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Top 100 des PDG: toucher le gros lot en une journée

6 janvier 2016

  • Philippe Hurteau

Chaque année, le Centre canadien de politiques alternatives (CCPA) lance son palmarès des PDG canadiens les mieux payés. Dans l’édition 2016, on apprend que le top 100 se partagera la coquette somme de 896 M$. Avec une rémunération moyenne de 8,96 M$ par PDG, ces derniers auront accumulé l’équivalent du salaire annuel moyen des Canadien.ne.s et en seulement 1 journée et demi de travail.

Le 4 janvier à 12h18, les principaux PDG canadiens se seront déjà attribués un niveau de rémunération aussi important que celui de la moyenne des autres salarié.es. Le reste de l’année est pour eux littéralement l’occasion d’accumuler des surplus dont on peut grandement remettre en cause la légitimité.

En effet, une politique de réduction de la rémunération des PDG au profit de celle des salarié.es ferait beaucoup de sens. Permettre à chaque employé.e de gagner un peu plus tous les ans, c’est garantir un niveau plus grand de dépenses de consommation et donc favoriser la stimulation économique. Le niveau des sommes touchées par les PDG implique un comportement inverse, soit une épargne excessive (et improductive!) au sommet de la pyramide sociale.

Les chiffres de la démesure

Contrairement à ce que prétendent les tenants de l’orthodoxie économique, la rémunération n’a que rarement à voir avec l’utilité économique des gens ou encore avec un mythique équilibre entre l’offre et la demande de certains talents. Si un PDG peut recevoir quelques millions par année, ce n’est pas en raison de sa performance individuelle ou des capacités uniques qu’il met à la disposition d’une entreprise. C’est simplement parce que les PDG, non pas à titre individuel mais comme catégorie sociale, sont parvenus à s’attribuer des postes de pouvoir leur permettant de dicter leurs conditions au marché.

L’univers de la rémunération des PDG n’est en fait que le reflet du pouvoir politique, économique et sociale de ces derniers. Quand un PDG réalise 184 fois le salaire moyen d’un salarié.e et 407 fois celui d’une personne au salaire minimum, ce n’est plus son efficacité économique qui est reflétée par son salaire, mais bien le pouvoir qu’il a sur le reste de la société.

Comparaison des niveaux de rémunération, en $

Ce pouvoir justement, il faut bien reconnaître qu’il se consolide et s’accroit. De 2008 à 2014, la rémunération des principaux PDG a augmenté de 22 % contre 11 % pour celle des salarié.es.

On comprend mieux pourquoi certains, comme nos collègues de l’IEDM, refusent d’en faire la critique. Critiquer la rémunération des PDG c’est non seulement mordre la main qui les nourrit (27 % du financement de l’IEDM venant d’entreprises privées), ce serait surtout faire l’effort de saisir les rapports de pouvoir qui traversent notre société.

Quand le CCPA insiste sur l’espace fiscal qui pourrait être occupé si une juste contribution des PDG était mise en place, ce n’est pas parce qu’ils pensent pouvoir régler ainsi tous les problèmes budgétaires de l’État fédéral. C’est seulement qu’il est tout à fait normal que les politiques fiscales de l’État, en plus de voir au financement de l’administration publique, s’occupent également de contrebalancer les structures inégalitaires de l’économie de marché.

C’est précisément ce que le rapport publié hier nous incite à faire. Il est faux de prétendre qu’une plus grande liberté économique favorise le plus grand nombre. Si l’on souhaite mettre un terme à l’élargissement des écarts de revenus, il est impératif de revoir la structure même de notre régime fiscal. Dans la même veine, il serait grand temps de lever les embuches réglementaires qui entravent à ce jour l’exercice du droit de négocier collectivement ses conditions de travail.

Si le niveau de rémunération des PDG est le reflet de leur pouvoir social, sa remise en question ne peut que passer par la contestation de ce pouvoir.

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