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Le revenu viable en 2024: sortir de la pauvreté en contexte de crise du logement

29 avril 2024


Chaque année depuis 2015, l’IRIS calcule le revenu viable, soit le revenu nécessaire pour sortir de la pauvreté dans différentes localités du Québec et pour différents types de ménage. Dans la première partie de la présente édition, nous décrivons les seuils du revenu viable tels qu’ils se présentent en 2024 selon une méthode actualisée qui permet de déterminer avec plus de justesse les coûts liés notamment à l’alimentation, aux vêtements, au transport et au logement. Dans la deuxième partie, nous examinons en détail les éléments méthodologiques qui différencient l’édition 2024 des éditions précédentes. Nous comparons enfin, dans la troisième partie, le revenu viable à d’autres indicateurs afin de faire le suivi des situations de pauvreté.

Résultats du calcul pour le revenu viable 2024

Dans cette section, nous décrivons le revenu viable pour 2024. Autrement dit, nous présentons le revenu disponible nécessaire pour vivre hors de la pauvreté pendant l’année en cours, pour trois types de ménage : une personne seule, une famille monoparentale avec un·e enfant en centre de la petite enfance (CPE) et une famille de deux adultes et de deux enfants en CPE. Le revenu viable est calculé pour les localités de Montréal, Québec, Gatineau, Sherbrooke, Saguenay, Trois-Rivières et Sept-Îles1.

L’encadré suivant présente le détail des catégories de dépenses qui entrent dans le calcul du revenu viable. Le revenu viable est en effet basé sur le coût d’un panier de biens et services. En ce sens, il serait comparable au revenu disponible2. Nous avons basé la structure de revenu viable sur la mesure du panier de consommation (MPC), ce qui facilite la comparaison entre cet indicateur utilisé comme seuil de pauvreté officiel au Canada et le nôtre, qui se veut un seuil qui permet d’en sortir.

Le calcul du revenu nécessaire pour permettre une réelle inclusion sociale, économique et culturelle et une vie exempte de pauvreté suppose une certaine continuité dans les repères. Toutefois, la société évoluant constamment, il est nécessaire d’adapter le revenu viable afin qu’il reflète les habitudes de consommation et les habitudes de déplacement de la population. L’exercice de changement de l’année de base (rebasement) réalisé cette année va au-delà de la simple mise à jour des données utilisées. Certaines sources de données et certains calculs ont également été ajustés pour refléter au mieux la réalité d’un ménage ayant une vie hors de la pauvreté. Cela signifie cependant qu’il y a un certain défi de continuité à prendre en considération entre 2023 et 2024. C’est également le cas à chaque révision de la MPC. La hausse observable d’une année à l’autre peut en effet être attribuable, en partie, aux changements méthodologiques, comme nous le verrons plus loin.

Le graphique 1 présente les montants du revenu viable calculés en 2024 pour les sept localités et les trois types de ménage considérés.

Coût de la vie pour un ménage d’une personne seule

Pour qu’une personne seule puisse vivre dignement en 2024, nous évaluons qu’elle doit pouvoir compter sur un revenu disponible se situant entre 30 738 $ (Trois-Rivières) et 43 609 $ (Sept-Îles). Les montants liés aux différentes catégories de dépenses dans chacune de ces localités figurent au tableau 1. Ces montants sont calculés à titre indicatif : il est probable et même inévitable qu’un ménage équilibre ses dépenses autrement en fonction de sa réalité.

On remarquera que, dans la section transport, le transport en commun est privilégié, tant pour ses avantages sur le plan environnemental que pour réduire les coûts du panier de consommation, mais qu’il n’est pas retenu pour la localité de Sept-Îles. Cela s’explique par le fait que l’offre de transport en commun est fonctionnelle pour une personne seule à Montréal, Québec, Trois-Rivières, Saguenay, Gatineau et Sherbrooke, mais pas à Sept-Îles. Notons qu’il existe dans cette localité de la Côte-Nord un service municipal de transport collectif, soit le taxibus. Nous n’avons toutefois pas retenu ce moyen de transport pour la personne seule de Sept-Îles puisque le service n’est disponible que du lundi au vendredi sur un horaire limité et que son mode de fonctionnement (réservation d’avance par téléphone) ne nous semble pas optimal pour une vie active. Il s’agit néanmoins d’une option intéressante pour des déplacements ponctuels.

Coût de la vie pour un ménage monoparental avec un·e enfant en CPE

Le tableau 2 indique le revenu disponible annuel nécessaire à un ménage monoparental avec un·e enfant fréquentant un CPE pour vivre hors de la pauvreté dans les sept localités retenues3. Nous ajustons à l’échelle les montants énumérés pour le panier de dépenses convenu. Notons que le coût du loyer est calculé selon les chiffres de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) pour un appartement de deux chambres. En comparaison du calcul pour les personnes seules, nous avons retenu le même type de moyen de transport pour l’ensemble des localités excepté Saguenay, où une voiture devient nécessaire pour qui a la charge d’un·e enfant4.

Coût de la vie pour un ménage de deux adultes et de deux enfants en CPE

Le tableau 3 présente le revenu disponible annuel nécessaire pour vivre hors de la pauvreté pour une famille composée de deux adultes et de deux enfants en CPE, dans chacune des sept localités étudiées.

Pour le panier de dépenses de ce type de ménage, nous optons désormais pour un appartement de trois chambres. L’explication de ce choix se trouve plus bas, dans la section consacrée au rebasement.

Nous budgétons un titre de transport en commun mensuel et une voiture pour les villes de Montréal, Québec, Gatineau, Sherbrooke, Saguenay et Trois-Rivières5. Pour Sept-Îles, nous incluons deux voitures et les dépenses afférentes, en raison de l’offre insuffisante de transport en commun dans cette localité et en supposant que les deux adultes doivent se déplacer pour leur travail.

De 2023 à 2024, comme on peut le voir dans le tableau 4, le revenu viable a augmenté dans toutes les localités, affichant une hausse minimale de 6,2 % à Gatineau (pour une famille de 2 adultes et 2 enfants) et une hausse maximale de 19,3 % à Montréal (pour une personne seule). Alors que Gatineau avait connu l’augmentation la plus importante en 2023, c’est le contraire qu’on observe en 2024. Cela s’explique, en partie, par une diminution des loyers moyens pour les 4 ½ et les 5 ½, après une année de croissance record.

Toutefois, lorsque l’on considère la croissance du revenu viable sur deux ans, l’écart entre Gatineau et les autres villes se réduit beaucoup, bien que la hausse demeure sous la moyenne.

Dans les 21 situations examinées pour le revenu viable, la hausse du coût du panier de consommation est bien plus élevée que le taux général d’inflation (4,5 %) et, dans toutes les situations, que le taux d’augmentation du salaire minimum (3,28 %). Ce constat montre bien l’importance de prendre en compte le poids que représentent les dépenses essentielles relativement aux revenus disponibles. Ces variations témoignent de la hausse du coût de la vie au bas de l’échelle, mais sont également le reflet du rebasement entrepris cette année et dont le détail se retrouve dans la section suivante ainsi que dans les annexes.

Quand l’inflation touche principalement le coût des aliments de base, comme les céréales et les produits laitiers, l’accès à un revenu suffisant devient littéralement une question de pain et de beurre. Une livre de beurre à 8 $, et même plus dans les épiceries de quartier, pèsera davantage sur un revenu disponible de 20 000 $ que sur un autre de 40 000 $ ou de 80 000 $, tandis qu’elle sera tout simplement inabordable pour une personne ne disposant que de la garantie de revenu minimale, soit l’aide sociale de base. Il en va de même pour le coût du logement, qui plus est dans un marché où le taux d’inoccupation est faible, d’une part, et où le nombre de logements sociaux est insuffisant, d’autre part6.

