succès par d’autres jeunes pousses du secteur de la technologie et de la gig economy (économie à la tâche), qui ont utilisé des « technologies de rupture » afin de « tout casser » dans leurs secteurs respectifs49. C’est le cas par exemple avec les firmes emblématiques que sont Uber ou Airbnb, qui n’ont pas hésité à « créer le chaos » et à agir à la marge de la légalité afin d’imposer des transformations réglementaires et légales majeures au sein de leur industrie50.
Plusieurs ont d’ailleurs perçu les soins virtuels pendant la pandémie de COVID-19 comme « une grande expérience pour changer les règles » et comme une occasion d’imposer des « innovations perturbatrices »51. Quand on sait que plusieurs des entreprises de soins virtuels sont également actives dans l’offre de services de santé en présentiel (c’est notamment le cas de Telus Santé et de WELL Health, qui sont propriétaires de cliniques physiques52), ces transformations vers une plus grande privatisation des services pourraient ne pas se limiter aux services de télésanté.
À tout le moins, on peut s’attendre à ce que les fournisseurs privés de soins virtuels exploitent au maximum les lacunes, exceptions et imprécisions du cadre juridique actuel et qu’ils tentent de faire éclater, par ces pratiques et par des pressions sur les pouvoirs publics, les contraintes empêchant le plein déploiement de l’industrie de la santé numérique. On peut interpréter en ce sens les déclarations d’entreprises comme CloudMD, qui dit vouloir « révolutionner les services de santé »53, et Telus Santé, qui se donne comme objectif la « transformation du système de santé canadien »54.
Pour sa part, la compagnie Dialogue s’est engagée dans du lobbying auprès du gouvernement québécois pour plaider en faveur d’une plus grande ouverture aux services de télésanté privés payés par les employeurs et les assureurs55, faisant miroiter l’illusion d’une « gratuité » des services pour les patient·e·s56. L’entreprise a de bonnes raisons d’être optimiste et de s’attendre à une ouverture de la part du gouvernement face à ces pressions.
En effet, il faut savoir que le cadre juridique mis en place par l’État pour empêcher le développement d’un réseau privé parallèle et assurer la pérennité du système public n’a pas empêché les gouvernements successifs de jouer un rôle crucial dans la privatisation des services de santé en général et dans l’émergence de l’industrie canadienne de la télésanté privée en particulier. Certains analystes y voient d’ailleurs « un succès politique majeur des gouvernements fédéral et provinciaux qui ont investi dans l’expansion rapide de ce secteur »57.
Au fédéral, ce soutien gouvernemental est passé notamment par Inforoute Santé du Canada, un organisme à but non lucratif fondé et financé par le gouvernement fédéral. Selon un acteur de la première heure au sein de cet organisme, l’argent public a « coulé à flots » pour financer le secteur de la santé numérique, au point où Inforoute et les gouvernements provinciaux ont carrément « jeté les bases » de cette industrie58 et l’ont ensuite « activement entretenue grâce à des politiques et des investissements judicieux »59.
Sur la scène québécoise, on sait notamment que la Caisse de dépôt et placement du Québec détient un investissement de 14 millions de dollars dans Dialogue et qu’Investissement Québec (IQ) a accordé un prêt de 2 millions à cette même entreprise en 2019. Ce prêt faisait suite à un autre prêt de 2 millions consenti par le gouvernement québécois en 201860. La Caisse, IQ et le gouvernement du Québec ont également investi des dizaines de millions de dollars à au moins trois reprises dans AlayaCare, qui semble aujourd'hui rencontrer des difficultés financières, ce que nie toutefois l'entreprise61.
Enfin, il est intéressant de souligner les liens parfois incestueux qui unissent les gouvernements et l’industrie de la télésanté. Ainsi, tant à Ottawa qu’à Québec, des ministres importants ont été liés à des entreprises du secteur, et ces liens ont fait l’objet de critiques en raison de l’apparence de conflit d’intérêts qu’ils impliquaient. Ainsi, Bill Morneau a été plongé dans une controverse pour avoir conservé ses actions dans Morneau Shepell (devenue Solutions Mieux-être LifeWorks, acquise récemment par Telus Santé) alors qu’il était en poste comme ministre des Finances du Canada62. Des préoccupations semblables ont été soulevées à propos du ministre de l’Économie du Québec, Pierre Fitzgibbon, qui est le cofondateur de White Star Capital, un des actionnaires principaux de Dialogue63.
Toutefois, au-delà d’éventuels conflits d’intérêts, ce sont les conséquences potentielles de la privatisation des services par le biais de l’industrie de la télésanté qui sont les plus inquiétantes.
4. Conséquences potentielles de l’industrie privée de la télésanté sur le système public
4.1 Risque de ponction des ressources professionnelles du réseau public par le privé
On a vu qu’un des objectifs principaux de l’État dans l’adoption d’un cadre juridique interdisant la pratique mixte et les assurances duplicatives est d’empêcher le développement d’un système de santé privé parallèle qui viendrait ponctionner les ressources du réseau public, et en particulier les ressources en main-d’œuvre. Quels sont les risques que l’expansion d’une offre de soins virtuels privés ait de telles conséquences ?
D’abord, il faut rappeler que l’essor de l’industrie de la télésanté se produit alors que l’économie est aux prises avec une pénurie de main-d’œuvre qui est particulièrement criante dans le secteur de la santé et des services sociaux. Au Québec, il s’agit actuellement d’un des secteurs où le taux de postes vacants est le plus élevé64. Dans l’industrie des soins de santé et de l’assistance sociale (secteurs public et privé confondus), ce taux a connu une croissance importante depuis 2015, qui n’est pas seulement attribuable à la pandémie (graphique 4). On constate en effet que l’augmentation s’était amorcée avant la crise sanitaire et que, dès 2019, le taux de postes vacants était plus élevé dans ce secteur que dans l’ensemble des industries. Deux ans après le début de la pandémie, le taux de postes vacants se maintient à un niveau relativement élevé en santé et services sociaux.
