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Des CLSC aux GMF

3 mars 2016

  • Anne Plourde

On apprend aujourd’hui qu’une partie importante des activités et des ressources des CLSC sera transférée vers les Groupes de médecine de famille (GMF) et ce, aux frais du ministère et des établissements publics. Selon Noémie Vanheuverzwijn, porte-parole du ministère de la santé et des services sociaux, « ce transfert est une ‘pièce maîtresse’ de la réforme des services de première ligne pour sortir de l’hospitalo-centrisme ».

Tout d’abord, il convient de préciser que sortir de l’hospitalo-centrisme signifie généralement recentrer le réseau de la santé sur la première ligne, c’est-à-dire sur la médecine de famille, sur la prévention des maladies et sur la promotion de la santé. Un tel objectif implique nécessairement de renforcer la première ligne en ajoutant de nouvelles ressources ou en transférant des ressources de l’hôpital vers la première ligne. Or, ce que le ministère fait ici, c’est plutôt de transférer des ressources vers la première ligne… à partir de la première ligne !

L’ironie de la situation est d’autant plus frappante qu’en 1971, au moment de leur création, les CLSC étaient considérés comme le pivot d’une réforme qui avait justement parmi ses objectifs principaux de « sortir de l’hospitalo-centrisme ». On espérait atteindre cet objectif par la création d’un réseau complet d’établissements publics de première ligne qui deviendrait la principale porte d’entrée du système socio-sanitaire et qui aurait pour mission de favoriser la prévention de la maladie et la promotion de la santé.

Il est bien connu que si les CLSC ne sont pas tout à fait parvenus à jouer ce rôle, c’est en bonne partie parce que les médecins de famille ont refusé de s’y engager : voyant les CLSC comme une menace à leur statut et à leur autonomie professionnelle, les médecins, qui refusent de devenir des employé-e-s de l’État au même titre que les infirmières, ont choisi de boycotter les CLSC et de fonder leurs propres cliniques. C’est à partir de telles cliniques que seront créés les GMF au début des années 2000.

Or, à la différence des CLSC, les GMF ne sont pas des établissements publics : les GMF sont la propriété privée des médecins. Cela signifie que même si ces établissements sont entièrement financés par l’argent public, leur gestion est entièrement privée : ce sont les médecins qui gèrent eux-mêmes et elles-mêmes « leur » clinique. Autrement dit, les décisions concernant leur fonctionnement (par exemple : les heures d’ouverture, l’organisation du travail, etc.) sont la prérogative des médecins à qui appartiennent ces cliniques. Cela signifie également que les GMF n’ont pas à se conformer à une mission définie par l’État, comme c’était le cas des CLSC.

Bref, alors que l’État finance abondamment les GMF et qu’il prévoit maintenant d’y transférer de nouvelles ressources (au détriment des CLSC), il a très peu de contrôle sur la manière dont ces ressources sont utilisées, contrairement à ce qui se fait dans les CLSC. De plus, l’expérience des dernières années montre clairement que les tentatives de l’État pour orienter en fonction des priorités gouvernementales les décisions prises dans les GMF sont un échec. En effet, il est avéré que ces tentatives, qui prennent toutes la forme de mesures incitatives, restent largement sans effet. Ainsi, on apprenait en 2013 que 45% des GMF ne respectaient pas les ententes prises avec le ministère mais continuaient néanmoins de recevoir leur financement sans être inquiétés par le ministère !

Il est trop tôt pour dire si cette nouvelle réforme signera l’arrêt de mort définitif des CLSC. Condamnés à de nombreuses reprises depuis leur naissance, ils ont perdu au début des années 2000 (au moment de la création des GMF) leur statut d’établissements autonomes pour être fusionnés dans les Centre de santé et de services sociaux (CSSS), eux-mêmes récemment fusionnés dans les Centre intégrés de santé et de services sociaux (CISSS). Puisqu’on peut difficilement imaginer que le transfert de ressources prévu s’accompagnera de nouvelles obligations pour les GMF (le ministère ne donne d’ailleurs aucune indication en ce sens), on peut craindre qu’avec le virage annoncé aujourd’hui, c’est la mission même de prévention et de promotion de la santé, au cœur du mandat des CLSC, qui sera une fois pour toutes abandonnée.

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