Regardons maintenant plus en détail les changements qui ont été apportés en 2024 au calcul du revenu viable.

Rebasement et changements méthodologiques

Pour déterminer le revenu viable, l’IRIS établit depuis 2015 un panier de consommation pour les trois types de ménage mentionnés précédemment. Historiquement, le coût de ce panier a été calculé d’abord pour deux7, puis pour cinq8, puis pour sept localités québécoises9. À partir de 2019, nous avons décidé que la composition du revenu viable ferait l’objet d’une révision tous les cinq ans. Cette démarche permet de réfléchir à l’évolution de ce qui rend possible la sortie de la pauvreté ainsi que de mettre à jour la méthodologie pour calculer le plus précisément possible le coût qui est associé à chaque catégorie de bien ou service. Cette façon de faire est semblable au processus entourant l’estimation de la mesure du panier de consommation (MPC) : Statistique Canada revoit périodiquement sa méthodologie en consultation avec des expert·e·s, des groupes de défense des droits, des personnes vivant dans la pauvreté et des représentant·e·s politiques. À défaut d’entreprendre un tel chantier consultatif, nous avons revu aussi méthodiquement que possible chacun des postes de dépenses qui entrent dans le calcul de l’indicateur du revenu viable.

Dans certains cas, les changements sont relativement mineurs, mais dans d’autres, ils sont plus considérables. De fait, le revenu viable pour 2024 se compare plus difficilement à ceux des années passées.

Habituellement, la méthodologie du revenu viable, y compris le détail des calculs et des sources retenues, se trouve en annexe. Toutefois, pour aider à comprendre les différences entre 2023 et 2024, nous mettons ici de l’avant certains des choix qui ont été faits.

Alimentation

Afin de déterminer le coût associé à la catégorie « aliments », les éditions précédentes du revenu viable se basaient sur les calculs d’Alima (anciennement le Dispensaire diététique de Montréal). Nous obtenions les données pour Montréal, puis nous les ajustions pour les autres localités en tenant compte des écarts de prix constatés dans différentes études effectuées dans les années précédentes. Or, deux éléments nous ont amenés à revoir cette façon de faire.

D’une part, Alima a changé sa méthodologie en 2021 pour calculer le « panier à provisions nutritif et économique » (PPNE), qui remplace désormais le « panier à provisions nutritif ». Puisque le nouveau PPNE contient une moins grande quantité totale d’aliments et remplace certains aliments par d’autres au coût plus bas, la composition de l’épicerie ne correspond plus à notre définition de la « sortie de la pauvreté ». Nous avons tenté de contourner ce problème en utilisant un modificateur, mais celui-ci étant basé sur la différence entre les deux paniers, il était difficilement utilisable à long terme. En effet, étant donné la disparition du panier à provisions nutritif, il était difficile de mettre à jour le modificateur pour tenir compte de l’évolution du prix des différents aliments.

Nous nous sommes donc tournés vers une autre source, l’IRIS n’étant pas le seul organisme à estimer le coût différencié des paniers d’épicerie pour des ménages qui se trouvent dans différentes situations économiques. Le United States Department of Agriculture (USDA) calcule le coût moyen des dépenses en alimentation selon quatre scénarios de revenus : les paniers économiques (thrifty), abordables (low cost), modérés (moderate) et généreux (liberal). Ses données sont publiées mensuellement et présentées en fonction de l’âge des personnes qui composent le ménage. D’après la méthodologie du USDA, le panier qui se rapproche le plus du PPNE est le premier, l’économique. Pour ce qui est de la sortie de la pauvreté, nous avons choisi le panier modéré pour les adultes et généreux pour les enfants, considérant que ces derniers doivent avoir accès à une grande diversité de nourriture dès leur plus jeune âge afin de favoriser leur plein développement. Ces choix offrent plus de marge de manœuvre aux familles. Bien que les réalités étasunienne et québécoise ne soient pas les mêmes, nous avons jugé que le rapport entre ces deux paniers pouvait être un indicateur utile pour nos calculs. Nous avons donc calculé le ratio entre le panier économique et le panier approprié pour chaque personne de chaque ménage afin de déterminer un modificateur que nous pourrions appliquer dans chaque cas. En toute transparence, nous avons ajouté une ligne pour distinguer le coût du PPNE, qui correspond à une alimentation saine à prix réduit dans laquelle tous les repas sont cuisinés à la maison, et la bonification qui donne une plus grande marge de manœuvre aux ménages, par exemple en permettant l’achat ponctuel de mets préparés, ou encore d’aliments biologiques. Nous prévoyons de recalculer ce ratio chaque année à partir des données de janvier de l’USDA.

D’autre part, le travail que nous avons effectué pour calculer le revenu viable hors des grands centres10 nous a amenés à réévaluer plusieurs catégories et méthodes de calculs. Dans le cas de l’alimentation, il nous semblait évident que simplement appliquer la différence en fonction de la taille des municipalités ne nous permettrait pas d’atteindre le degré de raffinement qu’exigeait notre recherche. Le développement par Alima d’une nouvelle application de collecte de prix a permis de relever les prix dans toutes les localités concernées par l’étude. Lors du rebasement de 2024, il était tout naturel de reprendre cette méthode pour chaque ville. Cela nous a permis, notamment, de constater que Sherbrooke est l’endroit le moins cher où faire son épicerie parmi les villes du revenu viable, et Saguenay, le plus cher. Le prix des aliments est également élevé à Sept-Îles, mais l’exercice nous a permis de voir que nous avions surestimé l’écart par rapport aux autres grands centres. Elle se retrouve ainsi au deuxième rang, à quelques dollars près de Saguenay. Cet exercice, qui offre un portrait régional plus réaliste, demande toutefois un investissement considérable de temps. Pour cette raison, nous utiliserons les informations recueillies en 2024 comme base pour les prochains calculs du revenu viable, que nous ajusterons en fonction de l’inflation liée aux aliments achetés en magasin. Nous relèverons à nouveau les prix lors du prochain rebasement, en 2029, pour mettre à jour les données liées à l’achat de nourriture.

Au tableau 5, nous présentons la différence entre le coût du panier pour l’année 2024 sans le rebasement, donc les chiffres de 2023 ajustés à l’inflation, et celui après que les deux éléments présentés ci-dessus ont été pris en considération. Le coût de l’épicerie est sensiblement plus élevé dans la grande majorité des cas étudiés, à l’exception des personnes seules de Sept-Îles, qui voient une diminution de 2,86 $ par année entre les deux méthodologies. Une grande partie des hausses s’expliquent par le calcul des PPNE spécifiques pour chaque ville.

Vêtements

Pour déterminer les dépenses liées aux vêtements, le calcul du revenu viable se basait par le passé sur les dépenses moyennes de l’ensemble des ménages. Lors du rebasement, nous avons comparé ces montants à ceux de la MPC ainsi qu’à ceux utilisés pour calculer le salaire viable en Colombie-Britannique et en Ontario. Les différences importantes entre le montant auquel nous arrivions et ceux des autres sources nous ont amenés à revoir notre méthodologie. En effet, les montants associés à l’habillement pour le revenu viable étaient plus de deux fois plus élevés que ceux de la MPC pour les familles avec enfant. Or, selon un examen des dépenses de la MPC effectué par Statistique Canada, plus de la moitié des répondant·e·s trouvait que le montant associé aux vêtements était soit adéquat, soit trop élevé11. Il nous semblait donc déraisonnable d’établir le seuil d’une vie hors de la pauvreté à plus du double d’un montant qui satisfaisait autant de personnes. Néanmoins, la sortie de la pauvreté devrait permettre une plus grande marge de manœuvre que le strict minimum auquel correspond la MPC.

