Retirer la soutane
17 février 2017
Encore une fois, une publication de l’IRIS a perturbé Pierre-Yves McSween. Cette fois, c’est notre fiche socioéconomique sur les droits de scolarité qui a fait sortir le comptable de ses gonds. Non seulement il nous sert un nouveau sermon (encore un autre!), mais il attaque nos analyses alors que lui-même offre une réplique incomplète.
L’IRIS publiait mardi une fiche socioéconomique pour souligner les cinq ans de la grève étudiante. La fiche montre comment ce mouvement est parvenu à contrer en 2012 la hausse décrétée par le gouvernement de Jean Charest et, ce faisant, à maintenir la facture annuelle des droits de scolarité 1 465 $ plus basse que ce qu’elle aurait été sans cette bataille.
En réaction, M. McSween a écrit un court billet sur son blogue où il reproche à l’IRIS de ne pas avoir tenu compte de la baisse du crédit d’impôt pour frais de scolarité ou d’examen, ni de la perte de la prime au travail pour les étudiant·e·s à temps plein. Dans sa chronique à l’émission de Paul Arcand hier matin, il a tenu à peu près le même propos, sans manquer de s’ériger en autorité : son opinion était arrêtée, « peu importe ce qu’on va me répondre », disait-il en ondes.
Pourtant, comme plusieurs l’ont noté sur les médias sociaux (dont Pier-André B. St-Amant), si l’on veut mesurer plus avant l’impact fiscal élargi des suites du mouvement étudiant, il faut aller plus loin que M. McSween. Il faut notamment comprendre que les montants économisés par le gouvernement avec la baisse du crédit d’impôt de 20 % à 8 % ont permis de bonifier le programme de prêts et bourses. Cette modification a donc contribué à améliorer l’accessibilité des études universitaires pour certains étudiant·e·s, donc tend à figurer du côté positif du bilan.
Quant à la prime au travail pour les étudiant·e·s à temps plein, son élimination a pris effet en 2016 (était donc disponible jusqu’en 2015), soit quatre ans après le mouvement étudiant. L’inscrire au bilan de celui-ci est ainsi plutôt tiré par les cheveux.
Il serait indéniablement intéressant de faire une analyse plus poussée de l’évolution des conditions financières des étudiant·e·s québécois au-delà de la question de l’atteinte ou non des objectifs de la grève. C’est l’une des beautés de la recherche : le travail fait aujourd’hui n’empêche aucunement de futurs prolongements.
Pour l’heure, M. McSween s’indigne et se drape de vertu tout en échouant à appliquer ses propres préceptes. Il est difficile pourtant de contester que le principal facteur explicatif de l’écart entre la facture actuelle des étudiant·e·s et ce qu’elle aurait été autrement tient à la mobilisation d’il y a cinq ans. Nous reprocher de ne pas avoir inclus les modifications au régime fiscal passe à côté de cette question.
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La semaine dernière, Pierre-Yves McSween s’en prenait également à l’IRIS dans une chronique simili-nostalgique sur « l’art perdu de voir en 3D ».
Dans ce texte où il se dit « las » et où il déplore qu’on « crache sur celui ou celle qui se sacrifie pour changer sa réalité », il appelle à plus de « nuances » étant donné que la société est « complexe ». Plusieurs des réflexions qu’il partage alors sont réellement pertinentes. D’autres moins. Bien entendu, on restera dubitatif toutefois sur la proposition initiale – une « vision en 3D » qui nous aurait collectivement échappé – provenant d’un intervenant qui livre à son auditoire une approche strictement comptable du monde dans lequel on vit.
Ma collègue Julia Posca a déjà abordé les problèmes qu’entraîne l’approche propre à M. McSween, en plus de sa fâcheuse tendance à faire la morale.
Nous souhaitons formuler à notre tour quelques remarques sur le débat de société et les « communications publiques », notamment à travers les médias.
L’IRIS est un think tank, soit un institut de recherche fondé pour intervenir dans les débats de société. Comme d’autres think tanks, et avec sans doute plus de transparence qu’eux, l’IRIS affiche clairement ses couleurs : il s’agit d’un institut de recherche progressiste qui, dans ses travaux, met de l’avant un équilibre entre l’intérêt collectif et la liberté individuelle. L’IRIS ne cache ni sa mission ni ses valeurs.
En revanche, nous déplorons que certains souhaitent faire passer pour objectives ou neutres des interventions qui ne le sont pas.
Depuis quelques temps, M. McSween nous a habitués au commentaire politique. Il s’est récemment exprimé sur le salaire minimum, les CPE ou encore les politiques fiscales destinées aux artistes. Sur le salaire minimum, il s’est exprimé à l’emporte-pièce sans jamais prendre le soin de décortiquer les analyses mises de l’avant par nos économistes Mathieu Dufour et Raphaël Langevin. En conséquence, on pourrait aisément lui renvoyer plusieurs des critiques qu’il nous a adressées.
En d’autres mots, le comptable ne fait pas seulement dans les finances personnelles, il fait du commentaire dans ses « communications publiques » et ne peut dès lors guère prétendre à plus d’objectivité que l’IEDM ou l’IRIS. Nous lui souhaitons la bienvenue dans le débat de société.