De plus, le réseau sociosanitaire public est aux prises avec des problèmes persistants de recrutement et de rétention de la main-d’œuvre qui expliquent en bonne partie ses difficultés à répondre aux besoins de la population65.
Dans ce contexte, on voit mal comment le développement d’une offre de services de télésanté dans le secteur privé pourrait se faire autrement qu’au détriment des services offerts dans le secteur public. En effet, on peut s’attendre à ce que les embauches réalisées par les fournisseurs privés de soins virtuels privent le réseau sociosanitaire public d’une main-d’œuvre précieuse et déjà insuffisante. Ces effets délétères du privé en santé, qui ne sont pas propres aux soins virtuels, sont très bien illustrés par le cas des agences privées de placement de personnel. En pleine pandémie, celles-ci n’ont pas hésité à drainer les ressources professionnelles du secteur public pour les lui revendre ensuite à prix fort66.
S’il est impossible de connaître le nombre total de professionnel·le·s de la santé qui sont actuellement employé·e·s par les fournisseurs privés de soins virtuels, ce nombre semble pour l’instant relativement peu élevé67. Ainsi, Telus Santé et Dialogue, qui font partie des acteurs majeurs du secteur, affirment compter chacune environ 500 professionnel·le·s de la santé parmi leur équipe à l’échelle canadienne, ce qui ne représente qu’une infime proportion (moins de 1 %) des dizaines de milliers de médecins, d’infirmières et d’autres professionnel·le·s à l’œuvre au sein du système public de santé québécois.
Néanmoins, on peut penser que si la croissance extrêmement rapide de l’industrie se poursuit, elle s’accompagnera d’une hausse proportionnelle des efforts de recrutement déployés par ces entreprises. L’augmentation fulgurante des dépenses en rémunération des entreprises du secteur tend à confirmer cette hypothèse. On constate au graphique 5 que pour 4 entreprises du secteur, ces dépenses ont connu une croissance entre 200 et 900 % depuis le début de la pandémie.
Dans certains cas, une partie de cette augmentation rapide pourrait s’expliquer par des acquisitions, comme celle de MindBeacon par CloudMD, susceptibles d’avoir accéléré la hausse des dépenses de rémunération. Notons cependant que la masse salariale de CloudMD a été multipliée par sept entre le premier trimestre de 2020 et le troisième trimestre de 2021, soit avant cette acquisition. Durant la même période, celle de MindBeacon a triplé.
Par ailleurs, on sait aussi que ces entreprises n’hésitent pas à recruter les membres de leur personnel au sein du réseau public. Parmi les 27 médecins qui étaient au service de Dialogue en 2018, 22 participaient au régime public68. L’entreprise et ces médecins profitaient ainsi de la brèche qui existait alors dans le Règlement d’application de la Loi sur l’assurance maladie69. Il va sans dire que les « quelques heures par semaine »70 qui étaient consacrées par ces médecins « à la jeune entreprise »71 ne l’étaient pas aux patient·e·s du réseau public.
Toutefois, les services de télémédecine étant désormais couverts par le régime public, les assureurs privés ne sont en théorie plus autorisés à couvrir ces services, et seul·e·s les médecins désengagé·e·s ou non participant·e·s peuvent vendre leurs services aux fournisseurs privés de soins virtuels. Avec le colmatage de cette brèche, les risques d’un exode des médecins vers l’industrie privée de la télésanté sont donc moins grands que pour les autres catégories d’emploi du secteur de la santé72.
Néanmoins, le risque de privatisation des services médicaux par le truchement de l’industrie de la télésanté n’est pas nul. Bien que le nombre de médecins pratiquant en dehors du régime public reste très restreint au Québec, les médecins sont de plus en plus tenté·e·s par la transition vers le secteur privé. Entre 2004-2005 et 2021-2022, le nombre de médecins désengagé·e·s ou non participant·e·s est passé de 111 à 616, une augmentation de plus de 450 % (graphique 6). Durant la même période, la proportion de médecins pratiquant à l’extérieur du régime public par rapport à l’ensemble des médecins actifs est passée de 0,7 % à près de 3 %73.
Sources : RAMQ, Demande d’accès à l’information ; « Statistiques sur les médecins du Québec », Collège des médecins du Québec, (consulté le 23 septembre 2022). Calculs de l’IRIS.
Or, l’élargissement considérable du bassin de « clientèle » offert aux médecins dans le secteur privé par les fournisseurs de soins virtuels pourrait accélérer cette tendance à la privatisation forte des services médicaux74. Ce risque est bien réel puisqu’à elles seules, les entreprises Telus et Dialogue rejoignent déjà plus de six millions de personnes à l’échelle canadienne avec leurs services de soins virtuels75.
De plus, rappelons qu’un flou persiste quant à la portée de l’exception permettant aux employeurs de payer les services d’un médecin pour leurs employé·e·s76. Il semble que ce flou soit déjà exploité par les assureurs privés et les fournisseurs de soins virtuels puisque « certains intervenants proposent ouvertement d’intégrer des services médicaux en téléconsultation dans le cadre de régimes privés d’assurances ou d’avantages sociaux »77, alors que, ces services étant couverts par le régime public, ils ne peuvent en théorie faire l’objet d’une couverture dans le secteur privé sans enfreindre l’interdiction des assurances duplicatives.
Rappelons également que les contraintes légales et réglementaires qui limitent les possibilités de privatisation forte des services médicaux ne s’appliquent pas aux autres types de services professionnels. Cela signifie que les professionnel·le·s non médecins peuvent librement pratiquer à la fois dans le public et le privé, et que leurs services peuvent être couverts par des assurances privées. Pour ces catégories d’emploi, l’accaparement de la main-d’œuvre par le secteur privé est déjà bien réel.
Ainsi, alors que les services médicaux sont financés à 98 % par les fonds publics, les autres services professionnels de santé sont financés par le secteur privé (individus et assurances) à 75 %78. De même, une proportion importante des membres de différentes catégories professionnelles pratique actuellement dans le secteur privé, privant ainsi le secteur public de ressources importantes (graphique 7).
