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Réforme Dubé | La Colombie-Britannique montre qu’il est possible de s’éloigner du privé en santé

12 octobre 2023

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Comme l’Australie, l’Alberta et d’autres endroits dans le monde, la Colombie-Britannique a essayé d’emprunter la voie risquée du recours accru au privé en santé. Comme ailleurs, cette voie s’est avérée être un cul-de-sac. De manière prévisible, les soins de santé privés ont engendré des coûts additionnels, à la fois pour les patient·e·s et pour la province, sans pour autant aider à y régler les problèmes d’accès. Depuis quelque temps, le gouvernement semble avoir partiellement appris de ses erreurs et vouloir emprunter le chemin plus viable d’un renforcement des capacités publiques.

Un rapport de recherche a dévoilé qu’en six ans, de 2015 à 2021, le gouvernement de la Colombie-Britannique a déboursé 393 millions de dollars en contrats avec des cliniques privées pour qu’elles réalisent des procédures médicales financées par le réseau public. Cette manière de procéder ressemble à ce qui se passe actuellement dans le réseau de la santé québécois.

Conçues officiellement pour réduire rapidement les listes d’attente, ces politiques de sous-traitance ont plutôt pour effet de renforcer un lucratif marché privé des soins qui draine des ressources publiques. Les procédures médicales effectuées dans le privé ont tendance à coûter plus cher que lorsqu’elles sont réalisées dans le réseau public. À titre d’exemple, les chirurgies du genou effectuées en Colombie-Britannique peuvent coûter près de quatre fois plus cher dans les cliniques privées que dans les hôpitaux publics. Sur l’Île de Vancouver, des cliniques privées demandent 550$ par examen d’imagerie par résonance magnétique (IRM), alors que les établissements publics de l’île peuvent faire le même examen pour un coût de 300$ (plus les frais généraux). En avril dernier, l’IRIS utilisait les données d’un projet-pilote du gouvernement québécois pour montrer qu’ici aussi, le coût des procédures réalisées par les cliniques privées est significativement plus élevé que les mêmes procédures effectuées dans les installations publiques.

Cette différence de coûts s’explique entre autres parce qu’en Colombie-Britannique, tout comme au Québec, les ententes de sous-traitance prévoient que le gouvernement rembourse aux cliniques privées les dépenses qu’elles engagent, ainsi qu’une marge de profit garantie. Alors que les capitalistes justifient souvent leur rémunération élevée en disant qu’elle compense les risques qu’ils prennent, les capitalistes du milieu de la santé n’en prennent aucun dans le cas qui nous concerne : ils sont assurés de faire des profits.

De plus, les cliniques privées britanno-colombiennes se permettent de charger pour des procédures déjà couvertes par le public, à l’encontre de la Loi canadienne sur la santé. Cette surfacturation illicite permet à des patient·e·s aisé·e·s de contourner les listes d’attente. Lorsqu’il est confirmé que de la surfacturation a eu lieu, le gouvernement fédéral réduit d’autant les montants du transfert canadien en matière de santé versés à la province. Il est donc possible d’évaluer les coûts totaux de la surfacturation dans la province. Pour la Colombie-Britannique, ils se sont élevés en moyenne à 15,7 millions de dollars par année de 2018 à 2021. Les cliniques privées ont donc non seulement reçu de généreux fonds publics, mais elles ont chargé aux patient·e·s des frais illicites, ce qui a entraîné une réduction des transferts en santé pour la province.

Ces fonds auraient sans doute été plus utiles s’ils avaient été investis dans l’amélioration des services publics. En effet, en plus de coûter plus cher, les entreprises de soins privés affaiblissent le réseau public puisqu’elles recrutent des professionnel·le·s de la santé qui ne sont alors plus disponibles pour travailler dans le réseau public. Il est pourtant possible de s’attaquer aux causes réelles des problèmes d’accès en mettant en place des stratégies qui misent sur le renforcement du réseau public, notamment en soutenant la première ligne et en s’appuyant sur des équipes de soins multidisciplinaires. C’est ce qu’a pu montrer la le programme public OASIS dans la région de Vancouver : en comptant sur une équipe diversifiée de professionnel·le·s, il a permis d’identifier et de prendre en charge des patient·e·s qui devaient subir une chirurgie non essentielle, libérant ainsi du temps que les chirurgien·ne·s ont pu consacrer à des personnes qui avaient absolument besoin d’une opération.

Dans les dernières années, le gouvernement de la Colombie-Britannique a commencé à réinvestir dans le réseau public. En 2022, il a notamment acheté deux cliniques privées dans le but d’accroître l’accès aux chirurgies. Après s’être enfoncé dans la voie sans issue du privé en santé, le gouvernement de la province semble timidement vouloir faire marche arrière. Il n’est peut-être pas trop tard pour que le gouvernement Legault fasse de même.

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2 comments

  1. Quand l’état est actif dans un domaine, le privé devrait en être chassé.Peu importe le domaine.

    Le gouvernement, contre les intérêts des citoyens, dépense plus de 35,000,000,000$ par année en BS corporatif.

    Si, par dessus ça, il les a comme compétiteurs, rien ne va plus.

    On dépense plus de 600,000,000$ par année pour un système d’ambulance qui est chaotique. Faudrait peut-être jeter un coup d’oeil là-dessus, surtout que l’état n’a pas de droit de regard sur comment cet argent est dépensé.

  2. Il est évident qu’une réforme majeure est nécessaire car le système actuel va entraîner un sous-financement de tous les autres services de la province.
    J’ai lu avec beaucoup d’intérêt le plan proposé mais je devrai relire attentivement et amorcer une réflexion en profondeur sur le réalisme de ces réformes qui semblent aller dans la bonne direction.
    Est-ce que le modèle proposé par l’Iris est déjà en application ailleurs dans le monde?

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