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Penser l’après-réforme Dubé : les vrais remèdes en santé et services sociaux

11 décembre 2023

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Avec le projet de loi 15 que le ministre Christian Dubé a fait adopter samedi sous la procédure parlementaire du bâillon, un troisième bouleversement majeur en vingt ans est sur le point d’être imposé au système de santé. Or, à l’instar des réformes Couillard (2003) et Barrette (2015), elles aussi adoptées sous le bâillon, la réforme Dubé n’apporte aucune solution aux problèmes réels dont souffre le réseau. Au contraire, nos analyses montrent que la réforme actuelle, comme celles qui l’ont précédée, aura pour effet de les accentuer. Comme celles qui l’ont précédée, elle est donc vouée à l’échec et devra nécessairement être remplacée à court ou moyen terme.

Ce constat implique de commencer à réfléchir dès maintenant à l’après-réforme Dubé et aux solutions qui devront être appliquées pour rendre le système de santé véritablement efficace, c’est-à-dire capable de répondre aux besoins de la population. Dans une publication récente, nous identifions six remèdes à mettre en œuvre dans un horizon de trois à six ans pour apporter de manière profonde et durable de vraies solutions aux vrais problèmes du réseau :

  1. Contre la centralisation du système de santé et la déconnection qu’elle produit entre les décideurs et gestionnaires du réseau et les services offerts sur le terrain, nous proposons la création de 400 pôles sociaux, qui seront autant de points de contact directs, locaux et démocratiques entre la population et le système de santé, permettant à celle-ci de reprendre le contrôle sur ses services et de les adapter à ses besoins.
  2. Pour renverser l’hospitalo-centrisme et réussir à intervenir avant que les gens ne soient très malades ou en crise, nous proposons de viser une répartition 50-50 des budgets entre le préventif et le curatif. Il s’agirait ici de réinvestir massivement dans la prévention et les services de première ligne afin qu’à terme, on y consacre la moitié des dépenses en santé et services sociaux.
  3. Afin de résorber les crises majeures qui secouent certains secteurs cruciaux mais sous-financés du réseau, nous proposons d’utiliser une part des fonds supplémentaires investis en prévention et en première ligne pour doubler d’urgence les investissements dans quatre domaines prioritaires : la santé mentale, la santé publique, les services à domicile et le secteur communautaire.
  4. La prévention et la première ligne étant des domaines dont le déploiement repose principalement sur une main-d’œuvre abondante et adéquatement formée, nous proposons de consacrer une part du financement injecté dans ces secteurs à l’ajout de 100 000 personnes aux effectifs du réseau public. Dans le contexte actuel de rareté de main-d’oeuvre, cette offensive majeure de recrutement devra être basée sur des formations payées et une bonification des salaires, mais aussi sur des conditions de travail améliorées et un cadre de travail complètement renouvelé remettant radicalement en question les méthodes de gestion néolibérales des dernières décennies.
  5. Le privé en santé échoue depuis des décennies à remplir ses promesses d’efficacité, de réduction des coûts, de préservation de la qualité et d’amélioration de l’accès. Il contribue plutôt à la déliquescence du réseau public par la vampirisation de ses ressources. Nous proposons donc de déprivatiser les services de santé et les services sociaux en étendant les dispositions de la Loi sur l’assurance maladie à l’ensemble des secteurs et en éliminant le financement public aux entreprises qui refusent d’intégrer le réseau public ou de se convertir en organismes à but non lucratif gérés démocratiquement.
  6. Pour contrer la concentration disproportionnée des ressources financières dans la rémunération des médecins et valoriser les autres catégories de services ainsi que le travail en équipes multidisciplinaires, nous proposons de remettre en question leur statut de travailleur autonome et de salarier les médecins tout en réduisant leur rémunération.

Réforme après réforme, les gouvernements successifs du Québec n’ont réussi qu’à rendre le système de santé plus dysfonctionnel. Le plan de l’actuel gouvernement propose ni plus ni moins de reproduire la recette, et donc les écueils, des réformes passées. Face à cette approche vouée à l’échec, nous avons puisé dans nos travaux de recherche pour proposer un plan alternatif qui s’attaque aux problèmes réels du réseau de la santé et des services sociaux, plutôt que de les reconduire une fois de plus.

Ce billet est d’abord paru sous forme de lettre dans l’édition du 11 décembre 2023 du Devoir.

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6 comments

  1. Comment se fait-il que le privé peut compétitionner contre le public tout en étant subventionné par l’état?

  2. D’accord que cette autre réforme passée sous baîllon ne as qu’empirer le système de santé déjà dysfonctionnel. Le Dr Réjean Hébert travaille depuis une trentaine d’années à proposer des solutions viables, il serait peut-être temps d’y prêter attention avant de réinventer la roue à partir de zéro.

  3. Bravo pour ce billet aux opinions fondées, démocratiques et courageuses. J’appuie vos propositions et je salue le travail que vous faites jour après jour. Merci beaucoup.

  4. Et si la réforme de Dubé, comme celles de ces prédécesseurs libéraux, ne visait pas vraiment à améliorer le système de santé et services sociaux, mais plutôt à augmenter les revenus des industries pharmaceutiques et informatiques derrière ses « grands » projets centralisateurs? La « tête » pensante du réseau maintient les travailleurs de la santé, le « coeur », dans des rôles d’exécutants serviles où l’on décourage les décisions à l’échelle locale, l’autonomie, l’écoute… En bref, on entretient intentionnellement un système dysfonctionnel, un réseau qui fabrique et traite la maladie. La bête se mange la queue. La « tête » craint la « santé » , la vraie, qui pourrait faire mourir le système malade …

  5. ENFIN une vraie solution aux vrais problèmes de la santé et des services sociaux!!! Bravo!

    Je désespérais de voir la destruction TOTALE du système de la santé avec la 3ième réforme.

    Ça fait du bien de voir cette solution qui propose de renverser le système impossible qu’on a. Je croyais que c’était impossible. Mais avec cette proposition détaillée, c’est tout à fait possible!!! Je vous appuie à 1000%

    Il reste à l’implanter. Ce ne sera pas facile…mais possible. Vous avez mis le doigt sur exactement ce qui fait défaut. Comment empêcher le gouvernement de vous saboter?

  6. Toutes ces recommandations m’apparaissent sensées et utiles pour que le Québec fasse une transition vers une médecine moins coûteuse à long terme axée sur la prévention, l’éducation et la proximité des services, une médecine plus centrée sur les besoins fondamentaux de l’humain. Par ailleurs, l’enjeu véritable n’est pas le programme en soi; il est plutôt de trouver des politiciens assez courageux pour proposer et déployer une telle réforme.

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