Bien que des services de physiothérapie, d’audiologie et d’orthophonie soient offerts à distance par des cliniques privées spécialisées dans ces domaines, les fournisseurs de soins virtuels dont il est question ici recrutent surtout parmi les infirmières, psychologues, ergothérapeutes et travailleurs sociaux et travailleuses sociales (pour lesquel·le·s les données sur les secteurs de pratique ne sont pas disponibles). Pour ces catégories d’emploi, et éventuellement pour les autres aussi, on peut s’attendre à ce que la croissance rapide de l’industrie privée de la télésanté contribue à accentuer la privatisation des services et ses conséquences pour l’équité dans l’accès aux services.
4.2 Risque pour l’équité dans l’accès aux services
Les services de télésanté, qu’ils soient offerts par le secteur public ou le secteur privé, sont associés à certains risques pour l’équité dans l’accès aux services. Les inégalités dans l’accès à Internet et dans le niveau de littératie numérique sont un des éléments importants contribuant à ces risques d’iniquité. Ainsi, selon une enquête effectuée par Inforoute Santé du Canada, « 60 % des Canadiens […] pensent qu’ils n’ont pas une connaissance suffisante des applications et services de santé numériques, et plus d’un quart des Canadiens n’ont pas un accès fiable aux services Internet »79.
Si les personnes âgées sont surreprésentées parmi les personnes qui ont des difficultés d’accès aux technologies numériques, ces difficultés sont liées avant tout aux inégalités socioéconomiques. En effet, « les populations socialement et économiquement vulnérables sont les plus durement touchées par les inégalités numériques »80. Sans surprise, au Québec, les ménages ayant les plus faibles revenus sont aussi ceux où les difficultés d’accès aux services numériques sont les plus importantes81.
Or, c’est aussi parmi ces populations (les personnes âgées et celles qui sont les plus vulnérables sur le plan socioéconomique) que l’on retrouve les besoins les plus importants en matière de santé. Ainsi, « [m]algré le potentiel des soins fournis de façon virtuelle, les patients qui ont le plus à gagner sont aussi souvent ceux qui sont le moins à même d’y accéder et d’en profiter »82.
Durant la pandémie, ces inégalités numériques se sont concrètement traduites dans le fait que, dans les quatre provinces canadiennes pour lesquelles des données sont disponibles, les personnes appartenant au quintile de revenu inférieur ont eu moins recours aux services médicaux virtuels que les personnes appartenant au quintile de revenu supérieur (tableau 4).
Dans ce contexte, les soins virtuels risquent d’aggraver la fracture numérique et les iniquités en santé83. Si ces problèmes ne sont pas propres aux services offerts dans le secteur privé, la place grandissante occupée par les entreprises de soins virtuels à but lucratif ne peut qu’accentuer les inégalités dans l’accès aux services sociosanitaires.
Cela est particulièrement vrai lorsque les services de télésanté offerts par ces fournisseurs privés sont payés directement par les individus ou financés par les employeurs par l’entremise d’assurances collectives ou de régimes d’avantages sociaux84. Ce modèle de financement privé/prestation privée est en effet le plus susceptible de créer ce qu’il est convenu d’appeler un « système à deux vitesses », dans lequel les personnes ayant des moyens financiers suffisants pour payer directement les services ou ayant la chance de bénéficier d’un régime d’assurances collectives auprès de leur employeur peuvent contourner la « file d’attente » dans le secteur public85.
Un argument central des promoteurs du privé est d’affirmer que leurs services bénéficient en fait à l’ensemble de la population puisqu’en réduisant les listes d’attente, ils permettent de « désengorger » le système public pour les personnes qui n’ont pas accès aux services offerts par le secteur privé. Or, c’est plutôt l’inverse qui se produit : « [i]l a […] été prouvé que l’expansion des services de soins de santé à but lucratif fait souvent augmenter les temps d’attente dans le système public »86.
Une des raisons expliquant cela se trouve dans le fait que, comme nous l’avons montré dans la section précédente, le développement d’une offre privée de services passe par le recrutement d’une main-d’œuvre qui, en s’engageant auprès des entreprises du secteur, n’est plus disponible (ou l’est moins) pour travailler dans le système public. Avec l’essor rapide de l’industrie de la télésanté, les personnes les plus vulnérables risquent donc « de voir leur accès aux soins se réduire davantage lorsque des médecins [ou d’autres professionnel·le·s] du système public choisissent de travailler plutôt dans des entreprises à but lucratif »87.
Les personnes racisées étant surreprésentées parmi les populations marginalisées et défavorisées, le développement des soins virtuels peut aussi avoir pour conséquence d’exacerber les inégalités raciales préexistantes. Ainsi, aux États-Unis, les services de soins virtuels offerts par Kaiser Permanente sont davantage utilisés par les personnes jeunes et non racisées, et beaucoup moins par celles qui sont âgées ou racisées88.
Au Québec, ce sont aussi les personnes les plus vulnérables et celles ayant les besoins de santé les plus importants qui risquent d’être victimes de la ponction des ressources publiques par les fournisseurs privés de soins virtuels. En 2020, 3,4 millions de personnes, soit près de 40 % de la population, étaient inscrites au régime public d’assurance médicaments, ce qui signifie également qu’elles n’avaient pas accès à un régime d’assurance collective offert par leur employeur. Lorsqu’on observe le profil sociodémographique de ces personnes, on constate que les personnes âgées de 65 ans et plus ainsi que les personnes les plus défavorisées sur le plan socioéconomique y sont fortement surreprésentées (tableau 5).
Or, ce sont précisément ces personnes qui ne peuvent avoir accès aux services de soins virtuels vendus par les fournisseurs privés aux assureurs et aux employeurs. Ce sont elles aussi qui risquent le plus de souffrir de la perte de ressources professionnelles que subira le système public de santé au profit des entreprises de télésanté à but lucratif si cette industrie poursuit sa croissance frénétique.
