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Nouveau système de redevances minières : beaucoup de bruit pour presque rien

7 mai 2013


Hier le gouvernement du Parti Québécois annonçait un nouveau régime de redevances minières. Cette proposition dite « hybride » s’inspire de deux systèmes de redevances plus importants, celui fondé sur les profits et le système basé sur l’extraction. Ce court texte tentera de démystifier ces formes de calcul de redevances afin de bien analyser la décision du gouvernement et ce qu’elle implique.

Petite mise au point importante, tout système de redevances minières doit composer avec le marché des métaux qui connaît des hausses et des baisses cycliques. Quand les prix des métaux sont élevés, les minières ont tendance, naturellement, à générer plus de bénéfices que lorsque les prix sont bas. Les systèmes de redevances sont ainsi affectés par ces fluctuations.

Le système de redevances basée sur les profits

Le système de redevances basé sur le profit est plutôt simple. Il s’agit de prélever des redevances sur les profits d’une entreprise en fin d’année. Ce système en vigueur au Québec depuis de nombreuses années permet au gouvernement de réclamer 16 % des profits réalisés par les entreprises minières. L’objectif d’un tel régime est double :

  1. Encourager les investissements dans l’industrie puisque tant et aussi longtemps que les minières s’installent et font de la prospection,  elles n’ont pas à payer de redevances minières.
  2. Ne pas pénaliser les minières si le cours boursier des ressources minières est bas sur le marché.

Ce système comporte aussi de nombreux désavantages pour les contribuables québécois notamment lorsque le marché des ressources est bas. De plus, une panoplie de mesures fiscales au Québec fait en sorte que les entreprises minières paient beaucoup moins de redevances que prévu ou même n’en paient pas du tout. Finalement, lorsque les minières ne font pas de profits, elles n’ont pas à payer de redevance et se retrouvent à extraire des richesses du sol sans compenser l’État. Le vérificateur général du Québec a décrié la situation en citant notamment le fait qu’entre 2002 et 2008 c’est en moyenne 40% des entreprises minières qui ne payaient pas de redevances (pp. 2-14 et 2-15). Le bilan ne s’est guère amélioré en 2011, année où la moitié des mines en exploitation dans la province n’ont payé aucune redevance. Ainsi, ce système contrevient à l’essence même de ce qui est une redevance minière, c’est-à-dire une forme de compensation pour les générations futures qui n’auront pas accès aux ressources.

Un autre désavantage de taille est qu’il n’est pas possible pour l’État de vérifier efficacement à quel rythme les ressources quittent le territoire, puisque les redevances devraient logiquement constituer un indicateur de la quantité de ressources extraites.

Le système basé sur l’extraction

Le système de redevances fondé sur l’extraction est également assez simple en théorie. Il suffit de calculer l’ensemble de la valeur des métaux ou minéraux extraits par les entreprises minières et d’imposer un pourcentage de taxation sur l’extraction (ce que l’on appelle la valeur brute de production).

Si, comme le suggère l’estimation de 2011 (p.6) de l’Institut de la statistique du Québec (ISQ), l’industrie minière extrait pour 8,2 G$, le taux de redevances de 10% sur cette valeur de production permettrait de bénéficier de 820 M$ en redevances. À titre comparatif, en 2012, Québec recevait 388 M$ de redevances, le plus haut montant perçu en 10 ans.

Ce système est considéré comme étant très désavantageux par les entrepreneurs miniers puisque les redevances sont prélevées dès qu’il y a extraction minière, sans égard aux profits. C’est donc dire que toutes les minières en exploitation versent des redevances, même celles qui, pour une raison ou une autre, font des pertes. Pour certains, ce système nuirait à la « compétitivité internationale » du Québec en tant que juridiction minière puisqu’une telle mesure fiscale serait « dissuasive » et découragerait l’investissement sur le territoire. Toutefois, du point de vue des citoyens-nes, il s’agit d’un régime un peu plus équitable qui, en plus de répondre minimalement à la définition de ce que devrait être une redevance, permet de générer des revenus continus en échange de l’extraction et de l’expédition de ressources publiques.

Le système du PQ 

Le système proposé hier est un mélange de ces deux approches. Les minières devront payer la part la plus importante des deux options suivantes :

  • Une imposition de 1% sur la base de la « valeur de la production à la tête du puits » (valeur brute de production moins certaines dépenses de production et de transformation) si celle-ci est inférieure à 80 M$ et de 4% si elle l’excède
  • Ou un impôt progressif sur le profit qui s’échelonne ainsi : « Marge bénéficiaire : profit minier de l’exploitant divisé par la valeur brute de sa production annuelle »

Ce régime devrait permettre une augmentation de 15 % des revenus fiscaux associés redevances minières d’ici 2020. Ce qui n’est pas bien étonnant puisque le cycle minier pourrait bien avoir connu une hausse d’ici là. Nous sommes donc bien loin de la promesse électorale péquiste de doubler le niveau de redevances. Quant aux taux de redevances du nouveau régime, ils demeurent également en deçà de ceux promis en campagne électorale, soit 5% de la valeur brute de production en plus d’une taxe de 30% sur le surprofit. On est également très loin du taux de 10% de la valeur brute réclamé depuis plusieurs années certains groupes de la société civile.

Par ailleurs, la déduction fiscale accordée pour la transformation des minerais au Québec sera haussée afin de favoriser la transformation locale des ressources. Ceci s’ajoute au congé fiscal de 10 ans accordé aux grands projets d’investissement, mesure qui dans le cas du secteur minier s’applique aux projets de première, deuxième et troisième transformation. Bien qu’il s’agisse d’un pas dans la bonne direction, le gouvernement opte pour une mesure où la décision de transformer ou non au Québec revient ultimement à l’entreprise privée. Après une simple analyse coûts-bénéfices, celle-ci décidera si les frais et mesures fiscales liés à la transformation sont plus avantageux ici ou à l’étranger. En revanche, l’imposition d’un pourcentage minimal contraignant de la quantité de minerai à transformer en sol québécois aurait constitué une mesure plus efficace à ce chapitre.

Au final, ce système constitue certes une amélioration comparativement au système actuel dont les prémisses datent de 1925 . Le nouveau régime permettra de soutirer un niveau minimal de redevances de toutes les mines opérant au Québec en plus de favoriser une plus grande transparence quant aux quantités de minerai extraites et aux revenus fiscaux générés. Ce système s’éloigne toutefois des promesses du PQ et s’avère moins équitable que prévu pour le contribuable.

On peut aussi se demander à quel point une réforme du régime de redevances peut compenser pour les coûts associés aux dommages écologiques passés et futurs causés par les activités minières, coûts qui ne se mesurent pas uniquement en termes monétaires. Cette réforme fiscale n’avait évidemment pas pour but de laisser place à une discussion sur la pertinence du modèle extractiviste québécois face à la crise écologique actuelle. Il est toutefois intéressant de noter que l’absence de telles remises en question dans la sphère publique est symptomatique d’un régime minier basé sur le free mining où les entrepreneurs miniers sont rois et maîtres et où toute activité minière est autorisée et considérée comme la meilleure forme d’usage du territoire. 

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