Pour obtenir une estimation plus modérée, nous sommes partis des dépenses moyennes par ménage, mais nous nous sommes concentrés sur celles faites par les ménages du deuxième décile, dont le revenu médian est généralement équivalent au revenu viable. Cela nous a permis d’obtenir un montant moyen pour les vêtements pour femmes, hommes et enfants. Or, puisqu’il s’agit de montants moyens pour l’ensemble des ménages, mais qu’ils n’ont pas tous des enfants à charge, nous avons ajusté le montant pour les enfants en prenant en considération la différence moyenne entre les dépenses de l’ensemble des ménages et celles des familles biparentales et monoparentales. Nous avons ainsi déterminé le coût de l’habillement pour une famille de quatre, que nous avons ensuite transposé aux différents types de ménages. Comme on peut le voir au tableau 6, la différence entre 2023 et 2024 est importante. Toutefois, ces montants sont plus élevés que ce qui est prévu dans la MPC et nous semblent une estimation raisonnable des coûts pour les vêtements pour des ménages vivant hors de la pauvreté.

Logement

La crise du logement qui sévit depuis plusieurs années à l’échelle du Québec nous a menés à remettre en question les chiffres utilisés pour calculer le coût des loyers dans les sept villes retenues pour le revenu viable. Bien que les données de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) soient fiables, elles ne permettent pas de représenter la réalité d’un marché en surchauffe. En effet, la SCHL établit le loyer moyen dans les localités de plus de 10 000 habitant·e·s en prenant pour base l’ensemble du parc locatif, donc autant les logements occupés depuis plusieurs années par le même ménage et dont les coûts ont augmenté faiblement que les logements récemment proposés à la location, pour lesquels les prix affichés sont beaucoup plus élevés. Une étude parue en 2023 a comparé le coût des logements selon les données de la SCHL et les annonces publiées sur le site Kijiji entre 2021 et 2023. L’écart est considérable pour toutes les tailles de logement et pour chaque année, particulièrement pour les 5 ½ (voir le graphique 2). L’adoption du projet de loi 31, qui limite la cession de bail, risque d’approfondir cet écart en retirant des mains des locataires un des rares outils de contrôle des hausses des loyers.

Bien que la moyenne de la SCHL donne une idée du coût du parc locatif total, elle sous-estime largement ce que paient les familles ayant de jeunes enfants qui, dans la grande majorité des cas, n’habitent pas à la même adresse depuis aussi longtemps que des ménages plus âgés. De plus, nous sommes d’avis que la sortie de la pauvreté nécessite la capacité de faire des choix. Dans un contexte de hausse rapportée des rénovictions, la capacité de se reloger dans un logement comparable et dans un quartier similaire doit être envisageable avec un budget minimum. Cependant, les chiffres de Kijiji ne sont pas assez exhaustifs pour permettre de déterminer le niveau adéquat à attribuer à cette catégorie de dépense. En outre, la plateforme n’offre qu’un portrait instantané du marché à un moment donné, et aucun moyen de valider la représentativité des annonces à l’échelle du Québec ou ce que les locataires paient effectivement une fois leur bail signé.

Le Centre canadien de politiques alternatives (CCPA) s’est posé le même genre de question en regardant le marché locatif en Colombie-Britannique lorsque est venu le temps de calculer le salaire viable pour la province. À l’aide des données de la SCHL et d’une commande de données à Statistique Canada, le CCPA a été en mesure de calculer la pénalité au déménagement qu’il faut ajouter aux chiffres de la SCHL pour estimer des loyers qui reflètent davantage ce qui est effectivement payé. Au Québec 14,2 % des familles avec enfants de la moitié la plus pauvre de la population ont déménagé dans un nouveau logement locatif en 2020. C’est à Sept-Îles que le taux est plus élevé (21,2 %) et à Montréal qu’il est le plus bas (12,8 %). Pour les personnes seules, le pourcentage est légèrement plus bas à 13,7 %. D’après les chiffres que nous avons obtenus de Statistique Canada, les loyers étaient entre 5,6 et 25,4 % plus élevés pour les familles qui ont déménagé dans l’année selon la ville dans laquelle elles habitaient, et entre 7,9 et 24,2 % pour les personnes seules (tableau 7).

En appliquant ces modificateurs aux coûts moyens des loyers de la SCHL, nous pouvons prendre en considération le coût supplémentaire du loyer en cas de déménagement et ainsi mieux estimer les dépenses réelles des ménages.

Si on applique le modificateur au prix moyen d’un 5 ½ ou plus de la SCHL pour la ville de Montréal, on obtient un loyer moyen de 1445 $. Afin de juger de la justesse de ce montant, nous sommes retournés au site Kijiji pour voir s’il était possible de trouver des logements à ce prix. Sur les 729 annonces disponibles pour un logement de cette taille à Montréal, 34 affichaient un loyer de moins de 1450 $. Or, de ce nombre, 10 concernaient des chambres dans un plus grand logement, 4 étaient en fait une recherche de logement, 3 étaient des 3 ½ mal classés et 2 étaient situés à l’extérieur de l’île de Montréal. De fait, seulement 15 logements répondaient à la recherche initiale12. Bien que ce soit peu, cela démontre que ce montant peut être réaliste, quoique rare13. À l’inverse, si nous utilisons le montant moyen de la SCHL, le nombre de logements potentiels est réduit de moitié. Nous estimons donc que nos calculs offrent une meilleure marge de manœuvre sans toutefois laisser une grande liberté de choix.

À partir de 2024, nous supposerons que les ménages de quatre personnes (deux adultes et deux enfants) habitent un 5 ½. Nous croyons que ce changement est justifié, bien que deux enfants d’âge préscolaire puissent partager une chambre. D’une part, ce type de logement permet à la famille de s’adapter aux besoins d’intimité d’enfants qui grandissent ; d’autre part, il offre aux parents qui travailleraient de la maison une flexibilité supplémentaire. Cet ajustement nous permet en outre de nous arrimer aux choix faits lors du rebasement de la MPC.

Un autre changement important pour la catégorie de dépenses en logement en 2024 porte sur le calcul des frais d’assurances. Alors que nous utilisions, par le passé, la prime minimale pour l’ensemble du Québec, dans le cadre du rebasement, nous avons choisi de demander des soumissions pour trois adresses par ville, selon différentes modalités (taille de l’immeuble, étage du logement, etc.) pour 20 000 $ de biens. Nous avons trouvé un écart de près de 100 $ entre la ville dont l’assurance est la plus chère (Saguenay) et celle où elle l’est le moins (Gatineau). De plus, l’expérience nous a démontré que nous avions grandement sous-estimé le coût d’une assurance habitation décente, puisque ce poste de dépense est près de deux fois plus élevé que ce qui était utilisé précédemment pour la majorité des ménages.

