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Ces faits que la FMOQ préfère ignorer

30 avril 2019

  • Anne Plourde

Dans sa réponse à notre fiche technique sur les infirmières praticiennes spécialisées (IPS) publiée la semaine dernière, le président de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ), M. Louis Godin, parle « d’inexactitudes », de « faits alternatifs » et de « propagande » pour qualifier nos conclusions. Pourtant, les chiffres qu’il amène pour « rectifier » nos affirmations sont strictement identiques à ceux que nous utilisons. Il pourrait difficilement en être autrement puisque nos données sont directement tirées de la Lettre d’entente 229 conclue entre le ministère de la Santé et des Services sociaux et M. Godin lui-même.

M. Godin affirme que les médecins sont payés pour « collaborer » avec les IPS et non pour les surveiller, mais cette lettre d’entente et les lignes directrices établies en 2018 par son propre ordre professionnel sont très claires quant au fait que les médecins exercent « une surveillance générale de la qualité et de la pertinence des activités médicales » des IPS et que les médecins reçoivent une rémunération spécifique pour cette surveillance (Lettre d’entente 229, article 2.01).

Que cette rémunération soit accaparée par un seul médecin où qu’elle soit répartie entre plusieurs ne fait aucune différence pour les fonds publics : pour chaque IPS, des dizaines de milliers de dollars par année sont versés aux médecins pour surveiller les infirmières les mieux formées et les plus compétentes au Canada, sommes auxquelles s’ajoutent, dans le cas des IPS déployées en cabinets privés, 30 000 $ versés annuellement aux médecins propriétaires de ces cabinets pour couvrir leurs frais d’exploitation.

M. Godin, qui ne peut contester ces chiffres, fait valoir qu’il est légitime de rembourser les dépenses d’exploitation liées à la présence des IPS dans leurs cliniques. Il oublie cependant de préciser que les médecins en cabinets privés reçoivent une rémunération à l’acte considérablement plus élevée qu’en établissements publics justement pour couvrir leurs frais d’exploitation.

De plus, les médecins regroupés en groupe de médecine de famille (GMF) profitent déjà de subventions de fonctionnement substantielles (entre 100 000 $ et 300 000 $ par année), qui visent notamment à financer l’accueil « du personnel administratif et professionnel embauché par le GMF ou alloué par le CISSS ou le CIUSSS » (Programme de financement et de soutien professionnel pour les groupes de médecine de famille, juin 2017).

Autrement dit, les frais d’exploitation des cabinets privés sont triplement financés par des fonds publics (et c’est sans compter la subvention ponctuelle de 40 000 $ prévue pour l’aménagement du GMF, ce qui « comprend les frais liés à l’intégration du personnel supplémentaire en GMF », dont le personnel infirmier).

Enfin, M. Godin nous reproche nos « extrapolations » sur de la « rémunération encore virtuelle » et sur des « montants hypothétiques ». Or, les estimations et les projections sont des procédés communément utilisés en économie, en démographie, en statistiques et en sciences sociales pour tenter, par exemple, de prévoir les coûts à plus long terme de certaines dépenses publiques et d’évaluer la pertinence et les impacts de certains choix politiques.

Ainsi, un calcul simple permet de conclure qu’avec environ 2500 IPS prévues par le ministère en 2026-2027, ce sont près de 100 millions qui seront alors versés annuellement aux médecins pour surveiller les IPS et pour les accueillir dans leurs locaux. Et bien que nos projections déplaisent à M. Godin, elles nous permettent d’estimer qu’entre 2020 et 2027, ce sont environ 450 millions qui pourraient être investis de manière plus judicieuse, par exemple pour former davantage d’IPS.

Ce billet est d’abord paru sous forme de lettre dans l’édition du 30 avril 2019 du Devoir

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