COMMUNIQUÉ | Crise en santé mentale: le cercle vicieux du marché de la psychothérapie
10 octobre 2023
Montréal, 10 octobre 2023 – L’IRIS publie aujourd’hui une étude qui met en lumière les causes profondes du manque d’accès aux services en santé mentale au Québec. Selon Eve-Lyne Couturier, chercheuse à l’IRIS et autrice de la note, « un cercle vicieux s’est installé dans les services en santé mentale au Québec. Pour le briser, le gouvernement du Québec doit impérativement s’attaquer à l’exode des psychologues vers le privé et améliorer les conditions de vie de la population, notamment au travail, en matière de logement et de protection sociale ».
Une crise qui affecte tout le réseau de la santé
Plus de 20 000 personnes étaient en attente d’un service en santé mentale au Québec en 2022. L’incapacité du réseau à prendre en charge ces personnes a des répercussions significatives sur l’ensemble du système de santé. En effet, environ 10 % des coûts des urgences de santé étaient attribuables à des problèmes de santé mentale en 2021.
« Il est surprenant de constater que la part du budget consacrée à la santé mentale a diminué au cours de la dernière décennie alors que la crise qui sévit au Québec a pris une telle ampleur qu’elle a des conséquences sur l’ensemble du réseau », souligne Eve-Lyne Couturier.
Perte de 400 psychologues dans le public
Environ 400 psychologues ont quitté le réseau public de santé au cours des 12 dernières années et désormais, près d’un psychologue sur deux a une pratique privée au Québec. L’exode des psychologues vers le secteur privé a entraîné une forte hausse des tarifs des psychothérapies, avec des prix jusqu’à 50 % plus élevés aujourd’hui qu’en 2021.
« Le marché privé de la psychothérapie, loin d’être complémentaire au système public, est en train de le ruiner. Avec ce système à deux vitesses, un cercle vicieux s’est installé qui mine l’accès aux soins pour les moins fortunés », déplore la chercheuse. En effet, moins le secteur public parvient à fournir des conditions de travail acceptables et des services à la population, plus la demande et les prix sur le marché privé de la psychothérapie augmentent, ce qui alimente l’exode des psychologues vers le secteur privé tout en en limitant l’accès à celles et ceux qui en ont les moyens ou sont couverts par une assurance.
Interdire la pratique mixte pour briser le cercle vicieux
Améliorer les conditions de travail des psychologues du public et inclure la psychothérapie dans le panier de services couverts par la RAMQ sont des mesures nécessaires pour améliorer l’accès aux soins. Ces mesures sont toutefois insuffisantes pour remédier définitivement à la crise en santé mentale à long terme.
« Pour mettre fin au cercle vicieux de la crise des services en santé mentale, il faut mieux encadrer le marché privé de la psychothérapie en interdisant la pratique mixte et les assurances privées duplicatives, comme la loi sur l’assurance-maladie (LAM) le fait pour les médecins », explique Eve-Lyne Couturier.
Agir à la source
Améliorer l’accès à des professionnels est essentiel pour endiguer la crise de la santé mentale. La littérature scientifique révèle toutefois que ce n’est pas assez et que les contextes social et économique sont des facteurs de risque importants pour la santé mentale.
« Les soins curatifs comme la psychothérapie s’attaquent uniquement à la pointe de l’iceberg des problèmes de santé mentale. Améliorer la santé mentale de la population implique d’agir sur les sources principales de stress, par exemple en révisant les normes du travail, en réglant la crise du logement et en renforçant le filet de protection sociale de la société québécoise », conclut Eve-Lyne Couturier.
Pour lire l’étude : https://bit.ly/crise-sante-mentale