Transport

Dans le cas du transport, les changements sont plus modestes. Toutefois, deux catégories ont été ajoutées, soit « Alternatives de transport » et « déplacement hors région ». Dans le premier cas, nous nous sommes alignés sur la MPC qui a ajouté des frais de taxi dans son rebasement de 2018. Nous avons estimé le coût des déplacements d’un aller-retour de cinq kilomètres par mois aux tarifs déterminés par la Commission des transports du Québec. Bien que ce montant soit calculé sur les bases d’un déplacement en taxi, ces sommes peuvent être utilisées pour l’achat d’un vélo, un abonnement à un service d’autopartage ou une autre alternative à l’auto solo. Pour cette raison, bien qu’une famille de quatre pourrait avoir besoin de plus d’argent afin d’équiper l’ensemble de la famille, elle possède dans tous nos scénarios une voiture ce qui réduit les besoins d’une alternative pour les déplacements. Nous considérons donc adéquat de conserver le même montant pour l’ensemble des ménages. Pour la personne seule de Sept-Îles, qui possède une voiture, nous avons attribué la moitié du montant. Le second ajout, quant à lui, découle de notre travail sur le revenu viable hors des grands centres. Dans le cadre de ce projet de recherche, « les actrices et acteurs locaux que nous avons rencontrés ont été unanimes à considérer que vivre décemment en région éloignée exigeait d’avoir la possibilité de se rendre dans les grands centres de temps à autre14. » Cela permet aux ménages de régions plus éloignées une participation culturelle (tournois, spectacles, etc.), médicale (rendez-vous médicaux, visites de spécialistes, etc.) ou économique (achats particuliers, provisions en grande quantité, etc.). Nous avons ainsi repris les calculs et les chiffres de l’étude publiée en septembre 2023, ajustés à l’inflation, pour la ville de Sept-Îles. Pour les autres villes, nous considérons que les déplacements vers d’autres grands centres demandent moins de temps et d’organisation, et qu’il est possible de les faire en une seule journée.

Autres nécessités

Dans les éditions passées du revenu viable, nous nous sommes efforcés de rendre visibles différentes dépenses qui n’entraient pas dans les catégories principales, soient l’alimentation, les vêtements, le logement et le transport. Pour cette raison, nous estimions des montants de dépenses liées aux meubles, aux produits de soins personnels, aux services de téléphonie, aux livres et aux journaux ainsi qu’aux vacances. Cependant, les priorités des ménages concernant les activités sociales, la participation à la vie de leur collectivité, l’aménagement de leur logement et les soins dont les membres de leur famille ont besoin peuvent varier. Bien entendu, un arbitrage est toujours possible dans le calcul du revenu viable, mais il nous semblait plus juste d’utiliser la même méthode de la MPC et de déterminer un montant forfaitaire pour ces dépenses. Celui-ci correspond à un pourcentage (75,4 %) des dépenses liées aux vêtements et au logement combinées. Rappelons néanmoins que des sorties occasionnelles et des vacances annuelles font partie d’un panier correspondant à une vie décente.

Finalement, nous avons renommé les deux derniers postes de dépenses de cette catégorie pour clarifier leur objectif. Ainsi, « Marge de manœuvre » devient « Épargne et éducation » et « Fonds de prévoyance » devient « Fonds d’urgence ». Le premier est établi à partir du coût de deux trimestres à temps partiel à l’université la plus proche15, mais sert à représenter toutes les formes d’épargne visant l’amélioration de ses conditions de vie à moyen terme, qu’il s’agisse de sommes mises de côté pour financer la participation à un programme de formation technique ou professionnelle, le lancement d’une petite entreprise ou la création d’une coopérative de travail. Le second, calculé sur la base de deux semaines de dépenses, permet de répondre aux imprévus.

Comparaison avec 2023

Comme nous venons de le voir, plusieurs ajustements ont fait augmenter le budget nécessaire pour sortir de la pauvreté en 2024 et rendent plus difficile la comparaison avec 2023. C’est également le cas pour la révision périodique de la MPC, qui crée des ruptures dans les séries, comme le montre le graphique 3.

Si la hausse du revenu viable est en partie attribuable à la croissance des coûts, particulièrement dans les dépenses vitales, elle s’explique aussi par la mise à jour de la méthodologie visant à mieux refléter la réalité de chaque époque étudiée. Afin de faire ressortir l’incidence du changement de méthodologie, nous avons appliqué celle de 2023 aux données de 2024 dans la mesure du possible.

Le tableau 8 permet de voir les différences résultant du rebasement ou, en d’autres mots, les variations du revenu viable de 2024 selon les deux méthodologies. Dans certains cas, les chiffres demeurent les mêmes ou ne changent que très peu. C’est le cas pour l’électricité, les frais liés à la possession d’une voiture, les forfaits de téléphonie, le fonds d’urgence et les frais de garde en CPE. Dans d’autres cas, la nouvelle méthodologie a réduit les coûts, que ce soit en alimentation (retrait de la sortie au restaurant), en vêtements (données en fonction du deuxième décile) ou en éducation et épargne (ajustement selon les frais de scolarité réels). Cela dit, le rebasement nous aura permis de revoir plusieurs des catégories afin de nous assurer qu’elles permettent, encore en 2024, de sortir de la pauvreté. Cela a mené à un accroissement des coûts pour le logement (plus grand logement, pénalité au déménagement et assurance plus réaliste), le transport (ajout de la catégorie taxi et déplacement hors région), les autres nécessités (intégration des dépenses de participation sociale), les soins de santé non remboursés (mise à jour des coûts) et les frais de garde (allongement des périodes de garde de trois à quatre heures). Bien que certains coûts aient largement varié, l’effet total du rebasement demeure limité à un surcoût d’environ 7 %.

Afin de mieux différencier les variations attribuables au changement d’année, à l’augmentation des prix et à l’adoption d’une nouvelle méthodologie, nous présentons au tableau 9 chaque type de variation pour les 21 scénarios du revenu viable. La première colonne pour chaque type de ménage montre le taux de croissance du revenu viable entre 2023 et 2024 avec la méthodologie originale. Celui-ci tourne autour de l’inflation générale de 4,5 % dans la majorité des cas, à deux exceptions notables : la hausse des coûts permettant de vivre hors de la pauvreté pour les familles (biparentales et monoparentales) a été moindre à Gatineau, principalement en raison de la croissance moindre des dépenses liées au logement ; en revanche elle a été particulièrement forte – dépassant l’inflation – pour les personnes seules.

La deuxième colonne isole la différence des dépenses liées au rebasement en comparant l’année 2024 selon les deux méthodologies. L’impact des ajustements aura été plus important pour les ménages de Montréal, où la pénalité au déménagement est la plus sévère. Quant aux familles de quatre personnes à Gatineau, la nouvelle méthodologie n’a eu qu’un effet marginal sur leurs dépenses.

Finalement, la dernière colonne pour chaque ménage présente la variation entre l’édition de 2023 (avec la méthodologie habituelle) et l’édition de 2024 (avec la nouvelle méthodologie). La comparaison avec les deux colonnes précédentes met en lumière la diversité des réalités pour chaque ville et chaque type de ménage. En effet, dans certains cas, c’est l’inflation et la variation des coûts de base qui expliquent la majorité de la hausse du revenu viable, alors que dans d’autres, c’est la mise à jour de la méthodologie et le recalibrage des conditions permettant de sortir de la pauvreté qui sont les facteurs les plus déterminants.

3. La contribution du revenu viable au suivi des situations de pauvreté

Dans une société où l’accès à un revenu est vital pour assurer sa subsistance, la distinction entre la couverture des besoins de base et la sortie de la pauvreté est importante pour orienter les décisions publiques relatives à la protection du revenu. Rappelons d’abord brièvement certains concepts16 nécessaires à la compréhension de notre approche du revenu viable17.

