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La voiture électrique ne réglera pas le problème de la pollution atmosphérique

19 juin 2024

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Quand on pense à la santé, les premières images qui nous viennent en tête sont souvent liées au système de soins (médecins, hôpitaux, médicaments, etc.). Bien que celui-ci joue un rôle essentiel dans le maintien de la santé de la population, il ne s’agit pas du facteur le plus important. D’après l’Institut national de santé publique du Québec, le système de soins expliquerait 25% de l’état de santé des populations, tandis que 60% de l’état de santé des populations s’expliquerait par l’environnement social, économique et physique. C’est ce qu’on appelle les déterminants sociaux et environnementaux de la santé. L’Association québécoise des médecins pour l’environnement (AQME) fait œuvre utile en liant explicitement les enjeux de santé et les enjeux environnementaux. Il y a quelques mois, elle a publié un rapport qui gagne à être mieux connu : le cadre de référence pour un air sain.

Ce rapport assez technique traite d’une question qui affecte directement notre vie quotidienne, soit celle des conséquences de la pollution atmosphérique sur la santé. D’après Santé Canada, au Québec seulement, la pollution atmosphérique est associée à 4000 décès prématurés par année et engendre des coûts sanitaires annuels de 30 milliards de dollars.

Le rapport de l’AQME brosse le portrait des différents polluants qui affectent la santé et de la diversité de leurs effets. Les plus importants sont les particules fines, un groupe hétérogène de substances qui sont émises sous forme de poussière provenant des activités de construction, de l’érosion des routes ou des gaz d’échappement des véhicules, de l’agriculture, de sources naturelles tels les feux de forêt ainsi que d’autres activités qui impliquent de brûler des combustibles. Les particules fines sont des agents cancérigènes qui augmentent par ailleurs le risque de crise cardiaque et de problèmes respiratoires.

Le dioxyde d’azote, un autre polluant, est associé aux crises d’asthme et à l’irritation pulmonaire chronique. Une exposition à court terme à celui-ci entraîne une plus grande fréquence de consultations à l’urgence et d’hospitalisations pour des symptômes respiratoires. L’ozone a des effets similaires, en plus d’affecter la végétation et de réduire le rendement des productions agricoles.

Le trafic routier est un des principaux émetteurs de ces polluants. Cela est dû entre autres à la combustion d’énergies fossiles par les voitures. On pourrait donc croire que la disparition progressive des voitures à essence au profit des voitures électriques va régler le problème. Or, le rapport nous met en garde contre cette solution trompeuse, ou à tout le moins partielle. En effet, environ 60% des émissions de particules fines du transport routier émanent de sources autres que le moteur à combustion. Ces particules sont plutôt libérées dans l’air par l’usure des freins, celle des pneus et de la surface de la route ainsi que par la remise en suspension de la poussière de la route lors du passage des véhicules. Le remplacement de l’essence par l’électricité ne permet donc pas d’éliminer ce type de polluants.

Pire, l’arrivée massive de véhicules électriques sur nos routes pourrait faire augmenter la quantité de particules fines associées au transport routier. En raison du poids des batteries, les véhicules électriques sont en effet généralement plus lourds que ceux à essence et le niveau d’émissions non liées à la combustion d’un véhicule est proportionnel à son poids. De plus, la production des batteries exige jusqu’à six fois plus de minerais que la fabrication d’un moteur conventionnel, ce qui explique en partie l’actuelle ruée minière au Québec et dans le monde. Pourtant, selon le rapport de l’AQME, l’industrie des minerais et des métaux contribue à 15% des décès prématurés liés aux particules fines.  Enfin, la voiture électrique pourrait participer à la hausse du nombre absolu de véhicules sur les routes, par exemple dans un pays comme la Chine, où l’électrification du parc automobile se conjugue avec l’augmentation du taux de motorisation.

Une véritable réduction de la pollution atmosphérique doit donc passer par une réduction du nombre de véhicules et du nombre de kilomètres parcouru par les automobilistes. Elle implique d’aménager les villes et le territoire de manière à minimiser les déplacements et à favoriser les transports actifs et collectifs pour les besoins de mobilité.

