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Réforme Dubé | Qui a peur des comités d’usagers?

30 octobre 2023

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4min

  • Anne Plourde

Depuis le dépôt du projet de loi 15 (PL15) visant à réformer le système de santé, plusieurs groupes et intervenant·e·s ont exprimé leurs préoccupations face à la perte de pouvoir de la population au sein des diverses instances de la future agence Santé Québec. La possibilité que des dizaines de comités d’usagers locaux soient abolis ainsi que l’absence de représentant·e·s désigné·e·s par la population sur les conseils d’établissement et le conseil d’administration de la nouvelle structure sont notamment dénoncés. Malgré les promesses d’ajustement et une série d’amendements censés avoir répondu à ces critiques, les inquiétudes persistent. Qu’en est-il réellement de la participation citoyenne dans le PL15?

Cette publication a été réalisée dans le cadre du LaRISSS.

Sur cet enjeu comme sur ceux de la centralisation et de la privatisation, la réforme Dubé se situe dans la continuité directe de celles qui l’ont précédée. Rappelons qu’avant l’érosion de sa dimension démocratique par les réformes des dernières décennies, le système public de santé québécois était un modèle en matière de participation populaire. Au moment de sa création en 1971, chaque hôpital, chaque CHSLD et chaque CLSC était doté de son propre conseil d’administration, sur lequel siégeait une proportion significative d’usagères et d’usagers élu·e·s, proportion qui était même quasi-majoritaire dans le cas des CLSC. De plus, ces conseils d’administration – et donc la population elle-même – ne jouaient pas qu’un rôle symbolique : ils avaient des pouvoirs réels sur la détermination des priorités, des objectifs et du type de services offerts dans les établissements.

Suite à la réforme Dubé, il ne subsistera qu’un seul conseil d’administration pour gérer la totalité des plus de 1 500 points de services du réseau : celui de l’agence Santé Québec. Dans cette instance qui concentrera l’essentiel des pouvoirs, aucun·e membre ne sera élu·e par la population ou désigné·e d’une manière ou d’une autre par les usagères et les usagers des services. Comme dans les autres sociétés d’État, l’ensemble de ses membres sera désigné arbitrairement par le gouvernement.

Aucun autre des conseils ou comités prévus par le PL15 ne sera doté de pouvoirs décisionnels. Au niveau régional, les établissements (c’est-à-dire les actuels CISSS et CIUSSS qui seront convertis en succursales de Santé Québec) seront dirigés par un·e PDG nommé·e par le conseil d’administration de Santé Québec. Des « conseils d’établissement » qui n’auront que des pouvoirs de recommandation remplaceront les anciens conseils d’administration des CISSS et des CIUSSS. Tous les membres de ces conseils d’établissement seront nommé·e·s par le conseil d’administration de Santé Québec, même celles et ceux censé·e·s représenter les usagères et les usagers.

Pour répondre aux critiques sur l’érosion de la participation citoyenne qu’entraînerait l’adoption du PL15, le ministre Dubé a déposé des amendements qui auraient pour effet d’ajouter sur les conseils d’établissement deux représentant·e·s du personnel et trois personnes issues du milieu municipal. Toutefois, ces membres supplémentaires seront également nommé·e·s d’en haut plutôt que désigné·e·s démocratiquement. De plus, cet ajout s’est fait au prix d’une diminution du nombre d’usagères et d’usagers, qui passe de cinq dans la version originale du PL15, à trois dans la version amendée.

Le dernier rempart contre l’élimination complète de la participation citoyenne dans le réseau de la santé se trouve dans les comités d’usagers et de résidents formés au sein des établissements régionaux et des installations locales. Bien qu’ils ne disposent d’aucun pouvoir réel, il s’agit des seules instances dont les membres seront désignés démocratiquement par les usagères et les usagers des services.

Cependant, les comités d’usagers régionaux seront chapeautés par un comité national des usagers qui, loin de jouir de l’indépendance nécessaire à sa fonction de défense des droits de la population, agira « sous l’autorité immédiate » du PDG de Santé Québec. Pire encore, dans la première version du PL15, la totalité des membres de ce comité était nommée par le conseil d’administration de l’agence. Un des amendements prévoit désormais que trois des membres du comité national des usagers seront désigné·e·s par et parmi les membres des comités des usagers régionaux et locaux. Néanmoins, dans cette version amendée, la majorité des membres du comité national seront nommé·e·s par Santé Québec.

On le constate, le gouvernement est tellement réticent à accorder la moindre parcelle de pouvoir à la population et aux usagères et usagers des services qu’il refuse même de leur laisser une place sur des instances dépourvues de pouvoir réel. À défaut de rassurer sur ses intentions, l’attitude du gouvernement a au moins le mérite de mettre en lumière l’importance cruciale de cet enjeu, qu’on pourrait avoir tendance à considérer comme secondaire par rapport à l’accès et à la qualité des services. 

Néanmoins, quand on connaît le rôle joué historiquement par la participation citoyenne dans la capacité de la population à revendiquer les services dont elle a besoin et à défendre l’intégrité du système public de santé, on comprend qu’un gouvernement qui souhaite privatiser massivement ait peur des comités d’usagers.

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2 comments

  1. Comment se fait-il que les partis d’opposition soient à ce point condescendants ? Ils se font mener par le bout du nez en étudiant cet impossible projet de loi article par article. Il avale la couleuvre un article à la fois et agissent comme si ils acceptaient le projet dans son ensemble.
    Et que font tous ces organismes (syndicats, communautaires) qui on présenté des Mémoires démolissant le projet de loi?
    Nous devrions demander aux étudiants de nous dire comment faire pour obliger ce gouvernement à reculer.
    Et les supposées associations qui se donnent pour mission d’aider et de défendre les personnes âgées ? (FADOQ, AQDR, AQRP, AREQ …) Elles n’ont rien compris ? Pourtant nous sommes les plus importants usagers de ce système de santé.
    Au risque de faire encore de la peine à François Legault, il faudrait sortir les fauteuils roulants, les béquilles et les vieux pour une manifestation, une grève, un désordre social quelconque.
    Le bulldozer osera-t-il foncer sur eux?

  2. La centralisation sauvage est une première étape pour privatiser les services de santé au Québec.

    Quelle honte!

    On fait passer le système de la santé publique comme étant inefficace alors qu’il est ouvertement sous financé.

    Dans un même temps, on vante le système de santé privé qui,lui, joui d’un financement plus qu’adéquat.

    Est-ce logique, même pour un gouvernement, de financer un concurrent?

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