Même si la pauvreté est une réalité multidimensionnelle, sa dimension économique, exprimée par le revenu, est incontournable. Dans le continuum des revenus, divers repères peuvent servir à mesurer ce que l’on désigne comme une « situation de pauvreté ». Comme le Centre d’étude sur la pauvreté et l’exclusion (CEPE) l’a d’emblée reconnu et l’a rappelé à quelques reprises18, situer la frontière entre la pauvreté et son absence en fonction d’un seuil unique pose problème19. En fait, les différents seuils de faible revenu en usage marquent des étapes différentes de la transition entre la pauvreté et son absence.

À cet égard, le revenu viable complète utilement les trois mesures de revenu officiellement retenues pour suivre les situations de pauvreté au Québec20, soit la mesure du panier de consommation (MPC), pour la couverture des besoins de base21; la mesure de faible revenu correspondant à 50 % du revenu médian après impôt (MFR-50), pour les comparaisons interrégionales ; et la mesure de faible revenu correspondant à 60 % du revenu médian après impôt (MFR-60), pour les comparaisons internationales.

La MPC et la couverture des besoins de base

La MPC est utilisée depuis 2009 au Québec pour suivre les situations de pauvreté sous l’angle de la couverture des besoins de base, malgré une recommandation du CEPE22 affirmant qu’elle est insuffisante aux fins de l’application de la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale23. Au printemps 2019, la MPC a néanmoins été désignée et adoptée par le Parlement canadien comme seuil officiel de la pauvreté au pays dans la première Stratégie canadienne de réduction de la pauvreté24. Une loi québécoise et une loi fédérale imposent donc désormais le suivi des situations de pauvreté au moyen de la MPC.

La MPC est calculée par Statistique Canada depuis 2002. Elle fournit « un ensemble de seuils basés sur le coût d’un panier de biens et de services correspondant à un niveau de vie de base25 ». Ce niveau de vie de base, aussi décrit comme « modeste », doit permettre de pourvoir aux besoins de base sur le plan de la survie et aussi de la vie sociale, comme la capacité de pouvoir étudier et travailler. Il est fondé sur le coût, pour un ménage de deux adultes et de deux enfants, d’un panier de consommation de base comprenant cinq types de dépenses : la nourriture, les vêtements, le logement, le transport et d’autres éléments de première nécessité. Ce coût varie selon les provinces et la taille des agglomérations.

Pour calculer les seuils de la MPC, contrairement au revenu viable qui est calculé pour chaque type de ménage, Statistique Canada estime d’abord ce qu’il en coûte à cette famille de deux adultes et de deux enfants dans diverses localités pour se procurer le panier de référence convenu, et ajuste ensuite la somme obtenue à d’autres tailles de ménage selon l’échelle d’équivalence en usage26. La base de calcul est révisée périodiquement. La dernière révision a été effectuée sur la base de l’année 201827. La prochaine est en cours et se base sur l’année 2023.

Le tableau 10 présente une estimation indexée28 à 2024 des seuils de 2022 de la MPC au Québec29 selon cette base de 2018.

Afin de démontrer le peu de marge de manœuvre offert aux personnes qui vivent avec un revenu équivalent à la MPC, nous présentons au tableau 11 les dépenses d’une personne seule associées à chaque catégorie selon la référence temporelle généralement utilisée dans les budgets des ménages.

Ces chiffres ont été obtenus en ajustant les dépenses d’une famille de quatre à l’aide de l’échelle d’équivalence utilisée par Statistique Canada pour ajuster selon la taille des ménages. Selon une étude réalisée en 2010 par le CEPE30, même si cette échelle semble bien fonctionner pour le calcul des seuils totaux, la manière de dépenser le seuil évalué variera. Par exemple, il est évident que le coût du logement est sous-estimé alors qu’il serait possible d’économiser du côté des vêtements ou des autres dépenses. Notons toutefois que les dépenses liées à la nourriture ne sont qu’une trentaine de dollars de plus que ce que le PPNE suggère et que les frais de transport couvrent à peine ce que le revenu viable estime en coût seulement pour l’essence. Il est donc possible de faire un certain arbitrage des dépenses à travers ces catégories, mais la marge de manœuvre demeure faible.

Par ailleurs, comme on peut le constater au tableau 12, le calcul du revenu viable permet de tester l’échelle d’équivalence utilisée pour la MPC, soit la racine carrée de la taille du ménage. En effet, le revenu viable d’une personne seule est sous ce qui est prévu par cette échelle par rapport au revenu d’une famille de quatre dans presque tous les scénarios, à l'exception de Sept-Îles. Quant à l'échelle d'équivalence entre les ménages de 4 et de 2 personnes varie quant à elle de 1,178 à Sherbrooke à 1,453 à Saguenay alors que la théorie voudrait que celle-ci soit à 1,414 (la racine carré de 2).

Le revenu viable et la sortie de la pauvreté

Vivre sans pauvreté ne signifie pas uniquement couvrir ses besoins de base. Dans son avis de 2009, le CEPE a rappelé que, selon la définition donnée par la loi québécoise, on doit aussi disposer « des ressources, des moyens, des choix et du pouvoir nécessaires pour acquérir et maintenir son autonomie économique ou pour favoriser son intégration et sa participation à la société ». Il a rappelé aussi qu’une personne doit être en mesure de jouir « d’un niveau de vie suffisant ainsi que de la possibilité d’exercer les droits qui lui sont reconnus31 ». Et il a indiqué que si la MPC ne suffisait pas à satisfaire ces critères, un indicateur adéquat manquait dans la gamme des indicateurs disponibles.

D’une édition à l’autre, depuis 2015, le revenu viable s’est avéré un candidat intéressant pour remplir le rôle de cet indicateur manquant, plus apte à indiquer un niveau de vie exempt de pauvreté, au-delà de la seule couverture des besoins de base. Un exercice d’harmonisation a été mené en 2019 afin de réorganiser les composantes du revenu viable pour les rendre comparables à celles de la MPC. Cela nous a permis de voir que le niveau de vie estimé à partir du revenu viable est généralement cohérent pour l’ensemble de ses composantes avec celui que procure la MPC, tout en étant plus élevé. Autrement dit, il donne plus de latitude aux ménages concernés, tout en demeurant modeste32. Le rebasement de 2024 a été fait avec le souci de maintenir la comparabilité avec la MPC.

Le tableau 13 en fait la démonstration détaillée pour un ménage de deux adultes et de deux enfants, lequel sert de référence pour le calcul de la MPC par Statistique Canada. Aux fins de comparaison, nous avons retenu les villes de Montréal (la métropole du Québec), de Trois-Rivières (la ville la plus abordable selon le revenu viable) et de Sept-Îles (la ville la moins abordable selon le revenu viable). Le tableau montre clairement que le transport et les dépenses non discrétionnaires sont les catégories où les différences sont les plus importantes entre la MPC et le revenu viable, ce dernier prévoyant dans les deux cas un budget correspondant au double, voire au triple de celui de la MPC en ce qui concerne le transport à Sept-Îles.

Le tableau 14 présente les totaux comparés entre la MPC et le revenu viable pour les ménages monoparentaux avec un·e enfant en CPE. Le tableau 15 fait de même pour les personnes seules. Dans les deux cas, nous avons repris les villes de Montréal, Trois-Rivières et Sept-Îles aux fins de comparaison. Comme nous l’avons vu plus haut, les diverses catégories se transposent moins bien lors de la conversion par le facteur d’équivalence par taille de ménage. Pour cette raison, nous avons préféré présenter les résultats en deux groupes, soit le montant de dépenses assimilables aux composantes de la MPC et ce qui en est exclu pour les ménages monoparentaux et les personnes seules.