Dans le cas où le coût des services offerts par cette industrie en viendrait à être couvert par le régime public, comme c’est le cas dans plusieurs provinces, les problèmes d’équité provoqués par l’essor des services privés de télésanté seraient alors moins criants. Cependant, d’autres problèmes pourraient surgir. On sait par exemple que les soins virtuels offerts par les fournisseurs privés peuvent être associés à une augmentation des coûts, notamment parce que les services sont parfois dupliqués (ex. : recommandation d’une consultation en personne auprès d’un médecin du public après une téléconsultation auprès d’une plateforme privée incapable de répondre au besoin de la personne)89. En outre, étendre la couverture publique aux soins virtuels offerts par ces entreprises n’évacuerait pas les risques pour la qualité des services associés à cette industrie.
4.3 Risques pour la qualité des services
Avec l’essor de l’utilisation des soins virtuels depuis le début de la pandémie, des inquiétudes ont été exprimées par différentes autorités quant aux risques de détérioration de la qualité des services associés à la télésanté. Certains de ces risques ne sont pas propres au secteur privé. Ainsi, dans son rapport annuel 2021-2022, la Vérificatrice générale a exprimé des craintes d’une baisse de la qualité des soins en raison du virage rapide vers la télémédecine opéré par le réseau public. Elle déplorait notamment que le MSSS n’ait pas encadré ces nouvelles pratiques assez rapidement et que des consultations médicales nécessitant un examen physique, ou à tout le moins un contact visuel, aient été faites par téléphone90.
De même, le Collège des médecins du Québec a critiqué certaines pratiques posant des problèmes de sécurité ou de qualité des soins en lien avec l’essor des téléconsultations durant la pandémie91. Avant même la fin de 2020, certaines pratiques jugées problématiques avaient amené des patient·e·s à entamer des poursuites judiciaires pour erreur médicale92.
Le développement de ce type de services dans le secteur privé pose certains risques particuliers. De manière générale, on sait que la privatisation des services de santé est associée à une détérioration de la qualité des soins93. Une des raisons expliquant ce phénomène concerne la priorité des entreprises privées à but lucratif, à savoir la maximisation des profits, et non l’amélioration de la santé des patient·e·s94.
En ce qui concerne plus précisément les soins virtuels, il faut souligner tout d’abord que, si le MSSS a tardé à développer un cadre normatif pour les pratiques de consultation à distance, ce cadre existe désormais95. Cependant, il ne s’applique pas aux médecins et aux professionnel·le·s pratiquant au sein des entreprises privées de télésanté. Bien que ces médecins et professionnel·le·s restent soumis·e·s aux normes imposées par leurs codes de déontologie respectifs, leur pratique est encadrée moins étroitement que celle des travailleuses et des travailleurs du réseau public.
Les risques de détérioration de la qualité des services propres au secteur privé sont aussi dus au fait que les fournisseurs comme Telus Santé, Dialogue et Maple proposent essentiellement des services de type « clinique virtuelle sans rendez-vous » offrant des soins de manière épisodique et ponctuelle. Or :
[l]e [Collège des médecins et chirurgiens de la Colombie-Britannique] a reçu de nombreuses allégations de soins insuffisants dispensés par des cliniques de soins virtuels sans rendez-vous. Un comité du [Collège] qui enquête sur la question a déterminé qu’il est « presque impossible pour les médecins de respecter les normes attendues pour la majorité des patients qui consultent de cette façon pour des troubles épisodiques »96.
Un des problèmes associés à ce type de services est qu’il pose des risques pour l’intégration des services et la continuité des soins97. En effet, les services offerts par les fournisseurs privés de soins virtuels sont le plus souvent prodigués de manière sporadique, cloisonnée et déconnectée des autres services de première ligne. Les médecins ou autres professionnel·le·s qui pratiquent au sein de ces entreprises le font généralement sans établir de relation continue avec les patient·e·s, sans avoir une bonne connaissance de leur dossier plus large et sans transmettre les informations pertinentes aux autres professionnel·le·s du réseau impliqué·e·s auprès de ces patient·e·s. Le Collège des médecins du Québec a d’ailleurs jugé nécessaire de rappeler aux médecins des plateformes privées de télémédecine leurs obligations déontologiques en matière de suivi et de transmission de l’information98.
La continuité des soins a pourtant des effets démontrés sur l’amélioration de la santé et de la qualité de vie des patient·e·s ainsi que sur la réduction des hospitalisations et du recours aux services d’urgence, surtout pour les personnes avec des problèmes de santé complexe ou des maladies chroniques99.
Enfin, l’impératif de maximisation des profits peut « nuire aux résultats cliniques »100, notamment parce que la « préoccupation de générer des revenus […] limite la possibilité pour les fournisseurs de passer du temps à nouer des liens étroits avec les patients en tant que partenaires de leurs soins »101. Cet impératif peut également conduire à des problèmes de surdiagnostic et de surtraitement puisque, « [d]ans bien des cas, les entreprises à but lucratif encouragent la prescription de tests inutiles sur le plan médical et font de la publicité directement auprès des patients et des fournisseurs »102.
Conclusion
La couverture par le régime public des services de télémédecine qui a fait suite au déclenchement de la pandémie de COVID-19 a permis une amélioration de l’accès à ce type de services pour l’ensemble de la population du Québec. Cependant, la crise sanitaire a également provoqué un essor fulgurant des fournisseurs privés de soins virtuels qui est préoccupant pour la pérennité du système public de santé.
En effet, si la croissance extrêmement rapide de ces entreprises à but lucratif se poursuit au cours des prochaines années, on peut s’attendre à ce qu’elle s’accompagne d’une ponction grandissante des ressources professionnelles du secteur de la santé et des services sociaux. Alors que ce secteur est aux prises avec une pénurie de main-d’œuvre importante, ces développements menacent de conduire à une détérioration de la qualité des services et à des problèmes d’équité dans l’accès aux soins.
