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Transition écologique, investissements et retraites. Étude de cas du désinvestissement des hydrocarbures de la CDPQ

20 février 2024

  • Eve-Lyne Couturier

Feux de forêt dévastateurs, inondations répétées, sécheresses intenses, canicules mortelles… Chaque année, des records climatiques sont pulvérisés au coût de vies humaines brisées, d’infrastructures détruites et de fragilisation de la biodiversité. Cette multiplication des événements climatiques extrêmes démontre l’urgence d’accélérer la transition énergétique pour lutter contre les changements climatiques. Bien que les États se soient engagés plus d’une fois à atteindre leurs objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre (GES), les efforts déployés ne semblent pas suffisants pour véritablement changer le cours des choses. Alors que l’on devrait assister à une forte baisse des émissions mondiales de GES pour garder le cap vers la carboneutralité visée d’ici le milieu du siècle, on enregistre plutôt des niveaux d’émissions
records.

Dans ce contexte, tous les leviers doivent être utilisés et tous les secteurs économiques doivent être mis à contribution. Cette étude se penche sur le rôle de la finance dans la transition énergétique, et particulièrement sur les actions que les investisseurs institutionnels, comme la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ), peuvent poser pour favoriser la décarbonation de l’économie. Nous viserons à répondre aux questions de recherche suivantes :

↘ EFFICACITÉ Quels sont les impacts, limites et conditions de succès d’une campagne de désinvestissement? Est-il préférable d’accompagner une entreprise dans la décarbonation de ses activités plutôt que de désinvestir, et sous quelles conditions?

↘ IMPACTS ÉCONOMIQUES Le retrait des investissements dans les énergies fossiles mène-t-il à une baisse ou à une hausse des rendements financiers, et quels sont les impacts pour un fonds de retraite? À l’opposé, quels sont les coûts de l’inaction? Quelles sont les nouvelles avenues d’investissement en dehors des énergies fossiles? Comment assurer une transition juste qui prenne en compte le bien-être des travailleurs et travailleuses sans compromettre l’atteinte des objectifs de décarbonation?

↘ MOYENS D’ACTION Quels sont les modes de fonctionnement du RREGOP et de la CDPQ? Quelles sont les limites des mandats du RREGOP et de son comité de placement à l’égard de l’évolution de la politique de placement? Comment les fonds de retraite militants peuvent-ils influencer les décisions de placement?

Pour répondre à ces questions, nous avons mené une revue de littérature et de documentation couvrant l’ensemble des questions de recherche abordées. Nous avons également réalisé des entrevues avec des experts sur la gouvernance de la CDPQ et du RREGOP (personnel clé, milieu universitaire) afin de bien comprendre les modes de fonctionnement des différentes instances et les enjeux entourant l’amélioration des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG).

Le premier chapitre souligne l’importance de la crise climatique et ses impacts prévus en ce qui concerne les événements climatiques extrêmes, la perte de biodiversité, la perte de vies humaines, les migrations climatiques, etc. Le chapitre 2 traite principalement de l’importance de la finance comme outil de changement, mais également de ses limites et de ses conditions de succès. À partir d’exemples historiques de mouvements d’investisseurs (par exemple, critères d’investissement responsable ou campagnes de désinvestissement), nous analysons comment divers moyens peuvent mener à des changements réels au sein des entreprises ciblées.

Au chapitre 3, nous analysons le rôle des comités de retraite au sein de la CDPQ. Au moyen d’une revue de documentation, notamment de documents internes émanant des comités de retraite et obtenus par demande d’accès à l’information, ainsi que d’entrevues auprès d’experts, nous évaluons l’intérêt des comités pour les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance de même que leur capacité à orienter les politiques de placement.

Le chapitre 4 vise essentiellement à déterminer s’il est souhaitable de se désinvestir des entreprises œuvrant dans les énergies fossiles. La rentabilité des placements est analysée, ainsi que les investissements dans les nouvelles technologies propres réalisés par des entreprises qui œuvrent traditionnellement dans les énergies fossiles.

Dans le dernier chapitre, nous nous interrogeons sur la portée du désinvestissement des produits fossiles. Jusqu’où et sous quelles conditions doit-on liquider les placements? Est-il possible, plutôt, d’accompagner les entreprises qui souhaitent décarboner leurs activités? Comment peut-on, dans une perspective de transition juste, atténuer les répercussions de cette transition sur les travailleurs et travailleuses? Nous analysons pour le ce faire les principaux placements de la CDPQ dans la production de pétrole et de gaz naturel, mais également dans le transport, la distribution, la production d’électricité et les services connexes (forage de puits, études sismiques, etc.).

Faits saillants

  • Au Québec, les efforts de décarbonation ont permis de stabiliser les émissions, mais la tendance forte et persistante à la baisse qu’exige l’atteinte des cibles de réduction tarde à se manifester.
  • Les acteurs financiers dont la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) subissent une pression de plus en plus forte pour modifier leur portefeuille et réduire notamment leurs investissements dans la production d’hydrocarbures.
  • Au terme de l’étude, nous concluons que les campagnes pour le désinvestissement des énergies fossiles ont été efficaces, du moins en ce qui concerne la CDPQ. À la suite de plusieurs années de désinvestissement, la valeur des placements dans l’extraction de produits pétroliers et de gaz naturel au 31 décembre 2023 était négligeable.
  • De plus, les placements en actions de la CDPQ ont sousperformé entre 2011 et 2021 en raison des investissements dans le secteur des énergies fossiles, occasionnant des pertes de l’ordre de 10 à 20 milliards de dollars, mais la CDPQ a limité celles-ci en se retirant de ce secteur au cours des dernières années.
  • Il reste cependant des investissements importants dans le transport et la distribution d’énergies fossiles, la production d’électricité de source fossile et les services auxiliaires (forage, études sismiques, etc.).
  • Notre recherche met également en lumière le manque de leviers permettant aux épargnant·e·s d’infléchir les politiques de placement. Malgré leur participation à des comités de retraite et l’importance des sommes investies par des fonds comme le RREGOP, leur capacité d’orienter les décisions et politiques se limite souvent à un pouvoir d’influence.

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