Rappelons que le CEPE a établi en 2010 qu’il fallait ajouter 7 % en moyenne à la MPC pour estimer un revenu après impôt permettant de tenir compte de ces dépenses qui restent invisibles dans les seuils de la MPC33. Le calcul du revenu viable permet de mettre en perspective cette donnée. S’il apparaît relativement juste pour les personnes seules (entre 4,5 et 6,2 %), il l’est moins pour les familles, que celles-ci soient monoparentales (entre 13,2 et 18,1 %) ou biparentales (entre 12,0 et 14,3 %). Il s’agit là de montants substantiels qu’on ne peut ignorer dans le budget de ménages pour lesquels chaque dollar compte.

Ces résultats montrent l’intérêt de l’association entre la MPC et le revenu viable sur plusieurs points et appellent à une vigilance des parties prenantes. En effet, il est encore nécessaire de rappeler que le niveau de revenu déterminé par la MPC exclut certaines dépenses non discrétionnaires et qu’un ajustement est nécessaire afin de le rendre comparable au revenu après impôt. D’autre part, nos calculs de paniers pour le revenu viable permettent de voir des écarts dans l’échelle d’équivalence utilisée dans le calcul des seuils de la MPC, particulièrement pour les familles avec enfants. Cela étant dit, alors que la MPC permet de déterminer un niveau minimal de couverture des besoins, le revenu viable offre un indicateur de sortie de la pauvreté. Les deux ensemble permettent de mieux suivre les différentes situations de vie et de pauvreté.

Pour continuer de mettre en évidence cette contribution du revenu viable, il nous faut revenir aux deux autres indicateurs liés à la médiane des revenus après impôt qui étaient recommandés dans l’avis du CEPE de 2009 aux fins de comparaison, soit la MFR-50, pour les comparaisons interrégionales, et la MFR-60, pour les comparaisons internationales. Alors que la MPC et le revenu viable sont des indicateurs absolus basés sur un panier de consommation concret, les MFR sont des seuils relatifs qui permettent de situer la pauvreté en comparaison avec le revenu médian, donc avec le revenu qui se situe au milieu de la distribution pour un groupe donné. Ces indicateurs servent de références communes pour divers pays en l’absence de mesures de panier comparables et leur grande simplicité en fait des outils avantageux pour déterminer le seuil. Ils impliquent eux aussi un critère minimal et un critère plus élevé (50 % et 60 % du revenu médian) dans une zone de seuils décrivant la transition entre la pauvreté et son absence. Or si, dans la conjoncture québécoise ayant suivi l’adoption de la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale, les seuils de la MPC ont donné une idée d’un niveau de vie et de consommation pouvant être comparé à celui de la MFR-50, une telle information manque pour la MFR-60.

Le tableau 16 montre comment, en 2021, le revenu viable permettait de mettre en relation ces quatre indicateurs en tant qu’indicateur de type panier situé en haut de zone par rapport à la MPC et comme mesure valable pour indiquer un niveau de vie et un potentiel de consommation correspondant concrètement à la MFR-60 québécoise, qui doit normalement servir aux comparaisons internationales pour l’atteinte de la cible de réduction de la pauvreté de la loi québécoise.

Il sera intéressant d’examiner l’évolution de ce quatuor d’indicateurs quand les données de 2022 et 2023 seront accessibles. En quoi la pandémie de COVID-19, qui a commencé au début de l’année 2020, et l’inflation qui s’est fait sentir en 2022 et en 2023 auront-elles affecté la distribution des revenus dans la société et, conséquemment, le revenu médian de même que les valeurs de la MFR-50 et de la MFR-60 ? Déjà, les données disponibles pour 2020 et 2021 révèlent des mouvements importants dans l’échelle des revenus. En effet, si les seuils de pauvreté calculés à l’aide de la MFR-50 ou de la MPC ont reculé en 2020, les données de 2021 permettent de voir que ce n’était qu’un mouvement temporaire et que la trajectoire a repris à la hausse (graphique 4).

Suivre les situations de vie à l’aide du revenu viable

Le tableau 17 permet de comparer différentes situations de revenus pour une personne seule vivant à Montréal. On constate qu’aucun programme de soutien de dernier recours ne permet d’atteindre le seuil minimal de couverture des besoins de base, et encore moins quand on y ajoute la compensation pour dépenses non discrétionnaires de 7 %. Le revenu disponible à l’aide sociale de base couvre moins de la moitié des besoins de base selon le seuil de la MPC pour une personne seule à Montréal, tout comme le revenu de base pour les personnes avec des contraintes sévères à l’emploi qui n’atteint pas encore ce seuil. Si on compare la situation des personnes ayant recours à ces programmes à celle de l’an dernier, on remarque que leur capacité à répondre à leurs besoins est restée la même et que, par conséquent, plusieurs d’entre elles demeurent dans un état de grande précarité, voire d’indigence.

Pour ce qui est des personnes salariées, la sortie de la pauvreté n’est pas garantie, même en travaillant à temps plein. En effet, le salaire minimum permet tout juste de dépasser la MPC et représente environ les deux tiers du revenu viable. Pour une personne seule à Montréal, un salaire horaire de 27 $ est nécessaire pour qu’un emploi à temps plein permette d’atteindre un revenu au seuil du revenu viable, ce qui représente plus de 10 $ de plus que ce qui est actuellement garanti.

Qu’en est-il des personnes âgées de 65 ans et plus ? Pour celles qui n’ont accès à aucune prestation au-delà de la Pension de la sécurité de la vieillesse (PSV) et du Supplément de revenu garanti (SRG), le revenu disponible est équivalent à la limite de la MPC si l’on exclut les dépenses non discrétionnaires. Comme les personnes âgées ont souvent besoin de soins d’appoint et que ceux-ci sont parfois difficiles à obtenir dans le réseau public , on peut émettre l’hypothèse que ce niveau de revenu ne permet pas de répondre à l’ensemble de leurs besoins. La sortie de la pauvreté pour ces personnes n’est possible que si elles occupent un emploi à temps plein au-delà du salaire minimum.

Deux scénarios supplémentaires sont présentés pour les personnes retraitées qui permettent de mieux comprendre leur réalité financière. On constate qu’une personne touchant la rente maximale du Régime de rente du Québec (RRQ) à 65 ans, soit environ 16 000 $ par année, n’atteint que 76 % du revenu viable. Il lui manque donc près de 10 000 $ pour atteindre ce seuil. Pour une personne qui reçoit le montant moyen des prestations à 65 ans (environ 8 000 $), plus de 20 heures par semaine dans un emploi au salaire minimum sont requises pour vivre au-delà de la pauvreté à Montréal. Certes, les travailleurs et les travailleuses qui parviennent à cotiser suffisamment pour obtenir un tel niveau de prestations ont généralement d’autres sources de revenus (REER, régime de retraite d’employeur, etc.). Cela dit, l’exercice met en évidence la nécessité d’avoir des revenus d’appoint afin d’atteindre un niveau de vie décent à la retraite.

Si, pour avancer vers un Québec sans pauvreté, il est incontournable que les protections sociales de base en viennent à couvrir les besoins de base et que le salaire minimum à temps plein permette une vie exempte de pauvreté, il devrait également aller de soi qu’une vie de travail à temps plein et de cotisations au RRQ permette une retraite sans pauvreté ou, autrement dit, au niveau d’un revenu viable34.

