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Qu’est-ce que les changements climatiques?

27 mai 2013

  • RG
    Renaud Gignac

Le débat québécois sur l’exploitation pétrolière arrive à un moment de l’Histoire où l’utilisation de combustibles fossiles a déjà sensiblement altéré l’équilibre chimique de l’atmosphère, réchauffant la planète de 0,8 °C depuis le début de l’ère industrielle. Bien que nous soyons déjà entrés dans l’ère des conséquences, il nous est encore possible de limiter la magnitude des dégâts à venir. Dans ce contexte, revisiter les fondements de la science climatique moderne peut aider à prendre des décisions éclairées. En voici une brève synthèse.

Comment la planète se réchauffe-t-elle?

Le phénomène naturel qui se trouve au centre de la question climatique est l’effet de serre. Comment l’effet de serre fonctionne-t-il? L’énergie que nous recevons du soleil, lorsqu’elle atteint la surface de la Terre, est réfléchie vers le ciel sous forme de rayonnement infrarouge. Cette énergie infrarouge est absorbée par certains gaz dans l’atmosphère. Autant d’énergie qui se trouve emprisonnée dans l’atmosphère.

En fait, les gaz à effet de serre (GES) jouent un rôle vital : en emprisonnant le rayonnement infrarouge à l’intérieur de l’atmosphère, ils empêchent que la Terre se refroidisse sous le point de congélation, à environ -18 °C. Loin des 15 °C actuels.

Les principaux gaz à effet de serre sont la vapeur d’eau et le dioxyde de carbone (CO2). D’autres gaz contribuent également à l’effet de serre, comme le méthane, mais bien que celui-là soit 25 fois plus néfaste que le CO2, il se trouve en quantité beaucoup plus faible dans l’atmosphère – pour le moment.

Un regard historique montre par ailleurs que depuis le milieu du 19e siècle, la pente du réchauffement historique se trouve à être de plus en plus abrupte à mesure que se raccourcit l’horizon de mesure, laissant entrevoir une tendance exponentielle inquiétante.

graphique 1

Source : GIEC, Comment les températures sur Terre évoluent-elles?

Le facteur humain

Ce que l’on appelle changements climatiques est le résultat de l’ajout dans l’atmosphère de gaz dont l’effet est d’y retenir davantage de rayonnement infrarouge. Il est aujourd’hui de notoriété publique que les changements climatiques récents sont en grande partie causés par l’activité humaine, principalement par l’effet de la combustion d’énergie fossile et du déboisement. On parle ainsi de changements climatiques anthropiques.

Une récente revue de littérature réalisée par une équipe internationale de chercheurs a d’ailleurs montré que 97 % des études scientifiques revues par les pairs confirment le caractère anthropique du réchauffement. Il existe donc un consensus scientifique ferme sur la question.

L’équilibre rompu

Entre l’an 0 et l’époque de la révolution industrielle, les GES étaient en situation d’équilibre dans le système climatique. Le CO2 atmosphérique oscillait alors autour de 275 parties par million (ppm). Ainsi, les émissions de CO2 provenant de sources naturelles, comme les animaux et les végétaux, étaient entièrement réintégrées dans l’environnement au moyen du mécanisme de la photosynthèse. C’est le cycle du carbone.

graphique 2

Source : GIEC, Quelle est la part des activités humaines[…]?

Par contre, depuis la révolution industrielle, l’usage de combustibles fossiles et le déboisement ont fait grimper la concentration de CO2 atmosphérique jusqu’à une concentration de 400 ppm en 2013. Nous savons aujourd’hui que l’équilibre du cycle du carbone était bien fragile, puisqu’il a bel et bien été rompu. Résultat : le CO2 excédentaire s’accumule aujourd’hui dans l’atmosphère à un rythme d’environ +1 % ppm chaque année.

Quelles conséquences pour les sociétés?

