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Pour bien paraître à Paris

15 décembre 2015

  • Bertrand Schepper

Suis-je le seul à être surpris de l’éloignement soudain du Canada du pétrole et des récentes déclarations de Phillipe Couillard sur Anticosti ? Bien sûr, c’était un projet péquiste et le gouvernement libéral provincial lui préfère le projet hyper polluant de la cimenterie de Port-Daniel, mais cette prise de distance reste tout de même étonnante.

De plus, que le Canada propose des cibles de baisse de gaz à effet de serre plus grandes que la moyenne des pays industrialisés est aussi plutôt une nouvelle. En effet, en proposant une cible de 1,5 degré Celsius, on dirait que le Canada souhaite passer de cancre à premier de classe. Traitez-moi de cynique, mais je crois que toutes ces belles intentions sont davantage liées à la conjoncture économique qu’à une réelle volonté de régler la crise climatique.

Il faut dire que les dernières semaines ont été difficiles pour l’industrie pétrolière canadienne. Non seulement le nouveau gouvernement canadien a voulu paraître dans ses meilleurs atours pour la Conférence de Paris, mais les provinces commencent à réaliser que la perspective d’avenir économique de cette industrie commence à sérieusement battre de l’aile.

Rappelons que pour que la production canadienne des sables bitumineux soit minimalement rentable, le prix du baril sur le marché international doit être d’environ 63 $. Or pour le moment il se situe sous la barre des 38 $ US, ce qui représente son plus bas creux depuis 2009. Pour la prochaine année, le portrait n’est pas non plus très enchanteur pour l’industrie pétrolière; le PDG de la firme Total, Patrick Pouyanné, exclut toute possibilité de rebond des prix pour l’année à venir. À cet égard, plusieurs acteurs internationaux importants de l’industrie se sont rencontrés le mois dernier pour étudier les impacts sur l’industrie d’un baril de pétrole sous la barre des 50 $. Rien qui laisse présager un retour à la rentabilité du pétrole canadien.  Surtout considérant que la demande mondiale va ralentir au courant des prochaines années. Bref, l’industrie des hydrocarbures ne pourra pas continuer d’être le fer de lance de l’économie canadienne et ne sera certainement pas un eldorado au Québec. Cela explique aussi pourquoi des provinces comme l’Alberta décident de règlementer leur exploitation plutôt que d’espérer soutenir leur économie avec des redevances.

L’autre mauvaise nouvelle pour l’industrie pétrolière, moins couverte celle-là, c’est qu’il est maintenant démontré scientifiquement que contrairement à ce que l’industrie des pétrolières prétendait, le « dilbit » , sable bitumineux dilué pour le transport, se comporte différemment que le pétrole conventionnel lors de déversement. Dans un document publié cette semaine, le National academy of science démontre que le dilbit pose des risques uniques par rapport aux autres mélanges et nécessitera une nouvelle réglementation. Dans un contexte où plusieurs acteurs états-uniens sont déjà échaudés par les coûts économiques et environnementaux astronomiques du déversement de la rivière  Kalamazoo, (1,2 milliard US$) tout porte à croire que cette nouvelle va rendre les négociations entre le Canada et les États-Unis encore plus ardues au sujet du pipeline.

Bref, le prix du baril de pétrole va rester bas, mais les coûts d’exportation au plus gros client canadien risquent d’augmenter.

Devant ce constat, il semble plus compréhensible que messieurs Couillards et Trudeau se fassent apôtres de l’écologie. Maintenant, devant la belle parole de Paris, il faut maintenant agir. Malheureusement pour le moment rien de concret ne semble être mis sur la table.  Parions que si le prix du baril de pétrole passait la barre des 100 $ les propositions de nos dirigeants seraient soudainement bien moins angéliques.

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