Conclusion

Depuis maintenant 10 ans, l'IRIS calcule le revenu viable afin de déterminer le seuil à partir duquel il est possible de vivre hors de la pauvreté. Cet indicateur permet de suivre les situations de pauvreté à travers le temps, mais également de comparer différentes situations de vie. L'exercice de 2024, avec sa mise à jour méthodologique, met en lumière le poids des dépenses liées au logement dans le budget des ménages. Non seulement les loyers moyens ont augmenté à un rythme plus élevé que l'inflation générale entre 2023 et 2024, mais les coûts sont encore plus élevés pour pour les appartements disponibles sur le marché. À titre d'exemple, une famille à Montréal dépensera environ 25 % de plus pour se loger si elle doit déménager dans l’année. En répétant l’exercice chaque année, nous avons pu constater que la hausse des coûts pour répondre aux besoins de base est plus importante que la hausse générale de l’inflation dans la vaste majorité des scénarios étudiés. Cette année ne fait pas exception, même en excluant les changements méthodologiques liés au rebasement périodique. En effet, les dépenses au bas de l’échelle se concentrent dans des catégories sensibles à l'inflation, comme le logement et l’alimentation. De plus, les ménages moins nantis peuvent difficilement compenser pour des hausses de prix en diminuant leurs dépenses ailleurs. Malgré ces constats répétés, le gouvernement a choisi de hausser le salaire minimum à un taux plus faible que l’inflation générale. Les personnes qui touchent de faibles salaires s’en trouvent doublement appauvries, car cela ne leur permet ni de suivre l’augmentation du coût de la vie générale ni celle réelle de leur panier de consommation.


1 Il convient de noter que, pour Montréal, il est question de l’île de Montréal et non de l’ensemble de la région métropolitaine de recensement. Pour Saguenay, nous avons étudié le revenu viable dans l’arrondissement de Chicoutimi.

2 Le revenu disponible correspond à tout l’argent que reçoit un ménage (salaire, pension, transferts publics, etc.) moins ce qui est versé à l’État et aux administrations publiques (impôt, cotisations, etc.). Institut de la statistique du Québec, « Revenu disponible », statistique.quebec.ca/fr/document/revenu-disponible (consulté le 2 avril 2024). Toutefois, certaines dépenses sont absentes du revenu viable (cotisations syndicales, pension alimentaire, etc.). Voir l’édition 2019 du revenu viable pour une exploration plus détaillée de ces enjeux.

3 Les détails de ces calculs se trouvent à l’annexe 1.

4 Ce choix a été fait en 2019 après une centaine de simulations en ligne sur l’application Google Maps pour déterminer s’il était possible de quitter différents lieux de travail à 17 h pour se rendre à différents CPE en transport en commun puis ensuite revenir à la maison avec l’enfant. Dans plus de 65 % des cas, il était impossible d’arriver à la maison avant 18 h. Dans la mesure où les enfants de 4 ans doivent dormir entre 11 et 14 heures par jour (y compris les siestes), il est évident que le transport en commun à Saguenay n’est pas adapté aux ménages monoparentaux dans cette localité, d’où notre décision d’inclure une voiture au calcul.

5 Pour ce type de ménage, nous considérons qu’un des parents peut utiliser la voiture familiale pour conduire les enfants à la garderie pendant que l’autre utilise les transports en commun.

6 Les loyers des logements sociaux sont proportionnels aux revenus des locataires, ce qui atténue d’autant le poids du logement dans un petit budget.

7 Philippe HURTEAU et Minh NGUYEN, Quel est le salaire viable?, Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS), 2015, iris-recherche.qc.ca/publications/salaire-viable2015.

8 Id., Les conditions d’un salaire viable au Québec en 2016 ?, IRIS, 2016, iris-recherche.qc.ca/publications/salaire-viable2016.

9 Id., Les conditions d’un salaire viable au Québec en 2017, IRIS, 2017, iris-recherche.qc.ca/publications/salaire-viable2017.

10 Guillaume TREMBLAY-BOILY, Le revenu viable hors des grands centres, IRIS, 21 septembre 2023.

11 STATISTIQUE CANADA, Le point sur l’examen approfondi de la mesure du panier de consommation, 18 juillet 2019, p. 10.

12 Kijiji, Appartements, condos et maisons à louer à Ville de Montréal, www.kijiji.ca/b-appartement-condo/ville-de-montreal/c37l1700281 (consulté le 26 mars 2024).

13 Nous n’excluons pas que certaines de ces annonces soient frauduleuses, comme l’a démontré l’enquête du Devoir publiée le 28 février 2024 (Jeanne CORRIVEAU et Zacharie GOUDREAULT, « Quand les fraudeurs volent les locataires en toute impunité », Le Devoir, 28 février 2024).

14 Guillaume TREMBLAY-BOILY, Le revenu viable hors des grands centres – Annexes méthodologiques, IRIS, septembre 2023, p. 6.

15 Pour Montréal, nous avons fait la moyenne entre les frais de scolarité de l’UQAM et de l’Université de Montréal.

16 Ceux-ci sont expliqués plus en détail dans les précédentes éditions du revenu viable. Voir aussi cette nouvelle publication de l’IRIS : Vivian LABRIE, Prendre en compte l’ensemble des revenus en direction d’un bien-vivre mieux partagé, IRIS, avril 2023, iris-recherche.qc.ca/publications/revenus-bien-vivre/.

17 Philippe HURTEAU, Minh NGUYEN et Vivian LABRIE, Le revenu viable 2021 : pour une sortie de pandémie sans pauvreté, IRIS, avril 2021, iris-recherche.qc.ca/publications/revenu-viable-2021-pour-sortie-pandemie-sans-pauvrete/.

18 CENTRE D’ÉTUDE SUR LA PAUVRETÉ ET L’EXCLUSION (CEPE), Prendre la mesure de la pauvreté, 2009, p. 31, cdn-contenu.quebec.ca/cdn-contenu/adm/min/travail-emploi-solidarite-sociale/cepe/publications/RA_avis_pauvrete_2009_cepe.pdf?1641397468. Voir aussi les rappels faits en 2019 et en 2020 par la présidente du CEPE, Céline Bellot, dans La pauvreté, les inégalités et l’exclusion sociale au Québec : État de situation 2018, 2019, p. 1, cdn-contenu.quebec.ca/cdn-contenu/adm/min/travail-emploi-solidarite-sociale/cepe/publications/RA_etat_situation_2018_CEPE.pdf?1641395991, et dans La pauvreté, les inégalités et l’exclusion sociale au Québec : État de situation 2019, 2020, p. 12, cdn-contenu.quebec.ca/cdn-contenu/adm/min/travail-emploi-solidarite-sociale/cepe/publications/RA_etat_situation_2019_CEPE.pdf?1641395857.

19 Voir aussi Alain NOËL, « Une zone plutôt qu’un seuil : repenser la mesure de la pauvreté », Options politiques, IRPP, 18 janvier 2021, policyoptions.irpp.org/fr/magazines/january-2021/une-zone-plutot-quun-seuil-repenser-la-mesure-de-la-pauvrete/.

20 CEPE, Prendre la mesure de la pauvreté, op. cit.

21 Compte tenu de ce qui précède, l’IRIS a choisi de maintenir l’usage qui prévaut au Québec depuis. Nous continuons donc de considérer la MPC comme un indicateur de ce qu’il en coûte pour couvrir ses besoins de base au Québec, une étape incontournable, bien qu’insuffisante, dans l’atteinte d’une « société sans pauvreté », une visée mentionnée à la fois dans la loi québécoise et dans la stratégie fédérale.

