Est-ce que le Québec paie ses garderies avec le pétrole albertain?
12 mars 2014
Le parti Wild Rose de l’Alberta a mis le Québec au cœur de sa stratégie médiatique de réforme du programme de péréquation. Mme Smith déclarait que « l’argent donné par l’Alberta permet par exemple au Québec de se payer de bons programmes sociaux, comme les garderies à sept dollars ou des études postsecondaires bon marché ». Dans une note publiée aujourd’hui, l’IRIS étudie spécifiquement la validité de cette affirmation, tout en regardant s’il serait possible de développer suffisamment les ressources naturelles, dont le pétrole pour se sortir de la péréquation.
Qu’est-ce que la péréquation?
La péréquation est un engagement de principe constitutionnel du gouvernement fédéral qui a été mis en place un peu après la Deuxième Guerre mondiale. Elle vise à assurer des services publics de qualité comparable entre les provinces sans qu’une province soit dans l’obligation d’imposer et de taxer davantage sur son territoire pour y arriver. En d’autres termes, c’est un principe de répartition de la richesse tout en préservant l’autonomie politique des décisions des provinces, puisque l’allocation des montants de ce programme de transfert est inconditionnelle.
Le Québec serait grandement avantagé, l’enfant gâté du programme de péréquation et se paierait ainsi de meilleurs programmes sociaux
Même s’il bénéficie d’une somme totale de péréquation imposante (7,8 milliards en 2013-2014), le Québec est avant-dernier quant au montant de péréquation par habitant qu’il reçoit. Présenter les montants de cette manière est tout à fait normal, parce que les montants alloués par ce programme sont justement alloués par habitant.
Tableau 1 : Comparaison des montants de péréquation par habitant (2013-2014)
Les Québécois-es, comme l’ensemble des Canadien-ne-s paient de l’impôt au gouvernement fédéral. Celui-ci redistribue de l’argent directement aux provinces, entre autres, mais pas seulement, par le programme de péréquation. Il y a par exemple le transfert canadien en matière de santé ou de programmes sociaux. Toutes les provinces reçoivent des transferts fédéraux. En fait, la redistribution sur l’ensemble de son territoire est la principale fonction du gouvernement fédéral. Les transferts représentent près de la moitié de ses dépenses budgétaires (46%). Le Québec reçoit un peu plus de transferts fédéraux – incluant la péréquation – que sa part de la population ou du PIB canadien.
Tableau 2 : Comparaison des provinces selon les dépenses par habitant en santé et services sociaux (2009)
Tableau 3 : Différence entre les transferts fédéraux reçus par le Québec et ceux qu’il devrait recevoir s’ils étaient proportionnels à la taille de sa population ou de l’économie (2009)
Cependant, cette différence est de très petite taille. En fait, la part de la péréquation représente entre 3% et 6% du surplus de dépenses publiques québécoises. On est loin de pouvoir affirmer que le Québec finance ses programmes sociaux grâce à cette mince différence.
Le Québec pourrait, comme l’Alberta, développer son pétrole pour se sortir de la péréquation
Contrairement à ce qui est avancé parfois, il est impossible pour le Québec de cesser de recevoir des transferts de péréquation grâce aux revenus liés à l’exploitation de ses ressources. La note explique le fonctionnement du système de péréquation et montre à quel point son évolution dans l’histoire est surtout causée par des changements politiques et non économiques.
On nous présente souvent l’Alberta et l’exploitation de ses ressources pétrolières comme un modèle à suivre. Le Québec devrait tirer meilleur parti de ses ressources nous dit-on, nous cesserions ainsi d’être dépendants de l’argent des autres. Pourtant, si le Québec voulait cesser de recevoir des transferts de péréquation uniquement grâce à ses revenus tirés de l’exploitation de ressources naturelles, il devrait aller chercher cinq fois plus de revenus qu’il n’en tire présentement, soit 14 milliards de dollars. En comparaison, les sables bitumineux albertains procurent 12$ milliards de revenus à cette province.
Ce qui veut dire que le Québec devrait produire 5 milliards de plus que l’Alberta en ressources naturelles pour ne plus recevoir de péréquation. C’est à ce demander où se trouvent ces ressources.