Nos tarifs d’électricité vont-ils financer GNL Québec?
10 Décembre 2019
Bien que GNL Québec ait embauché plusieurs lobbyistes pour faire valoir son projet auprès du gouvernement, celui-ci n’a pour le moment annoncé aucune subvention. Cependant, GNL Québec pourra recevoir une réduction de ses coûts d’électricité en vertu de programmes actuellement en vigueur.
Rappelons que la CAQ demeure ambivalente quant à sa volonté de financer ce projet. Le ministre Fitzgibbon a d’abord indiqué qu’il ne mettrait pas 1 G$ dans le projet. Pourtant, le premier ministre Legault a affirmé dans les jours qui ont suivi cette annonce qu’il comptait « aider l’entreprise GNL Québec à réaliser les études économiques qui doivent permettre au promoteur de l’usine gazière Énergie Saguenay de démontrer la pertinence de ce projet d’exportation maritime de gaz naturel de l’Alberta ». Il a de plus ajouté qu’un « soutien financier public n’[était] pas exclu ».
Or, dans les faits, si le projet GNL Québec va de l’avant, il recevra de l’argent des contribuables… d’Hydro-Québec, par l’entremise du programme de rabais d’électricité applicable aux consommateurs facturés au tarif « L » du gouvernement, qui s’applique aux clients industriels. En effet, ce programme prévoit une réduction maximale de la facture d’électricité de 20 % pour une durée maximale de 4 ans pour les projets de moins de 250 millions de dollars, et d’une durée de 6 ans pour les projets de plus de 250 millions de dollars.
Ainsi, en supposant que l’usine Énergie Saguenay, qui utilisera l’électricité d’Hydro-Québec pour liquéfier le gaz provenant de l’Alberta, consommera 550 MW comme l’indique GNL Québec, on peut croire qu’elle bénéficiera d’un rabais de 43 millions de dollars pour 6 ans, montant qui ne serait pas perçu par Hydro-Québec. Normalement, ces revenus seraient rajoutés au profit d’Hydro-Québec, dont 75 % sont remis au gouvernement du Québec.
Soyons clairs, cette aide n’est pas exclusive à GNL Québec. Elle touche tout nouveau projet des secteurs manufacturiers et de la transformation des ressources naturelles dans le but de stimuler de nouveaux investissements.
Cependant, dans le cas qui nous occupe, il y a un effet plus insidieux puisque l’électricité à faible coût est cruciale pour rentabiliser l’opération de liquéfaction du gaz naturel de schiste albertain que cherche à faire GNL Québec. En allant se chercher un avantage supplémentaire avec ce programme de rabais, le gouvernement et la société d’État se retrouvent à financer l’utilisation d’une énergie renouvelable (l’hydroélectricité) pour exporter une énergie extrêmement polluante (le gaz de schiste liquéfié).
Pire encore, selon 40 économistes et chercheurs en économie, rien ne garantit que le gaz exporté ne viendra pas remplacer le gaz conventionnel, plus propre, ou même l’électricité de source renouvelable. L’aide gouvernementale pourrait donc faciliter l’utilisation de gaz naturel de schiste en Europe au détriment d’énergies plus « vertes » comme l’éolien ou le solaire.
Plus récemment, l’IRIS a publié une fiche socio-économique qui montrait que les retombées fiscales du projet GNL Québec seraient réduites étant donné que les principaux investisseurs du projet étaient situés dans des paradis fiscaux. Cette constatation nous a mené à recommander au gouvernement de ne pas subventionner le projet à l’aide de fonds publics. Il nous apparaît tout aussi naturel de ne pas attribuer des rabais d’hydroélectricité à des projets dont la nature extrêmement polluante est connue.