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Le coût de la répression

20 avril 2015

  • Philippe Hurteau

Avec le printemps reviennent les séries et les manifestations. Si dans le premier cas on assiste à de joyeuses réunions de fêtards et à une euphorie quasi généralisée, les manifestations ne se déroulent souvent pas dans une atmosphère bon enfant.

Il y a bien sûr les grandes manifestations. Elles rassemblent des dizaines de milliers de personnes, parfois même des centaines de milliers. Il s’agit de grandes marches dans lesquelles chacun vient avec ami.e.s, enfants et familles dans le but de dénoncer les coupures du gouvernement.

Il y a aussi toute une panoplie d’autres manifestations. Les manifs de soir. Les levées de cours dans les universités et les cégeps. Les actions de perturbation économique. Les occupations de bureaux de ministre.

Dans ces cas, la répression policière est souvent ce qui retient davantage l’attention. On ne s’intéresse ni aux causes d’un conflit, ni au contexte souvent complexe dans lequel prennent place les actions plus « musclées » et encore moins aux revendications des gens impliqués. L’important, trop souvent, est de faire bêtement état des arrestations, du mobilier endommagé ou de la présence de « vilains » casseurs masqués.

Si le traitement médiatique des événements laisse le plus souvent à désirer, l’attitude des forces de l’ordre n’est guère plus reluisante. Le plus souvent, surtout à Montréal, les personnes rassemblées pour manifester n’ont plus le temps de mettre un pied dans la rue qu’elles sont déjà déclarées illégales et, malheureusement, prises en souricière et incarcérées.

Les corps policiers, de plus en plus équipés de matériel de pointe afin d’exercer leur travail de répression – ce qui fait de la police, lors des manifestations, un groupe qui ressemble à s’y méprendre bien plus à des militaires en campagne qu’à des agents de la paix – ont aujourd’hui une panoplie inédite de moyens afin d’accomplir leur œuvre : bombe assourdissante, gaz lacrymogène, poivre de Cayenne, cavalerie et escouade canine, bouclier, matraque, balle de plastique, canon à eau ou à ultrason, etc.

Face à un tel attirail de moyens répressifs, il est de plus en plus difficile de maintenir la fiction voulant que la police soit là pour permettre aux gens de manifester.

Comme de raison, tout ceci à un coût. Prenons en exemple ce qui s’est passé en 2012. La série de manifestations étudiantes et citoyennes fut d’abord  déclencher pour contrer une deuxième hausse consécutive des droits de scolarité et ensuite pour décrier l’intransigeance du gouvernement libéral.

Très vite, il devint évident que la volonté du premier ministre Charest de ne pas négocier allait avoir un coût. Il est évalué que la prise en charge des manifestations a coûté 17 M$ au Service de police de Montréal, quelques 6,8 M$ à la Sûreté du Québec et plus d’un million à la police de Québec.

Toutefois, le coût le plus important n’a pas été monétaire, mais démocratique. En généralisant les interdictions de facto de manifester (arrestation de masse, agression du cortège des manifestant.e.s par la police pour en provoquer la dispersion, etc.), la police et les responsables politiques ont joué un rôle très actif dans le recul du droit de se rassembler.

C’est en fait toute une idée de la démocratie qui est en recul. On ne parle plus de grève étudiante, mais de boycott. On abolit la démocratie scolaire. On élimine des CA des établissements de santé les représentant.e.s de la société civile. Tout ce qui pouvait ressembler à un lieu de réunion où il était possible d’aller afin de discuter, débattre et faire valoir ses critiques est systématiquement battu en brèche.

Le coût de la répression est monétaire, mais il vient surtout de l’orientation que l’on se donne comme société.

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