L’extension de la couverture publique aux services de télémédecine a permis de refermer une brèche dans la Loi sur l’assurance maladie et son règlement d’application et de réduire les risques de privatisation forte des services médicaux. Néanmoins, certains flous subsistent à cet égard, qui pourraient être exploités par l’industrie de la télésanté pour accentuer la place du secteur privé dans le financement des services médicaux (assurances privées et paiements directs par les individus). De plus, l’absence de limites légales au financement privé des services de santé prodigués par les professionnel·le·s non médecins laisse la porte grande ouverte à une extension considérable de la privatisation de ce type de services sous l’impulsion des fournisseurs de soins virtuels.
Dans ce contexte, il est impératif de clarifier rapidement les imprécisions du cadre juridique actuel afin d’exclure explicitement le financement privé des services de télémédecine, y compris par l’entremise des régimes d’assurance et d’avantages sociaux offerts par les employeurs à leurs employé·e·s.
Par ailleurs, rappelons que les fournisseurs de soins virtuels privés comptent notamment sur la détérioration des services sociosanitaires publics pour favoriser le développement d’un « marché » de la santé. Il est donc également essentiel d’opérer un refinancement de ces services, en particulier en première ligne et en santé mentale, qui sont les principaux secteurs visés par l’industrie de la télésanté. Un tel refinancement doit permettre d’atteindre deux objectifs complémentaires : 1) améliorer l’accès à ces services pour la population afin de réduire le besoin d’avoir recours au secteur privé ; 2) améliorer les conditions de travail des employé·e·s du secteur public afin de réduire leur exode vers l’industrie de la télésanté à but lucratif.
Notes de fin de document
1 MINISTÈRE DE LA SANTÉ ET DES SERVICES SOCIAUX (MSSS), Gouvernance, gestion de projets et de services utilisant la télésanté au Québec, Cadre de référence, 2018, telesantequebec.ca/wp-content/uploads/2020/12/Cadre_de_reference_telesante_1.0.pdf.
2 Fanny LÉVESQUE, « Bientôt l’hospitalisation à domicile ? », La Presse, 13 avril 2022, www.lapresse.ca/actualites/sante/2022-04-13/refondation-du-systeme-de-sante/bientot-l-hospitalisation-a-domicile.php.
3 Voir la liste des produits et services technologiques certifiés pour le dossier médical électronique, établie par le Bureau de certification et d’homologation (BCH) du MSSS, ti.msss.gouv.qc.ca/getdoc/d17f284c-8ada-4249-ba64-c49085852f76/2020_12_22_Telesante.aspx.
4 Voir la Liste des technologies autorisées pour la télésanté (soins virtuels), établie par le BCH du MSSS, www.ti.msss.gouv.qc.ca/getdoc/29fb16c9-c1b1-43da-a1fb-55c9034aeff8/TechnologiesAutoriseesTelesante20210222.aspx.
5 Cela ne signifie pas que la privatisation technique ne pose aucun risque pour l’accès universel et gratuit aux services. L’exemple de la plateforme payante de prise de rendez-vous Bonjour-santé, qui est parvenue à empêcher le déploiement universel de la plateforme publique et gratuite Rendez-vous santé Québec, est très révélateur. Voir Nicolas LACHANCE, « Québec va payer pour Bonjour Santé », Le Journal de Québec, 19 août 2020, www.journaldequebec.com/2020/08/19/quebec-va-payer-pour-bonjour-sante.
6 Will FALK, L’état des soins virtuels au Canada à la troisième vague de la pandémie de COVID-19 : diagnostic précoce et recommandations en matière de politique, Santé Canada, 2021, www.canada.ca/fr/sante-canada/organisation/transparence/ententes-en-matiere-de-sante/accord-bilateral-priorites-pancanadiennes-matiere-de-soins-virtuels-covid-19/troisieme-vague-diagnostic-precoce-recommandations-politique.html#a9.
7 Loi sur l’assurance maladie (LAM), Assemblée nationale du Québec, Québec, Éditeur officiel du Québec, ch. A-29, www.legisquebec.gouv.qc.ca/fr/document/lc/A-29.
8 Ibid., article 22.
9 Ibid., article 15.
10 Anne PLOURDE, Bilan des groupes de médecine de famille (GMF) après 20 ans d’existence – Un modèle à revoir en profondeur, Note socioéconomique, IRIS, mai 2022, iris-recherche.qc.ca/publications/bilan-des-groupes-de-medecine-de-famille-apres-20-ans-dexistence-un-modele-a-revoir-en-profondeur/.
11 FALK, op. cit., p. 25.
12 Voir la section 4.1.
13 Cette affaire renvoie à une poursuite judiciaire intentée contre l’État québécois par le médecin Jacques Chaoulli, qui souhaitait faire invalider l’interdiction des assurances duplicatives. La juge de première instance avait débouté Jacques Chaoulli, qui a également perdu en seconde instance, mais il a eu gain de cause devant la Cour suprême du Canada en 2005. Dans sa réponse au jugement, le gouvernement du Québec a limité le droit de souscrire à des assurances privées duplicatives à certaines chirurgies, ce qui n’a pas empêché ce jugement de marquer un tournant important dans le processus de privatisation des services de santé au Québec. Voir Marie-Claude PRÉMONT, « Clearing the Path for Private Health Markets in Post-Chaoulli Quebec », Health Law Journal, 2008, p. 237-263.
14 Cité dans Marco LAVERDIÈRE, Aude MOTULSKY et Catherine RÉGIS, « Téléconsultations médicales au Québec : faut-il craindre un développement “anarchique” dans le secteur privé ? », Billet de blogue, Chaire de recherche du Canada sur la culture collaborative en droit et politiques de la santé, 25 novembre 2021, www.chairesante.ca/articles/2021/teleconsultations-medicales-au-quebec-faut-il-craindre-un-developpement-anarchique-dans-le-secteur-prive/.
15 Règlement d’application de la Loi sur l’assurance maladie (RALAM), Assemblée nationale du Québec, Québec, Éditeur officiel du Québec, ch. A-29, r. 5, art. 22d, www.legisquebec.gouv.qc.ca/fr/document/rc/A-29,%20r.%205#se:22.
