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Réforme Dubé | Les mini-hôpitaux privés, une vieille idée qui répète les erreurs du passé

19 septembre 2023

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5min

  • Anne Plourde

Promesse phare de la CAQ lors de la dernière campagne électorale, la construction de deux mini-hôpitaux privés est présentée comme une solution innovante à l’engorgement des urgences, qui s’inscrit dans ce qu’on pourrait appeler le « volet privatisation » de la réforme Dubé. Dans les faits, les mini-hôpitaux privés de la CAQ sont en quelque sorte une version 2.0 des « supercliniques » privées créées en 2016 par l’ex-ministre de la Santé, Gaétan Barrette. Or, l’IRIS a récemment effectué un bilan de cette expérience qui démontre clairement que, si ce modèle a favorisé l’émergence et la consolidation d’une véritable « médecine inc. » au Québec, il échoue lamentablement à répondre aux besoins de la population.

Cette publication a été réalisée dans le cadre du LaRISSS.

Les similitudes entre le projet de la CAQ et les supercliniques de Gaétan Barrette sont frappantes. Dans les deux cas, on parle de « mini-hôpitaux » privés qui visent à désengorger les urgences, et on décrit les deux types d’établissements comme étant à mi-chemin entre les groupes de médecine de famille (GMF) et les hôpitaux. Des entrepreneurs propriétaires de supercliniques ont d’ailleurs manifesté leur intérêt à investir dans les mini-hôpitaux du gouvernement actuel.

Une différence notable entre les deux modèles est que la proposition caquiste comprend des salles d’opération pour des chirurgies mineures et qu’elle devait au départ inclure une offre de services 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Plusieurs expert·e·s ont cependant exprimé des doutes sur la capacité du secteur privé à faire fonctionner des cliniques la nuit et les fins de semaine, notamment parce qu’elles peineront à attirer de la main-d’œuvre si elles imposent à leurs employé·e·s des horaires de travail comparables à ceux du secteur public. Or, un nouvel appel d’intérêt lancé au début du mois d’août par le gouvernement suggère que l’impératif d’une offre de services « 24/7 » est désormais négociable.

Alors que tout indique que la version caquiste des mini-hôpitaux privés sera taillée sur mesure pour convenir aux préférences et aux intérêts des entrepreneurs, l’expérience des supercliniques fait planer de sérieux doutes sur sa capacité à améliorer l’accès aux services pour la population. Soulignons d’abord qu’après plusieurs années d’existence et la création de plus de 50 de ces cliniques privées à but lucratif, la situation dans les urgences du Québec n’a pas connu d’amélioration significative, au contraire. L’ensemble des cibles du ministère, qu’il s’agisse du délai de prise en charge au triage ou de la durée d’attente sur civière, continuent d’être systématiquement ratées.

Si la persistance du problème de l’engorgement des urgences ne peut être entièrement attribuée aux supercliniques, notre analyse a montré que, d’une année à l’autre depuis 2017, et malgré les fonds publics considérables qui y sont investis, la majorité d’entre elles ne respectent pas les exigences du ministère.

Ainsi, les supercliniques sont censées, en échange du financement public qu’elles reçoivent, offrir un nombre minimal de visites médicales d’urgence à des patient·e·s qui ne sont pas inscrit·e·s auprès des médecins de la clinique. Le tableau suivant montre que les supercliniques échouent complètement à remplir ce mandat, qui est pourtant à la base de ce modèle. En 2021, le nombre de visites effectuées dans ces cliniques par des patient·e·s orphelin·e·s était inférieur au nombre prévu dans 84% d’entre elles. Au total, des dizaines, voire des centaines de milliers de visites médicales sont perdues chaque année pour les personnes sans médecin de famille, qui se voient ainsi forcé·e·s de recourir aux urgences des hôpitaux pour répondre à leurs besoins.

Le cas des supercliniques nous renseigne aussi sur le type de médecine susceptible de se développer dans la foulée de la privatisation des urgences hospitalières. Très loin du modèle traditionnel des médecins gérant leur propre cabinet en tant que travailleurs autonomes, ces cliniques prennent de plus en plus la forme de véritables entreprises médicales capitalistes possédées par des entrepreneurs extérieurs au secteur de la santé.

En effet, nos recherches ont montré que parmi la cinquantaine de supercliniques actives en 2022, 62 % comptaient au moins un·e dirigeant·e ou un·e actionnaire qui n’était pas médecin, et 24% ne comptaient aucun médecin parmi ses dirigeant·e·s ou ses actionnaires. Le quart faisaient partie d’une « chaîne » de cliniques privées, dont certaines étaient la propriété de grandes entreprises comme Telus. Enfin, près de la moitié (48%) des supercliniques utilisaient des sociétés de portefeuille (holdings) comme sociétés-écrans entre les entreprises et leurs actionnaires, suscitant des questions sur les stratégies d’optimisation fiscale déployées par ces entreprises à but lucratif.

Considérant l’échec des supercliniques à désengorger les urgences, on voit mal comment des mini-hôpitaux privés directement inspirés de ce modèle pourraient y parvenir. On peut s’attendre toutefois à ce que les fonds publics investis dans cette nouvelle tentative de privatisation des services permettent la consolidation d’une véritable « médecine inc. » qui, à défaut de répondre aux besoins de la population, semble servir les intérêts de certains investisseurs. 

Une réalisation du LaRISSS

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2 comments

  1. Le sous financement du public permet de faire une publicité positive au privé.
    Quand on fermera le public, le privé aura beau jeu!

    Comment se fait-il que le privé est subventionné par l’état alors qu’il est en compétition avec lui?

  2. Le gouvernement actuel est un gouvernement qui est constituer de personnes qui ont œuvré dans le monde des affaires. Sans dénigrer se monde, il n’est demeure pas moins que la gestion de l’État doit de faire avec approche qui concerne l’intérêt public . Le domaine privée ne concerne que son propre intérêt qui est principalement financier.

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