COMMUNIQUÉ | Industrie privée des soins virtuels : le système public de santé menacé
12 janvier 2023
Montréal, 12 janvier 2022 – Alors que le système de santé est aux prises avec une pénurie de main-d’œuvre importante, le gouvernement provincial contribue au transfert des travailleuses et des travailleurs du secteur de la santé et des services sociaux vers le privé en soutenant financièrement le développement de l’industrie des soins virtuels à but lucratif. Dans une étude qui paraît aujourd’hui, l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS) montre les risques que représente l’essor fulgurant des fournisseurs privés de soins virtuels pour la pérennité du système public de santé.
L’accroissement du privé en médecine virtuelle au détriment de l’accès aux soins
L’industrie privée de la télésanté a connu un essor fulgurant depuis le printemps 2020. Alors que certains fournisseurs privés de soins virtuels ont vu leurs chiffres d’affaires quintupler, leurs dépenses en rémunération ont quant à elles crues entre 200 % et 900% depuis deux ans. L’augmentation importante des dépenses en rémunération montre que ces entreprises sont engagées dans des opérations de recrutement qui risquent de priver le réseau public de ressources professionnelles précieuses.
Le succès de ces entreprises repose en grande partie sur la détérioration des services offerts par le système public, déjà fragilisé par des problèmes de recrutement et de rétention de la main-d’œuvre. « Contrairement à une idée largement reçue, le développement d’une offre privée de soins de santé, loin de désengorger le système public, menace l’accès aux soins pour les personnes les plus vulnérables ayant les besoins de santé les plus importants et risque ainsi d’aggraver les iniquités en santé », souligne Anne Plourde, chercheuse à l’IRIS et autrice de la note.
Des fonds publics pour financer l’industrie privée de la télésanté
Bien qu’elles menacent la pérennité du système public, les entreprises de soins virtuels ont reçu un important soutien financier de l’État. Sur la scène québécoise, la Caisse de dépôt et placement du Québec a réalisé un investissement de 14 millions de dollars dans Dialogue, tandis qu’Investissement Québec (IQ) a accordé un prêt de 2 millions de dollars à cette même entreprise en 2019. Ce prêt faisait suite à un autre de 2 millions de dollars consenti par le gouvernement québécois en 2018. La Caisse, IQ et le gouvernement du Québec ont également investi des dizaines de millions de dollars à au moins trois reprises dans AlayaCare, qui rencontre aujourd’hui des difficultés financières. Le gouvernement fédéral a quant à lui financé l’industrie par l’entremise de l’organisme à but non lucratif Inforoute Santé du Canada.
« L’État a adopté des lois comme la Loi canadienne sur la santé et la Loi sur l’assurance maladie pour protéger le système public et limiter le développement d’un marché privé de la santé. En jouant un rôle important dans la l’émergence de l’industrie canadienne de la télésanté privée, les gouvernements fédéral et provincial manquent de cohérence », soutient Anne Plourde.
Loi sur l’assurance maladie : des angles morts au bénéfice des fournisseurs privés
Si l’extension de la couverture publique aux services de télémédecine en 2020 a permis de limiter les possibilités d’expansion du marché de la santé dans le secteur des soins virtuels, certaines failles subsistent toujours dans le cadre réglementaire actuel.
« Ce qui est préoccupant, c’est qu’on peut s’attendre à ce que les fournisseurs privés de soins virtuels exploitent au maximum les lacunes, exceptions et imprécisions du cadre juridique actuel. Dans ce contexte, il est impératif de clarifier rapidement ces imprécisions afin d’exclure explicitement le financement privé des services de télémédecine, y compris par l’entremise des régimes d’assurance et d’avantages sociaux offerts par les employeurs à leurs employé·e·s », conclut Anne Plourde.
Pour lire la note: bit.ly/soins-virtuels