16 Décret numéro 177-2020, Assemblée nationale du Québec, Québec, Éditeur officiel du Québec, 13 mars 2020, cdn-contenu.quebec.ca/cdn-contenu/adm/min/sante-services-sociaux/publications-adm/lois-reglements/decret-177-2020.pdf?1584224223.
17 RÉGIE DE L’ASSURANCE MALADIE DU QUÉBEC (RAMQ), « Fin des modalités applicables en période de pandémie de COVID-19 et dispositions transitoires – Lettre d’entente no 229 », Infolettre RAMQ, 13 mai 2022, www.ramq.gouv.qc.ca/SiteCollectionDocuments/professionnels/infolettres/2022/info036-22.pdf.
18 RALAM, op. cit., article 22i.
19 RAMQ, Enquête de la RAMQ sur la Clinique chirurgicale de Laval, Rapport d’enquête, 22 mars 2012, collections.banq.qc.ca/ark:/52327/bs2248351. Cité dans LAVERDIÈRE, MOTULSKY et RÉGIS, op. cit.
20 Mélanie BOURASSA FORCIER et Maude LABERGE, Encadrement normatif et contractuel des pratiques de téléconsultation en clinique de première ligne, Rapport de projet, Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations, 2021, cirano.qc.ca/files/publications/2021RP-02.pdf; LAVERDIÈRE, MOTULSKY et RÉGIS, op. cit.
21 RAMQ, Groupe Chaoulli inc., Rapport d’enquête, 22 janvier 2008, numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/46827?docref=fBa8eW3eU23BRHJblahkgA; RAMQ, Enquête…, op. cit. Dans le premier cas, la RAMQ a conclu que les pratiques du Groupe Chaoulli étaient légales (il s’agit bien du même médecin que celui de l’affaire Chaouilli), mais dans l’autre, qu’elles étaient illégales.
22 Voir la section 4.1.
23 MORDOR INTELLIGENCE, Marché de la télémédecine – Croissance, tendances, impact du COVID-19 et prévisions (2022-2027), Rapport, 2021, www.mordorintelligence.com/fr/industry-reports/global-telemedicine-market-industry.
24 Sabrina FEKIH, « Télémédecine : les fournisseurs multiplient les partenariats avec les assureurs », Le Journal de l’assurance, 19 avril 2022, portail-assurance.ca/sante/telemedecine-les-fournisseurs-multiplient-les-partenariats-avec-les-assureurs/.
25 MORDOR INTELLIGENCE, op. cit.
26 Oleg BESTSENNYY et autres, « Telehealth: A quarter-trillion-dollar post-COVID-19 reality? », McKinsey & Company, 9 juillet 2021, www.mckinsey.com/industries/healthcare-systems-and-services/our-insights/telehealth-a-quarter-trillion-dollar-post-covid-19-reality.
27 Ibid.
28 Alain MCKENNA, « Telus Santé fait son chemin vers la Bourse », Le Devoir, 30 août 2022, www.ledevoir.com/economie/750537/telecommunications-telus-sante-fait-son-chemin-vers-la-bourse.
29 FALK, op. cit.
30 Rapports financiers des entreprises.
31 Martin JOLICOEUR, « AlayaCare forcée de réduire ses effectifs », Le Journal de Montréal, 23 août 2022, www.journaldemontreal.com/2022/08/23/alayacare-forcee-de-reduire-ses-effectifs.
32 FALK, op. cit., p. 22.
33 MORDOR INTELLIGENCE, op. cit.
34 Francis HALIN, « “Netflix de la Santé” : un médecin sur demande pour 15 $ par mois », Le Journal de Montréal, 25 janvier 2021, www.journaldemontreal.com/2021/01/25/un-medecin-sur-demande-pour-15dollars-par-mois.
35 FALK, op. cit.
36 Simon LORD, « Telus Santé veut grandir avant de penser à la Bourse », Les Affaires, novembre 2020, www.lesaffaires.com/bourse/nouvelles-economiques/telus-sante-veut-grandir-avant-de-penser-a-la-bourse/623554.
37 MCKENNA, op. cit.
38 FALK, op. cit.
39 FEKIH, op. cit.
40 Alain THÉRIAULT, « Green Shield veut devenir le principal fournisseur de soins au pays », Le Journal de l’assurance, 21 mars 2022, portail-assurance.ca/article/green-shield-veut-devenir-le-principal-fournisseur-de-soins-au-pays/.
41 FALK, op. cit. ; MORVAN, op. cit.
42 Julien ARSENAULT, « L’entreprise Dialogue veut aller en Bourse », La Presse, 8 mars 2021, www.lapresse.ca/affaires/marches/2021-03-08/telemedecine/l-entreprise-dialogue-veut-aller-en-bourse.php.
43 PLOURDE, op. cit.
44 Anne PLOURDE, Le capitalisme, c’est mauvais pour la santé : une histoire critique des CLSC et du système sociosanitaire québécois, Montréal, Écosociété, 2021.
45 CLOUDMD SOFTWARE & SERVICES INC., Condensed Interim Consolidated Financial Statements for the three months ended March 31, 2022 and 2021 (unaudited), mai 2022, p. 7.
46 « À propos de nous », Maple, www.getmaple.ca/fr/a-propos/ (consulté le 19 septembre 2022).
47 THÉRIAULT, op. cit.
48 CLINIQUE SANTÉ VIRTUELLE OLIVE, « Une appli québécoise pour consulter un professionnel de la santé en quelques minutes », La Presse XTRA, Contenu commandité, 26 janvier 2021, www.lapresse.ca/xtra/2021-01-26/clinique-sante-virtuelle-olive/une-appli-quebecoise-pour-consulter-un-professionnel-de-la-sante-en-quelques-minutes.php.