Le rapport de l’AQME contient tout de même deux pistes d’espoir. D’une part, il indique que, même si le niveau des polluants atmosphériques a stagné dans les dernières années, il a diminué dans les dernières décennies au Québec et ailleurs en Occident grâce entre autres à l’adoption de réglementations diverses. Il montre ainsi que, si l’on s’y met sérieusement, il est possible de prendre des mesures efficaces pour s’attaquer à un problème environnemental. D’autre part, le rapport montre que, même si la crise climatique et la pollution atmosphérique sont deux problèmes différents, les deux sont liés parce que plusieurs polluants atmosphériques sont aussi des GES. Les mesures prises pour lutter contre la pollution atmosphérique – réduction de la dépendance à l’automobile, verdissement, normes environnementales plus sévères, etc. – contribuent donc également à la lutte contre les changements climatiques. On peut alors faire d’une pierre deux coups : améliorer la santé des gens et atténuer les conséquences des changements climatiques.

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4 comments

  1. Ce papier est très orienté. Si les véhicules électriques, parce qu’ils sont plus lourds, émettent peut-être davantage de particules fines venant des pneus ou de la route, ils en émettent moins par l’usure des freins, rarement sollicités (le frein moteur suffit dans la plupart des situations), et pas du tout par les moteurs, non plus que des oxydes d’azotes ou des hydrocarbures imbrûés. Leur bilan est largement positif sur la pollution de l’air, comme sur le changement climatique.

  2. Quand on dit au acheteur de VE, que leur véhicule réduira la pollution, et les GES, selon vous on leur compte un beau mensonge.. il est clair que la réduction du nombre de véhicule serait plus bénéfique. Cela suppose qu un service de transport en commun efficace est disponible partout. Ça aussi c’est un beau mensonge. Du transport collectif il en existe peut être dans 10 grande.s villes de la provinces, les autres sont condamnés à prendre bien malgré eux leur voiture. Alors votre beau discours très idéologique et théorique nous nous sert à rien.

  3. La véritable source de nos problèmes remontent au théories économiques que tout le monde a suivi au tout début du XX siècle. Le couple “croissance infinie / Consommation infinie” en est l’expression la plus simple. Il est suicidaire de croire que la croissance et la consommation sont infinies et la preuve en est l’état général de la Terre en ce moment même. On ne peut déjà plus retourner à l’équilibre qui existait encore au XVIII siècle. L’humanité s’est monté une hypothèque monstrueuse qu’elle ne peut pas payer. Il ne lui reste que la course en avant pour éviter que ses factures la rattrape.

  4. Si un tel article vise à sensibiliser, voire mobiliser, le lecteur, c’est malheureusement raté. En dénigrant les véhicules électriques (VÉ), vous jouez le jeu des pétrolières. Je m’attendrais à une telle posture de la part de l’IEDM mais pas de l’IRIS. Que les VÉ ne constituent pas la solution parfaite à tous nos problèmes de transport, j’en conviens aisément. Si on attend une telle solution, elle arrivera trop tard … ou jamais. Est-ce que le transport en commun pourrait représenter une meilleure solution? Probablement. Le problème, c’est qu’on n’arrive même pas à financer les réseaux existants dans les grands centres. Si on s’en éloigne, il n’y a … rien. Pour ce qui est de l’effet du poids des VÉ, je vous suggère de changer de cibles et de vous concentrer sur les véritables poids lourds sur nos routes. Il est pourtant démontré que le transport de marchandises serait bien plus efficient sur l’eau ou sur les rails en conservant le camionnage pour les courtes distances. Et nos routes se détérioreraient pas mal moins vite. Je vous laisse sur un texte de l’université Yale qui explique la différence en matière d’efficacité énergétique des voitures conventionnelles et des VÉ : https://yaleclimateconnections.org/2022/08/electrifying-transportation-reduces-emissions-and-saves-massive-amounts-of-energy/