Les risques associés aux changements climatiques sont de plusieurs ordres. Dans un article de 2009, des chercheurs membres du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) ont divisé ces risques en cinq grandes catégories : (1) la perturbation des écosystèmes (récifs coralliens, glaciers, espèces vivantes, etc.); (2) les phénomènes météorologiques extrêmes (canicules, inondations, sécheresses, incendies, ouragans, etc.); (3) la disparité géographique des impacts ressentis (qui ne sont pas un risque en soi); (4) l’impact sur l’économie et les marchés; et (5) les bouleversements à grande échelle (élévation accélérée du niveau des mers, niveaux de chaleur extrêmes, etc.).

graphique braise

Source : Research EU, n° 63, avril 2010, p. 16

Ce schéma des « braises ardentes » présenté ci-haut permet de constater que la hausse passée de 0,6 °C (à laquelle on doit additionner une hausse récente supplémentaire de 0,2 °C) a augmenté les risques encourus par certains écosystèmes (1) et les risques météorologiques extrêmes (2). Il est également clair que tout réchauffement supplémentaire accroîtra les possibilités de subir de graves bouleversements sociétaux (4 et 5).

Les risques de points de non-retour : le cas du pergélisol arctique

Bien sûr, le fait que la communauté scientifique soit d’accord pour dire que les changements climatiques soient principalement anthropiques ne signifie pas que des débats n’ont pas cours sur d’autres aspects. Au contraire, le caractère éminemment complexe du climat, qui met en scène de grands systèmes qui interagissent et se renforcent mutuellement, constitue un défi de taille pour les scientifiques.

L’un de ces défis est de mesurer adéquatement les phénomènes de rétroaction provoqués par la nature, ou « feedbacks », qui pourraient faire franchir au système climatique des « points de non-retour ». L’une de ces menaces provient des vastes réserves de méthane présentement emprisonnées dans le pergélisol de l’Arctique.

On nomme pergélisol cette partie du sol qui n’est pas de la glace, mais qui demeure néanmoins gelée en permanence. Alors que fond lentement le pergélisol en réaction à la hausse de la température globale, les lacs au fond desquels est emprisonné du méthane relâchent progressivement leur contenu dans l’atmosphère. Ces grandes quantités de méthane qui sont libérées dans l’atmosphère contribuent à leur tour au réchauffement, accélérant encore davantage la fonte du pergélisol.

C’est donc une spirale de réchauffement, ou pour mieux dire, un cas de forte rétroaction positive, qui pourrait bien être déclenchée sous peu. Et les estimations des réserves de méthane du pergélisol arctique ont de quoi inquiéter : en équivalent-CO2, ce serait rien de moins que la moitié de tous les GES présents dans l’atmosphère qui s’ajouterait! De quoi corser grandement les efforts de réduction d’émissions des États. Il n’existe toutefois pas encore de consensus scientifique définitif quant à la puissance exacte de la rétroaction du pergélisol arctique. Et parvenir à une mesure précise pourrait prendre encore beaucoup de temps.

Agir malgré l’incertitude

Là est d’ailleurs tout le dilemme posé par les changements climatiques : comment gérer de telles incertitudes? Alors que de puissants lobbys tentent de profiter de cette incertitude et même de l’entretenir afin de faire dérailler la lutte aux changements climatiques, des observateurs tels l’économiste écologique Herman Daly proposent une approche plus pragmatique : « Lorsque vous sautez d’un avion, vous avez davantage besoin d’un simple parachute que d’un altimètre très sophistiqué. N’attendez pas les données scientifiques exactes. »

L’heure est donc à l’action : il est impératif de limiter le réchauffement à 2 °C. Et pour y arriver, il faut viser beaucoup plus haut que les cibles de réduction d’émissions déjà consenties. Il faudra aussi que les États développés comme le Québec, le Canada et les États-Unis prennent conscience que certains actes de contrition seront nécessaires pour respecter le droit des pays en développement à atteindre un niveau de vie acceptable, sans outrepasser les limites naturelles. *

Avec la collaboration de Bertrand Schepper, chercheur à l’IRIS, et de Robert Mailhot, météorologiste.

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