22 CEPE, Prendre la mesure de la pauvreté, op. cit., p. 31.

23 Loi visant à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale [L.R.Q., chapitre L-7], Assemblée nationale du Québec, Québec, Éditeur officiel du Québec, 2002, legisquebec.gouv.qc.ca/fr/ShowDoc/cs/L-7. Cette loi a été adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale du Québec en 2002. Elle engage à « tendre vers un Québec sans pauvreté » et à agir dans le cadre d’un plan d’action, publié en 2004 et révisé périodiquement depuis (2010 et 2017).

24 EMPLOI ET DÉVELOPPEMENT SOCIAL CANADA, Une chance pour tous, 2018, www.canada.ca/fr/emploi-developpement-social/programmes/reduction-pauvrete/rapports/strategie.html ; Loi concernant la réduction de la pauvreté, intégrée au projet de loi budgétaire C-97 (Loi no 1 d’exécution du budget de 2019 [L.C. 2019, chapitre 29]), laws.justice.gc.ca/fra/LoisAnnuelles/2019_29/page-1.html.

25 STATISTIQUE CANADA, Les lignes de faible revenu : leur signification et leur calcul, 2016, p. 9, www.statcan.gc.ca/pub/75f0002m/75f0002m2016002-fra.pdf.

26 Il s’agit de la racine carrée de la taille du ménage. Autrement dit, on estime qu’il en coûtera deux fois moins à une personne seule qu’à un ménage de quatre personnes, soit le seuil pour ce ménage divisé par deux (la racine carrée de quatre), ce qui s’avère généralement une bonne estimation en raison des économies d’échelle réalisées quand plusieurs personnes vivent ensemble. Cette estimation vaut dans la mesure où on l’applique au coût total du panier de référence, mais non à ses composantes, lesquelles vont s’équilibrer différemment dans ce panier selon la composition des ménages (Guy FRÉCHET et autres, Échelles d’équivalence : une validation empirique, Centre d’étude sur la pauvreté et l’exclusion, 2010, cdn-contenu.quebec.ca/cdn-contenu/adm/min/travail-emploi-solidarite-sociale/cepe/publications/RA_compar_seuils_cepe.pdf ?1641397276). Cette façon de procéder ne tient par ailleurs pas compte de la composition du ménage. Autrement dit, ce qu’il en coûte pour un couple est jugé équivalent à ce qu’il en coûte à une famille monoparentale avec un·e enfant.

27 Sauf indication contraire, la présente édition du revenu viable réfère à la MPC basée sur l’année 2018. Voir au besoin l’édition 2021 du revenu viable pour une présentation détaillée des différences de seuils entre cette base et celle de 2008.

28 Statistique Canada calcule la MPC avec au moins deux ans d’écart. Il n’est donc pas possible d’avoir les montants pour 2023 avant 2025. Afin de rendre possible la comparaison avec l’année en cours, nous avons procédé nous-mêmes à l’indexation du seuil de 2022. Comme par les années précédentes, nous avons travaillé à partir de l’IPC mensuel non désaisonnalisé de décembre (Statistique Canada, tableau 18-10-0004-01). Nous avons utilisé l’IPC de Montréal et de Québec pour ces deux régions métropolitaines de recensement, et celui de l’ensemble du Québec pour les autres villes. Il est à noter que dans le rapport publié par Statistique Canada en février 2020 (DJIDEL et autres, Rapport du deuxième examen approfondi de la mesure fondée sur un panier de consommation, op. cit.), des indications sont données pour l’indexation annuelle de chaque composante du panier en base 2018 à partir des calculs initiaux pour chaque type d’agglomération et en utilisant ensuite les IPC provinciaux. Par cohérence avec la méthode d’indexation utilisée pour le revenu viable quand il y a lieu, nous nous en tenons toutefois à cette dernière méthode.

29 STATISTIQUE CANADA, tableau 11-10-0066-01, Seuils de la mesure du panier de consommation (MPC) pour la famille de référence selon la région de la mesure du panier de consommation, la composante et l’année de base, mise à jour du 17 janvier 2023, www150.statcan.gc.ca/t1/tbl1/fr/tv.action?pid=1110006601.

30 Guy FRÉCHET et autres, Échelles d’équivalence : une validation empirique, op. cit.

31 CEPE, Prendre la mesure de la pauvreté, op. cit.

32 Par exemple, contrairement à la MPC, le revenu viable permet de satisfaire les besoins en vêtements neufs plutôt que d’obliger implicitement les ménages à fréquenter les comptoirs vestimentaires afin de répondre d’abord à d’autres nécessités insuffisamment pourvues dans le calcul du seuil. Il prévoit aussi une marge de manœuvre pour divers besoins de formation, de perfectionnement et de développement personnel et un petit fonds de prévoyance (éducation et épargne). Il calcule des frais exclus du calcul de la MPC, comme des soins de santé non assurés et des frais de garde, et prévoit un montant pour répondre aux urgences et aux imprévus. Pour une description détaillée des différences, voir l’édition 2022 du revenu viable.

33 Le CEPE (Guy FRÉCHET, Pierre LANCTÔT et Alexandre MORIN, Du revenu après impôt au revenu aux fins de la mesure du panier de consommation [MPC], CEPE, 2010, 18 p.) avait proposé un coefficient moyen pour l’ensemble des ménages. Étant donné que cette étude date de 2010, il serait intéressant de voir ce que donnerait une mise à jour tenant compte des ménages avec et sans enfants.

34 Voir aussi Eve-Lyne COUTURIER, Guillaume HÉBERT, et Pierre TIRCHER, « Vieillir au Québec. Constats et solutions pour un meilleur système de retraite », IRIS, 2023, iris-recherche.qc.ca/publications/vieillir-au-quebec/. Avec une méthodologie différente, cette publication arrive à des résultats similaires.

Faits saillants

  • En 2024, le revenu viable, soit l’équivalent du revenu après impôt nécessaire pour un panier de biens et de services qui permet une vie hors de la pauvreté, varie pour une personne seule entre 30 738 $ (Trois-Rivières) et 43 609 $ (Sept-Îles). À Montréal, il est de 38 479 $ pour une personne seule, alors qu’il s’élève à 81 999 $ pour 2 adultes avec 2 enfants en CPE.
  • Dans toutes les situations examinées pour le revenu viable, la variation du coût de ce panier entre 2023 et 2024 est plus élevée que le taux général d’inflation mesuré par l’indice des prix à la consommation (IPC) applicable pour la localité étudiée.
  • La méthodologie du revenu viable a été revue en 2024, conformément au principe de rebasement périodique. Plusieurs hypothèses, sources et méthodes de calculs ont été modifiées afin d’assurer une vie hors de la pauvreté conforme aux standards actuels.
  • Une pénalité au déménagement a été ajoutée en 2024. Celle-ci permet de prendre en considération une part de la différence entre les loyers moyens calculés par la SCHL et les loyers sur le marché et reflète plus adéquatement le budget des ménages. Pour Montréal, cela représente une majoration de 25 % pour les familles avec enfants et de 23 % pour les personnes seules.
  • Afin d’avoir un revenu qui permet de vivre hors de la pauvreté, une personne seule qui travaille à temps plein doit avoir un salaire horaire entre 20 $ (Trois-Rivières) et 30 $ (Sept-Îles). Pour une personne de 65 ans et plus qui reçoit les prestations de base, un emploi à temps plein au salaire minimum est nécessaire pour atteindre le revenu viable.