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Trois bonnes raisons de changer de gouvernement

16 octobre 2015

  • Eve-Lyne Couturier

Les élections sont à nos portes. Pour plusieurs, il ne reste qu’à attendre les résultats. Ça se comprend. Cette longue campagne électorale (la plus longue de l’histoire moderne) en aura lassé plus d’un·e. Pour certain·e·s, ça voudra dire rester à la maison et refuser de participer à cette interminable mascarade. Pour d’autres, le vote par anticipation n’aura jamais été aussi attrayant pour se libérer de la lourdeur du marketing politique que l’on vit depuis début août. Mais pour la plupart des personnes qui participeront aux élections, c’est le 19 octobre que ça se passera, qu’elles iront déposer dans l’urne leur choix pour les quatre prochaines années. Pour qui voter? Pour qui vous voulez. Mais peut-être pas pour les conservateurs de Harper.

Louise Chabot, présidente de la CSQ, une centrale syndicale du Québec, m’a mise au défi de donner trois raisons pour lesquelles changer de gouvernement serait une bonne idée. Alors les voici, version institut de recherche progressiste. Le gouvernement Harper a une longue histoire de déni scientifique, mais ne choisissons que trois exemples.

1)    Cachez ce questionnaire long que je ne saurai voir

Il y a, bien entendu, l’abolition du questionnaire long. Si cette décision politique a fait la manchette lorsqu’elle fut prise et appliquée, on n’en entend presque plus parler. Pourtant, les conséquences sur le long terme sont énormes. En effet, en devenant « volontaire », le questionnaire long perd de sa rigueur scientifique. Résultat? Comparer les données de 2011 provenant du recensement avec celles des années précédentes devient risqué. Sans que ce soit comme comparer des pommes avec des oranges, ça reste comparer des pommes reinettes avec des McIntosh : c’est plus ou moins la même substance, mais pas du tout en même temps. Il est maintenant difficile, par exemple, de savoir si la population du Canada s’est enrichie ou appauvrie, les données manquant de fiabilité et les enquêtes étant différentes sur le long terme.

Et pourquoi on en est arrivé là? Harper avait dit que c’était par souci du respect de la vie privée. Pourtant, selon le Commissariat à la vie privée, en 10 ans, seulement trois plaintes ont été faites à cet égard. Maxime Bernier prétend qu’il en a reçu des milliers, mais faut le croire sur parole. Qu’à cela ne tienne, il importe peu que ce soit une décision décriée par les scientifiques, statisticien·ne·s ou fonctionnaires : les faits ne sont pas importants. Et tant pis si ça nuit à notre capacité d’évaluer des politiques publiques passées ou à en mettre en place des nouvelles. Le plus important est que l’on réduise l’impact de l’État dans la boîte aux lettres de 20 % des citoyen·ne·s à tous les 5 ans.

2)    La recherche fondamentalement rentable

Mais il y a plus encore. La recherche fondamentale est également malmenée. Ce que le gouvernement veut, c’est financer du concret. Du commercialisable. Des projets qui vont dans le sens des priorités et projets gouvernementaux. Au-delà de l’ingérence politique que cela veut dire en science, l’exigence de rentabilité risque d’avoir un impact négatif à long terme sur la recherche. C’est en avançant les connaissances pour les connaissances qu’on fait les découvertes les plus révolutionnaires. Cependant, cela ne veut pas dire que celles-ci sont applicables dans l’immédiat, ou même qu’on comprend comment elles seront applicables. Par exemple, les lasers ont été théorisés, puis créés bien avant qu’on sache quoi en faire. Aujourd’hui par contre, ils permettent de corriger la vue, de graver des disques, à transmettre de l’information, etc. Négliger la recherche fondamentale aujourd’hui revient donc à limiter la recherche appliquée de demain. Et d’aujourd’hui.

3)    L’environnement? Quel environnement?

Toujours dans le déni de la science, il y a le bilan catastrophique du gouvernement sur les questions environnementales. Au sein de son cabinet, il y a même eu un ministre des sciences et technologies qui ne croyait pas à l’évolution (ou du moins, a prétendu que répondre s’il y croyait était une atteinte à sa liberté religieuse). Il n’était pas le seul du cabinet ou de la députation. Pour Stockwell Day, député conservateur entre 2000 et 2009, la Terre aurait même entre 6 000 et 10 000 ans. Considérant ceci, il n’est pas étonnant que le gouvernement soit réticent à reconnaître le rôle des humains dans les changements climatiques. Et pour être certain de ne pas se faire contredire, il a réduit le financement d’Environnement Canada, mis en place une règlementation qui empêche les scientifiques à son emploi d’intervenir publiquement sans avoir d’abord fait valider ce qu’ils et elles peuvent et ne peuvent pas dire, fermé des bibliothèques scientifiques nationales, etc. Ce n’est pas étonnant qu’on traite le pays d’« État voyou » sur le plan environnemental.

Pourtant, chaque fois que Harper s’est fait interpeler sur la question du climat pendant la campagne, il ne s’est pas gêné pour dire que c’était uniquement sous son gouvernement que le Canada a vu ses émissions de gaz à effet de serre se réduire. C’est “>une façon de voir les choses. En fait, la crise économique explique une part importante de ce bilan “positif”. Ce qu’il ne dit pas, par contre, c’est que c’est par l’action des provinces (l’Ontario, le Québec et la Colombie-Britannique, principalement), et sans le soutien du fédéral, que ces résultats ont été obtenus. Du côté de l’Alberta, les émissions explosent. Celles qui proviennent de l’exploitation des sables bitumineux atteignent encore des sommets année après année. Si 2015 voit une meilleure performance, ce ne sera pas parce que des efforts auront permis de « mieux » exploiter la ressource, mais parce que le pétrole a perdu beaucoup de valeur dernièrement. Dans tous les cas, il reste beaucoup (beaucoup beaucoup) de chemin à faire si on veut que le Canada fasse sa part pour éviter la catastrophe environnementale.

4)    Point bonus : Charité bien ordonnée commence par ceux et celles qui pensent comme soi

Mais il n’y a pas que la science que le gouvernement essaie de contrôler, de museler, de transformer pour qu’elle produise ce qui le conforterait dans ses idées. Dans les dernières années, l’Agence du revenu du Canada s’est mis à mettre sous enquête un nombre important d’organismes de charité à tendance progressiste. Les groupes environnementaux, les organismes d’aide humanitaire ayant des projets en Palestine ou les groupes communautaires travaillant à prévenir la pauvreté (la réduire, c’est correct, mais la prévenir, c’est politique) sont présentement sous enquête pour défendre leur mission sociale. Étudier les politiques publiques du Canada en ayant un cadre théorique progressiste serait également partisan, même si tous les gouvernements passés, libéraux ou conservateurs, ont été critiqués avec la même verve. On a même accusé des ornithologues d’activités politiques peu de temps après qu’ils se soient plaints à des ministres fédéraux de déversements de produits chimiques et de leurs impacts sur les abeilles. Que des hasards, nous dit-on. Les hasards ont le dos large

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