Politique provinciale en matière d’immigration : une approche à revoir
30 juin 2016
On apprenait dans le Devoir ce lundi que « les sommes allouées à l’accueil et à la francisation des élèves non francophones ont subi une « réduction budgétaire » arbitraire de 13,6 millions pour l’année scolaire qui vient de se terminer, soit 26 % d’une enveloppe de 51,4 millions consentie aux commissions scolaires à cette fin. » La Commission scolaire de Montréal ainsi que celle de la Capitale avaient choisi d’utiliser une partie de leur budget pour combler l’effet des coupes, dans un contexte où le gouvernement exige par ailleurs d’elles qu’elles ne fassent pas de déficits. Le ministre de l’Éducation Sébastien Proulx a finalement décidé de réduire de cinq millions les coupes annoncées, qui avaient soulevé un certain tollé au sein de l’opposition officielle à Québec.
Ce n’est pas la première fois que le gouvernement fait volte-face après avoir d’abord coupé dans les sommes allouées à la francisation des nouvelles et nouveaux arrivant·e·s, puisque ce scénario c’était déjà produit en 2004. Il reste que quatre mois après l’adoption de la nouvelle politique provinciale en matière d’immigration, la décision du gouvernement avait tout de même de quoi choquer – mais peut-être pas de quoi surprendre, malheureusement. Teintée d’un utilitarisme déprimant, cette politique prétend arrimer l’immigration aux besoins de l’économie québécoise, dans un contexte, avait affirmé la ministre de l’Immigration Kathleen Weil au moment de son dévoilement, où la compétition pour attirer des travailleuses et des travailleurs étrangers est très forte. Cela explique que le gouvernement propose d’« enrichir la francisation à visée professionnelle » comme stratégie d’action pour mettre en œuvre sa politique d’immigration, tout en négligeant de financer adéquatement les services pour les enfants de personnes immigrantes.
Rappelons que le ministère de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion (MIDI) n’a pas été épargné par l’exercice d’austérité budgétaire du gouvernement Couillard, qui lui avait imposé une coupe de 4,7 millions de dollars à l’été 2014. Une mesure qui est loin d’être exceptionnelle, puisqu’en 2003 – on ne parlait alors pas d’austérité, mais de réingénierie de l’État – les Libéraux avaient retranché 40,4 millions du budget du ministère des Relations avec les citoyens et de l’Immigration, une réduction de l’ordre de 20%. En 2007, c’est le personnel du ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles (MICC) qui faisait les frais de la « rigueur », alors que 11% des postes étaient abolis. En 2010, et le MICC et Emploi-Québec diminuaient le nombre de classes de francisation, ce qui, avait fait remarquer à l’époque Robert Dutrisac du Devoir, allait à l’encontre du vœu formulé plus tôt cette année-là lors du Rendez-vous des gens d’affaires et des partenaires socioéconomiques d’accroître la place du français dans les entreprises montréalaises.
L’accueil des personnes immigrantes devrait aller de soi pour une nation riche comme le Québec, ce qu’on ne peut accuser le gouvernement Couillard de remettre en question. Face à cette réalité, il est cependant du rôle de l’État de mettre en place les mesures nécessaires afin de faciliter l’installation et l’intégration des nouvelles et nouveaux arrivant·e·s et d’y allouer un financement adéquat. La Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes (TCRI) affirmait dans un mémoire de 2011 : « nous sommes convaincus qu’il est vain de vouloir miser sur l’immigration en terme de moteur d’un développement social, économique et démographique si l’on n’en fait pas un projet collectif impliquant largement la société d’accueil et surtout l’ensemble des acteurs socioéconomiques et institutionnels ». Si l’on ne conçoit pas l’immigration en termes de projet collectif, on risque en effet de faire des personnes immigrées des citoyens de seconde zone.