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COMMUNIQUÉ | Système de santé: pénurie de main-d’œuvre ou exode vers le privé?

21 mai 2024


21 mai 2024, Montréal – Il n’existe pas de pénurie de main-d’œuvre généralisée dans le secteur de la santé et des services sociaux au Québec. Les données du marché de l’emploi témoignent plutôt de l’exode du personnel soignant vers le secteur privé, selon une nouvelle étude publiée aujourd’hui par l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS). 

« L’existence au Québec d’une pénurie de main-d’œuvre dans le secteur de la santé et des services sociaux est généralement admise comme un fait incontestable. La situation est toutefois plus complexe qu’il n’y paraît », remarque Anne Plourde, chercheuse à l’IRIS et autrice de l’étude. 

Pas de pénurie de main-d’œuvre dans l’ensemble du secteur de la santé

La main-d’œuvre totale en santé et services sociaux par habitant·e (incluant les secteurs public et privé) était 35 % plus élevée en 2022 qu’il y a trente ans. Même en tenant compte du vieillissement de la population, on peut considérer qu’il y a aujourd’hui l’équivalent de 132 000 personnes de plus qui exercent dans ce secteur qu’en 1991, à une époque où l’on considérait qu’il existait un surplus de main-d’œuvre en santé. Ce constat s’applique à toutes les catégories professionnelles en santé et services sociaux, à l’exception des médecins et des infirmières.    

« Le portrait d’ensemble de la main-d’œuvre dans le système de santé est beaucoup moins sombre qu’on ne le croit. Les difficultés d’accès aux soins ne peuvent pas s’expliquer uniquement par le vieillissement de la population et le déséquilibre entre l’offre et la demande ».

Manque chronique de personnel au public

Malgré les embauches massives effectuées durant la pandémie, le réseau public a vu ses effectifs diminuer de 14 % depuis 1991 et compte aujourd’hui l’équivalent de 45 400 employé·e·s de moins qu’il y a trente ans. Ainsi, en 1991, les effectifs du réseau public représentaient 86 % de l’ensemble de la population active en santé et services sociaux ; cette proportion avait chuté à 54 % en 2022. Si cette tendance générale affecte particulièrement le personnel infirmier, certaines professions font toutefois exception. C’est le cas des médecins, pour lesquels l’exode vers une pratique entièrement privée demeure un phénomène marginal.


« La main-d’œuvre totale est plus abondante que jamais dans le secteur de la santé, or le réseau public peine à la recruter et à la retenir. Il est impensable de remédier au manque de personnel dans le public sans limiter le développement du marché privé des soins  », remarque la chercheuse. 

Réforme Dubé: les travailleuses et les travailleurs à nouveau poussé·e·s dans les bras du privé

Les trois plus récentes réformes du système de santé au Québec ont toutes été suivies par une augmentation notable des heures supplémentaires dans le réseau public. La proportion de la rémunération totale consacrée à celles-ci est en effet passée de 1 à 6 % entre 1991 et 2020. 

« La détérioration des conditions de travail dans le public, dont la hausse des heures supplémentaires n’est que la pointe de l’iceberg, a incité le personnel du réseau à aller au privé ou à quitter la profession. On peut s’attendre à des résultats similaires avec la restructuration que souhaite réaliser le ministre Dubé avec l’agence Santé Québec, qui n’est que la prolongation des réformes passées », estime Anne Plourde.