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Philpott fera-t-elle le travail du Collège des médecins ?

23 janvier 2016

  • Guillaume Hébert

Les négociations entre le gouvernement fédéral et les provinces sont en cours à Victoria en Colombie-Britannique. Il s’agit de la première véritable occasion de tester la nouvelle ministre fédérale de la santé, Jane Philpott. Bien que le gouvernement Trudeau ait montré plus de bonne volonté que son prédécesseur sur la question onéreuse des achats de médicaments (strictement le pôle d’achat et pas l’assurance universelle), on ne sait rien encore de ses intentions réelles vis-à-vis de l’avenir général des systèmes de santé publics. L’enjeu des frais accessoires au Québec pourrait justement s’avérer à cet effet révélateur.

Avant les Fêtes, nous avons publié une note socio-économique sur les ordres professionnels. Nos questionnements nous ont valu une volée de bois vert du Collège des médecins qui s’est indigné des doutes émis relativement à sa détermination à protéger le public dans le dossier des frais accessoires. Non seulement cette réaction a soulevé bien plus de questions qu’elle n’en a réglé, mais elle a poussé plusieurs personnes à contacter l’IRIS afin de faire état de leur propres démêlés avec des médecins qui abusent de leur « clientèle captive » ainsi qu’avec le Collège qui traîne les pieds, ou parfois regarde ailleurs, lorsque vient le moment de les défendre.

Lorsqu’il nous a répondu, le Collège niait qu’il poussait des plaignants vers la conciliation lorsque ceux-ci demandent en fait des enquêtes sur des pratiques douteuses.

Il faut comprendre que si vous pensez avoir été lésé par un médecin – par exemple si vous jugez qu’il a abusé de votre confiance en exigeant de vous un montant d’argent X pour tel ou tel motif nébuleux et même si l’État le rémunère déjà généreusement pour faire son travail – vous devez faire une plainte au Collège des médecins.

À ce moment, vous devez choisir si vous optez pour une conciliation (et éventuellement s’entendre avec le médecin sur un remboursement total ou partiel s’il s’agit d’un frais accessoire qu’on vous a imposé) ou si vous demandez une enquête (qui peut mener à des sanctions contre le médecin).

On m’a fait remarquer que cette procédure pose déjà un problème important. Pourquoi en effet faut-il choisir entre un remboursement et une enquête ? Imaginons une personne à faible revenu qui s’aperçoit qu’elle s’est fait imposer des frais illégaux par un médecin peu scrupuleux (la plupart des patient-e-s n’y voient sans doute d’ailleurs que du feu). Indignée, elle pourrait vouloir révéler cette pratique à l’ordre professionnel censé protéger le public (le Collège des médecins) mais devra choisir entre ravoir son argent ou exiger une enquête.

Notons par ailleurs que lorsqu’une procédure d’enquête est lancée, on risque de perdre son médecin (même si la plainte ne porte pas sur la qualité des soins), ce qui a certainement pour effet de décourager les demandes d’enquêtes.

Les cas qui ont été portés à notre intention montrent une constance : le Collège cherche à éviter les enquêtes en facilitant – parfois en imposant unilatéralement – une conciliation puis un remboursement qui fera taire le plaignant. L’un de ces cas, celui de Mme Colombe Gagnon a été médiatisé en 2015.

Lorsqu’il a répondu à notre publication de décembre, le Collège a pourtant nié qu’il procédait ainsi. Les faits rapportés le contredisent.

Notons que le Collège a modifié son code de déontologie en janvier 2015 pour indiquer aux médecins que dans les rares cas où les frais accessoires sont autorisés, ils doivent l’être au prix coûtant. Désormais, malgré ce changement, et pour justifier son inaction, il évoque le projet de loi 20 de l’automne dernier qui, rappelons-le, viendra légaliser les frais accessoires en les encadrant.

C’est du moins le souhait de Gaétan Barrette qui postule que ce faisant, le gouvernement du Québec ne contrevient pas à la Loi canadienne sur la santé qui interdit la surfacturation, c’est-à-dire qu’elle ne permet pas aux médecins d’exiger de l’argent aux patient-e-s en plus de ce qu’ils reçoivent de l’État.

Et c’est l’une des raisons (mais pas la seule) qui rend intéressantes les négociations de Victoria. Abordera-t-on le sujet ? Si cette nouvelle initiative visant à favoriser le financement privé de la santé est tolérée malgré son apparente illégalité, d’autres provinces y verront certainement une invitation à aller de l’avant.

Certains voudraient donc que la ministre agisse. Le droit de la santé n’est pas toujours simple, et il l’est encore moins si on lui ajoute une couche de débat constitutionnel. Mais une chose est certaine, si la ministre tente de contrer les pratiques répréhensibles des médecins québécois, elle aura montré de la vaillance là où le Collège des médecins montre son incompétence.

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