49 Alain MCKENNA, « Les Uber Files et la fin de l’économie des jobines », Le Devoir, 16 juillet 2022, www.ledevoir.com/economie/734484/analyse-les-uber-files-et-la-fin-de-l-economie-des-jobines; Jimena VALDEZ, « Les “Uber Files” révèlent la stratégie du chaos de l’entreprise : peut-être vraiment changer ? », The Conversation, 17 juillet 2022, theconversation.com/les-uber-files-revelent-la-strategie-du-chaos-de-lentreprise-peut-elle-vraiment-changer-186937; Clara DALLAIRE-FORTIER et Guillaume HÉBERT, Le travail sous le capitalisme de plateforme, Note socioéconomique, IRIS, janvier 2020, iris-recherche.qc.ca/publications/le-travail-sous-le-capitalisme-de-plateforme/.
50 Ibid.
51 FALK, op. cit., p. 13.
52 PLOURDE, Bilan…, op. cit.
53 CLOUDMD SOFTWARE & SERVICES INC., op. cit.
54 « À propos de Telus Santé », Telus Santé, www.telus.com/fr/health/about-telus-health (consulté le 19 septembre 2022).
55 Francis HALIN, « La télémédecine privée a l’attention de Dubé », Le Journal de Montréal, 26 avril 2022, www.journaldemontreal.com/2022/04/26/la-telemedecine-privee-a-lattention-de-dube.
56 Dans un tel modèle « à l’américaine », les frais sont en fait payés indirectement par les patient·e·s, puisque les employeurs puisent dans leur enveloppe salariale pour défrayer directement les coûts des services ou pour offrir à leurs employé·e·s une assurance collective couvrant ces services. Dans ce dernier cas, les employé·e·s peuvent devoir cotiser au régime d’assurance et, là encore, payent indirectement pour les services.
57 FALK, op. cit., p. 22.
58 Ibid., p. 75.
59 Ibid., p. 17.
60 HALIN, op. cit. ; Sylvain LAROCQUE, « Québec prête 2 M$ à une techno spécialisée en médecine privée », Le Journal de Montréal, 18 juin 2018, www.journaldemontreal.com/2018/06/18/quebec-prete-2m-a-une-techno-specialisee-en-medecine-privee.
61 JOLICOEUR, op. cit. ; INVESTISSEMENT QUÉBEC (IQ), Québec investit plus de 46 M$ dans AlayaCare, Communiqué, 23 juin 2021, www.investquebec.com/quebec/fr/salle-de-presse/communiques/Quebec-investit-plus-de-46-Millions-de-dollars-dans-AlayaCare.html; ALAYACARE, La Caisse et Inovia Capital investissent 37 M$ US dans AlayaCare pour soutenir sa stratégie d’acquisition, Communiqué, 3 janvier 2020, www.cdpq.com/fr/actualites/communiques/la-caisse-et-inovia-capital-investissent-37-m-us-dans-alayacare-pour; IQ, AlayaCare obtient 33 M$ en capital de croissance d’Inovia Capital, Communiqué, 2 juillet 2019, www.investquebec.com/international/fr/salle-de-presse/communiques/AlayaCare-obtient-33-Millions-de-dollars-en-capital-de-croissance-d-Inovia-Capital.html.
62 LA PRESSE CANADIENNE, « Bill Morneau fera un don d’au moins 5 millions pour effacer la controverse », Radio-Canada, 26 octobre 2017, ici.radio-canada.ca/nouvelle/1063668/canada-ministre-finances-bill-morneau-don-actions-morneau-shepell-commissaire-ethique.
63 HALIN, op. cit. ; Francis HALIN, « Le ministre des Finances défend Fitzgibbon », Le Journal de Montréal, 27 octobre 2021, www.journaldemontreal.com/2021/10/27/le-ministre-des-finances-defend-fitzgibbon.
64 INSTITUT DU QUÉBEC, Regard sur les postes vacants : les secteurs durement touchés augmentent davantage les salaires horaires offerts, Note d’analyse, 21 septembre 2022, institutduquebec.ca/wp-content/uploads/2022/09/20220921-IDQ-Postes-vacants-T2-2022-v3.pdf, Le bond des postes vacants au Québec montre que la pénurie de main-d’œuvre s’accentue, particulièrement en santé, Note d’analyse, 21 septembre 2021, institutduquebec.ca/wp-content/uploads/2021/09/202106-IDQ-Postes-vacants-T22021.pdf.
65 Jacaudrey CHARBONNEAU, « Achalandage et pénurie de personnel : des salles d’accouchement débordées », Radio-Canada, 22 juillet 2021, ici.radio-canada.ca/nouvelle/1810900/achalandage-penurie-personnel-salles-accouchement-debordees; Fanny LÉVESQUE, « Six urgences partiellement fermées cet été », La Presse, 22 juin 2022, www.lapresse.ca/actualites/sante/2022-06-22/penurie-de-personnel/six-urgences-partiellement-fermees-cet-ete.php; Daniel BOILY et Davide GENTILE, « Pénurie d’infirmières : des plans de réduction de services seront annoncés cette semaine », Radio-Canada, 20 juin 2022, ici.radio-canada.ca/nouvelle/1892294/penurie-infirmieres-fermeture-lits-hospitalisation-vacances-plan; Laura LÉVESQUE et Louis-Denis EBACHER, « Préposés aux bénéficiaires : 40 % des candidats ont abandonné », Le Soleil, 19 septembre 2022, www.lesoleil.com/2022/09/19/preposes-aux-beneficiaires--40-des-candidats-ont-abandonne-b35e40b3ca6a03646b35c8e358b06e3d; Isabelle PORTER, « La relève en psychologie retardée par la pénurie », Le Devoir, 27 janvier 2022, www.ledevoir.com/societe/sante/665472/psychologie-la-releve-en-psychologie-retardee-par-la-penurie.
66 Hugo DUCHAINE, « Hausse record en 10 ans : l’exode des infirmières vers les agences privées s’amplifie », Le Journal de Montréal, 1er novembre 2021, www.journaldemontreal.com/2021/11/01/bonds-des-infirmieres-qui-fuient-vers-le-prive; Daniel BOILY et Davide GENTILE, « Jusqu’à 150 $ l’heure pour du personnel infirmier d’agences au Québec », Radio-Canada, 2 décembre 2020, ici.radio-canada.ca/nouvelle/1754101/personnel-infirmier-agences-couts-pandemie-horaires.
