Comment ont évolué les revenus durant la pandémie?
6 février 2024
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La pandémie nous a légué plusieurs choses: des urgences débordées, des soignant·e·s et des enseignant·e·s épuisé·e·s, un sentiment de sécurité érodé… Elle a aussi eu un effet majeur sur les inégalités de revenus. Regardons quelques statistiques pour voir comment les revenus ont évolué dans les dernières années.
Avant de commencer, définissons les trois concepts de revenus sur lesquels nous allons nous pencher dans ce billet. D’abord, le revenu du marché. Cela représente essentiellement les revenus tirés d’un emploi (salaire), mais également les revenus de placements et les prestations de régimes de retraite. Vient ensuite le revenu après impôt. Il s’agit du revenu total déduit de ce qui est payé en impôt au fédéral et au provincial, auquel sont additionnés les crédits et les transferts dont peut bénéficier un contribuable. Cela représente l’argent disponible pour les dépenses courantes de la majorité de la population. À cela, on peut ajouter les gains en capital, soit le profit fait lorsque l’on revend un actif plus cher que ce que l’on a payé. L’exemple classique est celui d’une maison: le gain en capital représente la différence entre le prix d’achat et le prix de vente. Cela s’applique également à la vente de titres comme des actions ou des obligations. Au Canada, seulement 50% de ce gain est imposé.
Évolution des revenus entre 2019 et 2020
Entre 2019 et 2020, la plupart des catégories de revenus ont soit stagné, soit diminué au Québec. Le revenu du marché moyen de l’ensemble des déclarants n’a pas bougé pendant cette période. Du côté des très riches gagnant 0,1% des plus hauts revenus, il y a eu une légère diminution de 0,9%, mais ce sont les 50% les plus pauvres qui ont subi la plus grande perte, avec une réduction de 13,1%. Cela n’est pas surprenant puisque les pertes d’emplois ont frappé essentiellement cette catégorie de contribuables, les entreprises préférant mettre à la porte leurs employé·e·s à faible salaire. Au contraire, les personnes occupant des emplois mieux rémunérés ont été mieux protégées, notamment parce qu’elles avaient la possibilité de réaliser du télétravail.
Toutefois, l’État a compensé les pertes encourues par certains travailleurs et travailleuses en créant la Prestation canadienne d’urgence, ce qui a permis d’inverser la tendance en améliorant les revenus après impôt du 50% le plus pauvre de plus de 14%. Même si la progression n’a pas été aussi importante pour les plus nantis, leurs revenus après impôt et après gain en capital a tout de même légèrement augmenté entre 2019 et 2020 — cette « petite » hausse représentant néanmoins un montant (29 300$) plus élevé que le revenu moyen des 50% les plus pauvres (21 500$).
Évolution des revenus entre 2019 et 2021
La situation est bien différente quand on compare les années 2019 et 2021. Pour le 50% de la population au bas de l’échelle, les revenus du marché ont stagné entre les deux années. C’est une moins mauvaise nouvelle qu’il n’y paraît puisque cela indique une augmentation importante des revenus entre 2020 et 2021 qui a permis de compenser les pertes de l’année précédente. Quant à eux, les contribuables formant le 0,1% le plus riche ont plus que rattrapé le retard pandémique et ont même amélioré leurs revenus de plus de 20% sur la même période.
Une fois les impôts payés et les transferts redistribués, les hausses de revenus semblent mieux réparties. Si la hausse la plus importante a été enregistrée par la catégorie du 0,1% le plus riche (16,0%), le 50% le plus pauvre arrive au deuxième rang avec un revenu moyen 10,3% plus élevé qu’en 2019. Or, la hausse des revenus après impôt entre 2019 et 2021 est près de quatre points de pourcentage inférieure à celle survenue entre 2019 et 2020. En d’autres mots, bien qu’elle ait été temporairement protégée, cette catégorie de la population s’est appauvrie depuis le début de la pandémie, car les gains qu’elle a réalisés lors de la première année de confinement ont pour ainsi dire été annulés par la suite.
Quand les gains en capital sont comptabilisés, les plus riches de la société voient leurs revenus exploser et augmenter de près de 60% en seulement deux ans. Concrètement, alors que les personnes faisant partie du 0,1% avaient réussi à ajouter en moyenne 470 700$ à leur revenu après impôt en 2019 grâce à des gains en capitaux, cette somme a été de 1 169 900$ pour l’année 2021 seulement. La pandémie a été très rentable pour cette catégorie de revenus.
Du côté du 1%, la hausse est moins importante, mais quand même imposante. Celles et ceux qui en font partie ont connu une augmentation de leurs revenus après impôt et avec gains en capital de 35,5%, soit plus de deux fois l’augmentation de la moitié la plus pauvre de la population. Une personne faisant partie du 1% a donc, en 2021, plus de 26 fois le revenu moyen d’une personne faisant partie du 50% le plus bas. En 2019, c’était 22 fois.
Ces temps-ci, on entend beaucoup parler de crise du logement, d’insécurité alimentaire, du piètre état de nos services publics... Nous n’aurions pas les moyens de répondre aux besoins et d’atteindre nos ambitieux objectifs en matière d’éducation ou de soins de santé. Plutôt que de pointer les immigrant·e·s que le Québec accueille tant pour répondre à ses besoins de main-d’œuvre que pour assumer ses responsabilités sur le plan humanitaire, il serait plus que temps de regarder du côté des inégalités de revenus et de ceux (plus des trois quarts étant des hommes) qui se sont enrichis démesurément pendant la pandémie. En effet, le cœur du problème est peut-être plus notre système économique qui permet et favorise l’accumulation de richesse entre les mains d’un petit nombre que l’accueil de nouvelles et nouveaux arrivant·e·s.
2 comments
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Cessons de taxer la sueur.
Taxons la spéculation.
En tant que société, nous devons définir ce que sont les biens premiers et s’assurer qu’ils sont à l’abri de la spéculation.
Il faut détruire à tout jamais le pouvoir des banques privées de créer et d’utiliser l’argent-dette.
Créons le revenu de citoyenneté qui garantira enfin l’accès aux biens premiers.
Excellent article. J’aimerais savoir comment les prestations sociales et donc le revenu des personnes les plus pauvres ont évolué ces dernières années. Car parler de 50 % les plus pauvre inclut une bonne partie de la classe moyenne aussi. Les personnes qui reçoivent l’aide sociale par exemple, je crois qu’elles n’ont pas reçu la PCU et ensuite elles n’ont pas un mécanisme d’indexation des revenus. Il serait intéressant d’analyser la partie personnes à faible revenu. Merci beaucop.