67 Alain THÉRIAULT, « EQ Care changera de nom dans quelques jours », Le Journal de l’assurance, 26 avril 2022, portail-assurance.ca/article/eq-care-changera-de-nom-dans-quelques-jours/; « Notre équipe médicale », Dialogue, www.dialogue.co/fr/equipe-medicale (consulté le 22 septembre 2022).
68 LAROCQUE, op. cit.
69 Voir section 2.
70 Ibid.
71 Ibid.
72 LAVERDIÈRE, MOTULSKY et RÉGIS, op. cit.
73 RAMQ, Demande d’accès à l’information; « Statistiques sur les médecins du Québec », Collège des médecins du Québec, www.cmq.org/hub/fr/statistiques.aspx (consulté le 23 septembre 2022).
74 LAVERDIÈRE, MOTULSKY et RÉGIS, op. cit.
75 TELUS, TELUS annonce d’excellents résultats opérationnels et financiers au deuxième trimestre de 2022, Communiqué, 5 août 2022 ; ARSENAULT, op. cit.
76 RALAM, op. cit., article 22i.
77 LAVERDIÈRE, MOTULSKY et RÉGIS, op. cit.
78 Myriam LAVOIE-MOORE, Les services professionnels de santé, Fiche technique, IRIS, avril 2022, iris-recherche.qc.ca/publications/la-progression-du-secteur-prive-en-sante-au-quebec/.
79 SANTÉ CANADA, Améliorer l’accès équitable aux soins virtuels au Canada : recommandations fondées sur des principes en matière d’équité, Rapport de l’équipe spéciale sur l’accès équitable aux soins virtuels, juin 2021, p. 16, www.canada.ca/content/dam/hc-sc/documents/corporate/transparency/health-agreements/bilateral-agreement-pan-canadian-virtual-care-priorities-covid-19/enhancing-access-principle-based-recommendations-equity/fondees-principes-equite-fr.pdf.
80 INSTITUT NATIONAL DE SANTÉ PUBLIQUE DU QUÉBEC, Inégalités d’accès et d’usage des technologies numériques : un déterminant préoccupant pour la santé de la population ?, juin 2021, p. 4, www.inspq.qc.ca/sites/default/files/publications/3148-inegalites-acces-usage-technologies-numeriques.pdf.
81 Ibid.
82 SANTÉ CANADA, op. cit., p. 21. Voir également LE COLLÈGE DES MÉDECINS DE FAMILLE DU CANADA (CMFC), Payer pour l’accès, à quel prix ? Les effets pervers des soins virtuels à but lucratif, janvier 2022, www.cfpc.ca/CFPC/media/Resources/Health-Policy/Corporatization-of-Care-FR.pdf; Lorian HARDCASTLE et Ubaka OGBOGU, « Virtual care : Enhancing access or harming care ? », Healthcare Management Forum, vol. 33, no 6, 2020, p. 288-292.
83 SANTÉ CANADA, op. cit.
84 Ibid., p. 27 ; ASSOCIATION MÉDICALE CANADIENNE (AMC), Document de discussion sur les soins virtuels au Canada, Sommet de l’AMC sur la Santé, août 2019, www.cma.ca/sites/default/files/pdf/News/Virtual_Care_discussionpaper_v1FR.pdf; CMFC, op. cit. ; HARDCASTLE et OGBOGU, op. cit.
85 CMFC, op. cit.
86 CMFC, op. cit., p. 3 ; Stephen J. DUCKETT, « Private care and public waiting », Australian Health Review, vol. 29, n° 1, 2005, p. 87-93; Vanessa BRCIC, « Evidence is in: privately funded health care doesn’t reduce wait times », Billet de blogue, Policy Note, 14 juin 2015, www.policynote.ca/the-evidence-on-wait-times-and-private-care/.
87 CMFC, op. cit., p. 1. Voir également HARDCASTLE et OGBOGU, op. cit., p. 289.
88 CMFC, op. cit., p. 5. Sur le renforcement potentiel des inégalités raciales par l’essor des soins virtuels, notamment pour les peuples autochtones, voir également SANTÉ CANADA, op. cit.
89 Ibid. Voir également HARDCASTLE et OGBOGU, op. cit.
90 Jocelyne RICHER, « Télémédecine : la vérificatrice générale craint une baisse dans la qualité des soins », Le Devoir, 16 mars 2022, www.ledevoir.com/depeches/686772/telemedecine-la-verificatrice-generale-craint-une-baisse-dans-la-qualite-des-soins.
91 COLLÈGE DES MÉDECINS DU QUÉBEC, Téléconsultations : la qualité et la sécurité des soins avant tout, 16 juin 2021, www.cmq.org/nouvelle/fr/teleconsultations-qualite-la-securite-des-soins-avant-tout.aspx.
92 Louise LEDUC, « La télémédecine est-elle bonne pour la santé ? », La Presse, 20 novembre 2020, www.lapresse.ca/actualites/sante/2020-11-30/la-telemedecine-est-elle-bonne-pour-la-sante.php.
93 CMFC, op. cit.
94 Ibid.
95 MSSS, Utilisation de la télésanté en vertu du décret d’urgence sanitaire, 2021, publications.msss.gouv.qc.ca/msss/fichiers/2021/21-915-01W.pdf.
96 CMFC, op. cit., p. 5.
97 Ibid. ; AMC, op. cit. ; SANTÉ CANADA, op. cit. ; HARDCASTLE et OGBOGU, op. cit.
98 COLLÈGE DES MÉDECINS DU QUÉBEC, op. cit.
99 HARDCASTLE et OGBOGU, op. cit. ; CMFC, op. cit.
100 CMFC, op. cit., p. 1.
101 Ibid., p. 3.
102 Ibid., p. 1.